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Lexique des termes littéraires 

du site Lettres.org

Rimbaud, le poète (accueil)  > Glossaire stylistique

Alinéa
ALLÉGORIE
ALLITÉRATION
ANALOGIE

ANAPHORE
ASSONANCE
ASYNDÈTE
CÉSURE

CHANSON

CHUTE
Clausule
Comparaison
Déictiques
Démonstratifs

ELLIPSE
Facule discursive

JEU DE MOTS

HYPALLAGE

HYPERBOLE
HYPOTYPOSE
INCIDENTE

M
étaphore
MÉTONYMIE

OXYMORE
PARAGRAPHE
PARALLÉLISME
Parataxe
PARODIE
Pastiche
POÈME EN PROSE

Pointe
Polysyndète
PRÉPOSITION

RIME
RIME CONSONANTIQUE
RYTHME (PROSE)
SONNET
STYLE ORAL
SYNECDOQUE
SYNESTHÉSIE
TIRET
VERS
VERS LIBRE
Verset

ZEUGMA

PARALLÉLISME : Procédé de style consistant à souligner la correspondance entre deux parties de l'énoncé (similitude, opposition, complémentarité) en s'appuyant sur des reprises syntaxiques et rythmiques. Exemple, ce début d'un poème en vers libres de Jacques Prévert:

Démons et merveilles
Vents et marées
Au loin déjà la mer s'est retirée

      Michel Murat indique le recours fréquent de Rimbaud à ce procédé stylistique. Il rappelle que le parallélisme est traditionnellement "une forme de base du poème en prose. Le cadre élémentaire est constitué de quatre termes couplés deux à deux par une relation non hiérarchique [...] Bien entendu, la catégorie grammaticale, le nombre et la disposition des éléments peuvent varier (chiasme, parallélisme incomplet, parallélisme augmenté ou décalé, etc.)." (op. cit. p.397)    
     Plusieurs commentateurs ont noté que l'auteur des Illuminations, sans se priver des charmes de la symétrie, comme le montre l'abondance des structures binaires, ternaires, etc. dans quasiment tous ses textes, s'ingénie à faire dévier ses parallélismes afin de désarçonner le lecteur et de faire rendre à l'énoncé un sens imprévu.
     Par exemple dans : "lunes et comètes, mers et fables" (Enfance V), "le quatrième terme, explique Michel Murat, fait dévier l'ensemble de l'homologie : toutefois il existe quand même un rapport, mais d'un autre ordre, entre "comètes" et "fables" (op. cit. p.397).
     Dans Matinée d'ivresse : "Hourra pour l'œuvre inouïe et pour le corps merveilleux, pour la première fois!" Le troisième "pour" n'a pas le même sens que les deux premiers; la structure ternaire est boiteuse. Michel Murat signale l'affection particulière de Rimbaud pour ce type de dérapages occasionnés par "l'emploi de prépositions polyvalentes : "à" dans Dévotion, "au(x)" dans Démocratie.
     Dans Sonnet : "la force et le droit réfléchissent la danse et la voix, à présent seulement appréciées". "Les rapports entre force et droit (opposition) et entre danse et voix (complémentarité) ne sont pas homologues, commente Murat, et l'un ne se réfléchit pas dans l'autre" (p.400).

     Dans sa thèse sur Le Poème en prose de Baudelaire à nos jours (p.183), Suzanne Bernard citait déjà ce passage d'Aube comme un exemple des efforts de Rimbaud, dans les Illuminations, pour dégager son écriture des procédés trop académiques du style oratoire :

Alors je levai un à un les voiles. Dans l'allée, en agitant les bras. Par la plaine, où je l'ai dénoncée au coq. À la grand'ville elle fuyait parmi les clochers et les dômes, [...]"

     Voici son commentaire, que l'on peut trouver malgré tout un peu excessif : "Rimbaud a maintenant renié même les rythmes libres de ses Chansons pour adopter la forme de prose la plus heurtée, la moins « artistique », sans effets rhétoriques et sans fausses fenêtres. Il évite tout ce qui pourrait donner à sa phrase une allure oratoire et balancée; il recherche au contraire, les dissymétries, les ruptures inattendues de construction"
    Suzanne Bernard a certainement raison de signaler à notre attention la rupture de construction qui intervient dans la troisième des phrases parallèles. En effet, le complément circonstanciel initial "À la grand'ville" ne renvoie plus au verbe principal "je levai", comme ceux des phrases précédentes qui ne font entre elles, en réalité, qu'une seule et même phrase grammaticale, mais à "elle fuyait", noyau verbal d'une phrase nouvelle, indépendante, dont le sujet n'est plus "je" mais "elle". Cependant, on notera que cet écart stylistique ne prend son sens qu'à l'intérieur d'un développement rhétorique des plus classiques : parallélisme syntaxique visant à donner à la phrase "une allure oratoire et balancée". Rimbaud aime certes la dissymétrie, mais il
paraît pour le moins simplificateur de définir cette écriture comme "la forme de prose la plus heurtée, la moins « artistique », sans effets rhétoriques". 

 

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Bibliographie

Suzanne Bernard, Le Poème en prose de Baudelaire à nos jours, Nizet, 1959. 
Michel Murat, L’art de Rimbaud, Corti, 2002.