ARCHIVES VERLAINE 1872-1873 / PIÈCES DE VERS DU "DOSSIER DE 1886"
Si l'on excepte les "manuscrits
Forain" du cycle de la soif (Comédie de la soif, Bonne pensée du matin, La
rivière de Cassis, Larme), les "manuscrits
Richepin" du cycle de la patience (Bannières de mai, Chanson de la
plus haute tour, L'Éternité, Âge d'or) et quelques autres poèmes au destin plus
spécifique (Famille maudite, Les Corbeaux) la plupart des
manuscrits de 1872 proviennent de ce que Steve Murphy appelle le dossier de 1886, c'est-à-dire le
dossier de textes rimbaldiens détenus par Verlaine qui servit à
l'édition des
Illuminations dans la revue La
Vogue, en 1886.
Outre les Illuminations, Verlaine conservait diverses
poésies de Rimbaud de la période 72-73 (vingt selon mon compte) que sa mère, peut-être, "avait
récupérées dans la chambre de l'hôtel de Bruxelles, après l'arrestation
du 10 juillet 1873, et remises à son fils à sa sortie de prison" (J.-J. Lefrère, Rimbaud, Fayard, 2001, p.943). À une date et dans un but dont
nous ignorons tout, l'ensemble fut confié par Verlaine à son beau-frère, Charles de Sivry, qui
le communiqua à Gustave Kahn et Léo d'Orfer, éditeurs de La Vogue. À la suite de quoi plusieurs pièces versifiées de 1872
(onze pièces exactement) furent
incluses abusivement sous le titre Les Illuminations dans cette
revue en 1886.
Il était d'ailleurs prévu qu'il y en ait davantage mais un divorce intervenu
entre les deux animateurs de la revue fit que la publication en
feuilleton des poèmes de Rimbaud
s'interrompit brutalement. Gustave Kahn et Léo d'Orfer s'étaient partagé
les textes encore à publier. L'un d'entre eux fut récupéré par Darzens
pour son Reliquaire en 1891 ("Entends comme brame..."), cinq autres furent finalement
publiés dans les Poésies complètes chez Vanier en 1895 (Patience,
Jeune ménage, Mémoire, "Est-elle almée..", Fêtes de la faim),
les deux
derniers connurent un destin plus capricieux, cf.
notre tableau des
modalités de transmission de l'œuvre de Rimbaud.
Le tableau ci-dessous récapitule ces données :
11 poèmes
publiés
par
La Vogue |
Chanson de
la plus haute tour
Âge d'or
"Nous sommes tes grands parents..."
Éternité
"Qu'est-ce pour nous mon cœur..." |
L a Vogue
n° 7
7 juin 1886 |
Michel et
Christine
"Plates-bandes d'amarantes..."
Honte |
La Vogue
n°8
13 juin 1886 |
"Loin des
oiseaux..."
"Ô saisons, ô châteaux..."
"La rivière de cassis roule ..." |
La Vogue
n°9
21 juin 1886 |
9 poèmes
non-publiés
par
La Vogue |
"Entends
comme brame..." |
Arthur Rimbaud Reliquaire
éd. Rodolphe
Darzens, 1891 |
Patience
Jeune ménage
Mémoire
"Est-elle almée ? ..."
Fêtes de la faim |
Arthur
Rimbaud, Poésies complètes, Léon
Vanier, 1895 |
"À quatre
heures du matin, l'été..." |
Œuvres de Arthur Rimbaud - Vers et proses,
éd.
Berrichon,
novembre 1912 |
brouillon de
"Ô saisons, ô châteaux..." |
Catalogue de vente Auguste Blaizot
24-25 mars 1931 |
Enfer de la soif |
Arthur Rimbaud, O.C. I, Poésies,
éd. Steve Murphy, Champion 1999 |
Beaucoup de ces manuscrits,
qui avaient fini par aboutir dans la collection Pierre Berès, n'étaient pas
consultables jusqu'à très récemment. Les anciennes éditions les
reproduisaient d'après La
Vogue, sans que leurs responsables aient pu vérifier le texte. Mais
ces manuscrits ("Nous sommes tes grands parents...",
Ô saisons, ô châteaux,
Âge d'or,
"La rivière de cassis roule...",
Honte, "Qu'est-ce pour nous mon
cœur...", Michel et Christine,
"Plates-bandes d'amarantes...") ont changé de mains lors de la
vente Berès du 20.06.06 et leurs fac-similés sont désormais consultables en format
pdf sur :
http://www.bibliorare.com/vente-beres-juin-2006.htm
(partie 8 du catalogue).
L'ordre de succession adopté ici pour les présenter (voir
ci-contre) consiste à placer d'abord les versions alternatives (non
datées) des poèmes confiés à Forain et Richepin (dont, par contre, nous
connaissons la date : mai-juin 72), puis Mémoire (dont la
première version connue, Famille maudite, est obligatoirement
antérieure au 7 juillet 1872), puis des poèmes datés juin, juillet, août
72, enfin les poèmes
non-datés dont certains pourraient bien être de 1873.
Les versions alternatives des poèmes de mai-juin 1872 contenues dans ce
"dossier de 1886" (la plupart d'entre elles sans titres, sans majuscules en
début de vers, et plus ou moins déponctuées) constituent selon Steve
Murphy des transcriptions postérieures aux autographes détenus par
Forain et Richepin : "Les manuscrits remis à Forain et Richepin semblent
bien précéder ceux du dossier de 1886, ce qu'on peut inférer des
circonstances de leur transmission étant conforté par l'analyse
graphologique de ces documents" (SM-IV, 92). Une liste de nombres
découverte au verso du poème Fêtes de la faim suggère que Rimbaud
avait peut-être entrepris, à un moment donné, entre juillet 72 (départ de Paris) et juillet
73 (crise de Bruxelles), d'organiser en recueil ces poèmes du dossier de
1886. Car ces nombres (nombres de vers, évidemment) permettent
d'identifier dans la plupart des cas les poèmes concernés, parmi
lesquels nous retrouvons, dans leur enchaînement connu, les cycles
Richepin et Forain. Steve Murphy y voit même une explication possible au
changement de titre opéré par Rimbaud sur Bannières de mai,
devenu Patience. Souhaitant insérer les
deux cycles dans un ensemble plus vaste et se voyant contraint
d'abandonner le regroupement intitulé Fêtes de la patience, Rimbaud aurait voulu
faire apparaître au moins dans un des titres de la série la
notion clé qu'il supprimait par ailleurs.
Rappelons enfin que
six de ces textes ont en outre été insérés, sous une forme plus ou
moins renouvelée, dans Alchimie du verbe.
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Enfer de la Soif
"Nous sommes tes
grands parents ..."
"À quatre heures du matin .."
"La rivière de cassis roule ..."
"Loin des oiseaux..."
Patience
Chanson de la plus haute tour
Éternité
Âge d'or
Mémoire
Jeune
Ménage
(27 juin 1872)
"Est-elle almée..." (juillet 1872)
Fêtes de la faim (août 1872)
"Plates-bandes
d'amarantes..." (Juillet)
"Entends comme brame..."
Honte
Michel et Christine
"Qu'est-ce pour nous mon cœur..."
"Ô_saisons,
ô châteaux..."
"Ô saisons, ô châteaux..."
(brouillon)
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Enfer de la Soif
1. Les parents.
|
Nous sommes tes Grands-Parents,
Les
Grands !
Couverts des froides sueurs
De la lune et des verdures.
Nos vins secs avaient du cœur !
Au soleil sans imposture
Que faut-il à l'homme ? boire... |
Moi
— Mourir aux
fleuves barbares. |
|
Nous sommes tes Grands-Parents
Des champs,
L'eau est au fond des osiers ...
Vois le courant du fossé
Autour du Château mouillé.
Descendons en nos celliers ;
Après, le cidre, ou le lait. |
Moi
— Aller où
boivent les vaches. |
|
Nous sommes tes Grands-Parents ;
Tiens, prends
Les liqueurs dans nos armoires ;
Le Thé, le Café, si rares,
Frémissent dans les bouilloires.
— Vois les
images, les fleurs.
Nous rentrons du cimetière |
Moi
— Ah tarir toutes les urnes. |
2. De l'Esprit.
|
Éternelles Ondines,
Divisez l'eau fine ;
Vénus sœur de l'Azur
Émeus le flot pur ;
Juifs errants de Norwège
Dites-moi la neige ;
Anciens Exilés chers
Dites-moi la mer. |
Moi — |
Non, plus ces boissons pures, |
|
Ces fleurs d'eau pour verres ;
Légendes ni figures
Ne me désaltèrent ;
Chansonnier, ta filleule
C'est ma soif si folle
Hydre intime sans gueule
Qui mine et désole. |
3. Des amis.
|
Viens, les Vins vont aux plages ;
Et les flots par millions !
Vois les Bitters sauvages
Rouler du haut des monts.
Gagnons, pèlerins sages
L'Absinthe aux verts piliers... |
Moi — |
Plus ces paysages. |
|
Qu'est l'ivresse, amis ?
J'aime autant, mieux, même,
Pourrir dans l'étang
Sous l'affreuse crème
Près des bois flottants.
|
4. Chanson
Peut-être un Soir m'attend
Où je boirai tranquille
En quelque bonne ville
Et mourrai plus content :
Puisque je suis patient
Si mon mal se résigne
Si j'ai jamais quelque or
Choisirai-je le Nord
Ou le Pays des Vignes ?...
— Ah songer est indigne
Puisque c'est pure perte
Et si je redeviens
Le voyageur ancien
Jamais l'auberge verte
Ne peut bien m'être ouverte
5.
Les pigeons qui tremblent dans la prairie
Le gibier, qui court et qui voit la nuit
Les bêtes des eaux la bête asservie
Les derniers papillons ... ont soif aussi.
Mais fondre où fond ce nuage sans guide !
Ô favorisé de ce qui est frais
Expirer en ces violettes humides
Dont les aurores chargent ces forêts !
A. Rimbaud
Sommaire |
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|
Nous sommes tes grands-parents
les Grands ;
couverts des froides sueurs
de la terre et des verdures.
Nos vins secs avaient du cœur.
Au soleil sans imposture
que faut-il à l'Homme ? boire... |
Moi
— Mourir aux fleuves barbares |
|
Nous sommes tes grands-parents
des champs..
L'eau est au fond des osiers ...
vois le courant du fossé
autour du Château mouillé...
descendons en nos celliers :
après, le cidre, ou le lait... |
Moi
— Aller où boivent les vaches |
|
Nous sommes tes grands-parents :
tiens, prends
les liqueurs dans nos armoires.
Le thé, le café, si rares,
frémissent dans les bouilloires.
Vois les images, les fleurs :
nous rentrons du cimetière... |
Moi
— Ah ! tarir toutes les urnes |
|
Éternelles Ondines,
divisez l'eau fine ;
Vénus ! sœur de l'azur,
émeus le flot pur.
Juifs errants de Norwège
dites-moi la neige
anciens Exilés chers
dites-moi la mer... |
— |
Non, plus ces boissons pures,
ces fleurs d'eau pour verres ;
légendes ni figures
ne me désaltèrent ;
chansonnier, ta filleule
c'est ma soif si folle ;
hydre intime, sans gueule,
qui mine et désole ! |
|
Viens ! les Vins vont aux plages,
et les flots par millions !
Vois le bitter sauvage
rouler du haut des monts ; |
|
gagnons, pèlerins sages,
l'absinthe aux verts piliers... |
Moi |
— Plus ces paysages.
Qu'est l'ivresse, amis ?
J'aime autant, mieux, même, pourrir dans l'étang
sous l'affreuse crème près des bois flottants. |
|
Peut-être un Soir m'attend
où je boirai tranquille en quelque bonne ville, et mourrai plus content : Puisque je suis patient. Si mon mal se résigne,
si jamais j'ai quelque or, choisirai-je le Nord ou les pays des
vignes ?... — Ah ! songer est indigne
puisque c'est pure perte ; et si je redeviens le voyageur ancien
jamais l'auberge verte ne peut bien m'être ouverte.
|
Les pigeons qui tremblent dans la prairie ;
le gibier, qui court et qui voit la nuit ; les bêtes des eaux, la bête asservie
; les derniers papillons ; ont soif aussi. Mais fondre où fond ce nuage sans guide
... oh ! favorisé de ce qui soit frais, expirer en ces violettes humides
dont les aurores chargent ces forêts.
Arthur Rimbaud |
Sommaire |
"À quatre heures du matin..."
Autographe
appartenant à une collection
particulière.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Bonne pensée du matin >
Manuscrits Forain des poèmes de 1872
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Rappelons aussi la version
intégrée à Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer
|
|
À quatre heures du
matin l'été
le sommeil d'amour dure encore
dans les bosquets l'aube évapore
l'odeur du soir
fêté
Or là-bas dans l'immense chantier
vers le soleil des Hespérides
en bras de chemise les charpentiers
déjà s'agitent
Dans leurs déserts de mousse tranquilles
ils préparent les lambris précieux
où la richesse de la ville
rira sous de faux cieux
Ô pour ces ouvriers charmants
sujets d'un roi de Babylone
Vénus ! laisse un peu les amants
dont l'âme est
en couronne
Ô Reine des Bergers
porte aux travailleurs l'eau-de-vie
pour que leurs forces soient en paix
en attendant le bain dans la mer à midi
Sommaire
|
"La rivière de
cassis roule..." Autographe.
Collection privée.
Nous connaissons une autre version de ce texte :
La rivière de Cassis >
Manuscrits Forain des poèmes de 1872.
Celle-ci est probablement
postérieure à la version Forain. Rappelons aussi la version
intégrée à Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer
Ci-contre : fac-similé édité à l'occasion de la
vente Pierre
Berès de 2006.
Le manuscrit, mis en vente avec la
collection Berès le 20 juin 2006, est reparu chez Sotheby's
le 8 février 2017. Un meilleur fac-similé a été mis en ligne à
cette occasion. :
http://www.bibliorare.com/products/rimbaud-arthurla-riviere-de-cassis-1872/
Ci-contre : autre fac-similé issu
de la vente chez Sotheby's. |
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La rivière de cassis roule ignorée
à des vaux
étranges
la voix de cent corbeaux l'accompagne vraie
et bonne
voix d'anges
avec les grands mouvements des sapinaies
où
plusieurs vents plongent.
Tout roule avec des mystères révoltants
de
campagnes d'ancien temps
de donjons visités de parcs importants
c'est en
ces bords qu'on entend
les passions mortes des chevaliers errants
mais que
salubre est le vent.
Que le piéton regarde à ces
clairevoies
il ira plus
courageux
soldats des forêts que le Seigneur envoie
chers
corbeaux délicieux
faites fuir d'ici le paysan matois
qui trinque
d'un moignon vieux.
Sommaire |
"Loin des oiseaux ..."
Autographe de la collection Pierre Berès.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Larme >
Manuscrits Forain des poèmes de 1872
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Rappelons aussi la version
intégrée à Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer
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Loin des oiseaux des
troupeaux des villageoises je buvais à genoux dans quelque bruyère entourée de tendres bois de noisetiers Par un brouillard d'après-midi tiède et vert
Que pouvais-je boire dans
cette jeune Oise ormeaux sans voix gazon sans fleurs ciel couvert boire à ces gourdes vertes loin de ma case claire quelque liqueur d'or qui fait suer
effet mauvais pour une enseigne d'auberge. Puis l'orage changea le ciel jusqu'au soir ce furent des pays noirs des lacs des perches des colonnades sous la nuit bleue des gares
l'eau des bois se perdait
sur les sables vierges le vent de Dieu jetait des glaçons aux mares et tel qu'un pêcheur d'or et de coquillages dire que je n'ai pas eu souci de boire
Sommaire |
Autographe.
Anciennement, collection Pierre Berès.
Acquis par Charleville en juin 2018.
Non-daté.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Bannières de mai >
Manuscrits Richepin
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Manuscrit et commentaire
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Patience
D'un été
Aux branches claires des tilleuls Meurt un maladif hallali. Mais des chansons spirituelles Voltigent partout les groseilles. Que notre sang rie en nos veines Voici s'enchevêtrer les vignes. Le ciel est joli comme un ange Azur et onde communient. Je sors. Si un rayon me blesse, Je succomberai sur la mousse. Qu'on patiente et qu'on s'ennuie, C'est trop simple !... Fi de ces peines ! Je veux que l'été dramatique Me lie à son char de fortune. Que par toi beaucoup, ô Nature,
— Ah ! moins nul et moins
seul ! je meure, Au lieu que les Bergers, c'est drôle, Meurent à peu près par le monde. Je veux bien que les saisons m'usent. À toi, Nature ! je me rends, Et ma faim et toute ma soif ; Et, s'il te plaît, nourris, abreuve. Rien de rien ne m'illusionne ; C'est rire aux parents, qu'au soleil ; Mais moi je ne veux rire à rien ; Et libre soit cette infortune.
Sommaire
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Autographe de la collection
Jean Bonna.
Version imprimée de La
Vogue.
Non daté.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Chanson de la plus haute tour >
Manuscrits Richepin
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Rappelons aussi la version
intégrée à Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer |
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Chanson
de la plus haute Tour
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah! que le temps vienne
Où les cœurs s'éprennent !
Je me suis dit : Laisse,
Et qu'on ne te voie.
Et sans la promesse
De plus hautes joies.
Que rien ne t'arrête,
Auguste retraite.
Ô mille veuvages
De la si pauvre âme
Qui n'a que l'image
De la Notre-Dame :
Est-ce que l'on prie
La vierge Marie ?
J'ai tant fait patience
Qu'à jamais j'oublie.
Craintes et souffrances
Aux cieux sont parties
Et la soif malsaine
Obscurcit mes veines.
Ainsi la Prairie
À l'oubli livrée ;
Grandie, et fleurie
D'encens et d'ivraies ;
Au bourdon farouche
De cent sales mouches.
Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J'ai perdu ma vie.
Ah! que le temps vienne
Où les cœurs s'éprennent !
Sommaire
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Autographe.
Manuscrit inconnu. Aurait été
vu par Paul Hartmann en 1957 (SM-I p.766)
Version imprimée de La
Vogue.
Non daté.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
L'Éternité >
Manuscrits Richepin
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Rappelons aussi la version
intégrée à Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer |
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Éternité
Elle est retrouvée. Quoi ? L'éternité. C'est la mer allée Avec le soleil. Âme sentinelle, Murmurons l'aveu De la nuit si nulle Et du jour en feu. Des humains suffrages, Des communs élans, Donc tu te dégages : Tu voles selon... Jamais l'espérance, Pas d'orietur, Science avec patience... Le supplice est sûr.
De votre ardeur seule Braises de satin, Le Devoir s'exhale Sans qu'on dise : enfin. Elle est retrouvée. Quoi ? L'éternité. C'est la mer allée Avec le soleil.
Sommaire
|
Autographe de la collection Pierre
Berès.
Non daté.
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Âge d'or >
Manuscrits Richepin
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
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Âge d'or
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Quelqu'une des voix,
— Est-elle angélique !
—
Il s'agit de moi,
Vertement s'explique : |
|
Ces mille questions
Qui se ramifient
N'amènent, au fond,
Qu'ivresse et folie. |
terque quaterque { |
Reconnais ce tour
Si gai, si facile ;
C'est tout onde et flore :
Et c'est ta famille ! |
|
Et puis une voix
— Est-elle angélique !
—
Il s'agit de moi,
Vertement s'explique ; |
|
Et chante à l'instant
En sœur des haleines ;
D'un ton Allemand,
Mais ardente et pleine : |
|
Le monde est vicieux ;
Tu dis ? tu t'étonnes ?
Vis ! et laisse au feu
L'obscure infortune... |
pluriès{ |
O joli château !
Que ta vie est claire !
De quel Age es-tu.
Nature princière
De notre grand frère. |
indesinenter { |
Je chante aussi, moi !
Multiples sœurs ; voix
Pas du tout publiques !
De gloire pudique
Environnez-moi. |
Sommaire
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Autographe.
Coll. François-Marie Banier
Nous connaissons une version
antérieure de ce texte :
Famille maudite
Celle-ci est probablement
postérieure à la précédente.
Il existe deux versions de
Mémoire :
—
La première, chronologiquement parlant, est certainement le
poème intitulé Famille maudite, manuscrit
révélé par la vente publique du 25 mai 2004. Les majuscules
en début de vers et la nature des variantes existant entre
cette version et le texte intitulé Mémoire, connu
de longue date, ne laisse aucun doute sur l'antériorité de
Famille Maudite. La
découverte de ce premier état du poème dans les archives de la famille Mauté (belle-famille de Verlaine) fait penser que cette
transcription a été réalisée au printemps 72, avant le départ du 7
juillet pour l'Angleterre via la Belgique, puis que le poème a été repris
ultérieurement (de mémoire ?), pour parvenir au texte que nous
connaissons.
—
La seconde est le poème non-daté intitulé
"Mémoire" (ci-contre). On notera l'absence de
majuscules en début de vers. Le manuscrit comporte quelques
surcharges intéressantes :
- Aux v.3 et 5, les mots
"pur" et "Non" sont entourés de légères
parenthèses, parenthèses que l'on retrouve dans la marge, en
vis-à-vis, entourant à deux reprises le mot "(ou)" :
ceci laisse à penser que Rimbaud a envisagé de remplacer ces
monosyllabes par la conjonction de coordination "ou".
- au v.26, "saint lit"
surcharge "sentier".
- au v.29, "pleure" surcharge
"murmure".
- au v.34, Rimbaud a écrit
"mon" au dessus de "canot" puis l'a barré;
il a écrit "mes" au-dessus de "bras" puis
l'a barré.
Commentaire
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Mémoire
L'eau claire ; comme le
sel des larmes d'enfance, l'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ; la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;
l'ébat des anges ;
—
Non... le courant d'or en marche, meut ses bras, noirs, et lourds, et frais surtout, d'herbe. Elle sombre, avant le Ciel bleu pour ciel-de-lit, appelle pour rideaux l'ombre de la colline et de l'arche.
2
Eh ! l'humide carreau tend
ses bouillons limpides ! L'eau meuble d'or pâle et sans fond les couches prêtes. Les robes vertes et déteintes des fillettes font les saules, d'où sautent les oiseaux sans brides.
Plus pure qu'un louis, jaune et chaude paupière, le souci d'eau
—
ta foi conjugale, ô l'Épouse !
— au midi prompt, de son terne miroir, jalouse au ciel gris de chaleur la Sphère rose et chère.
3
Madame se tient trop
debout dans la prairie prochaine où neigent les fils du travail ; l'ombrelle aux doigts ; foulant l'ombelle ; trop fière pour elle des enfants lisant dans la verdure fleurie
leur livre de maroquin rouge ! Hélas, Lui, comme mille anges blancs qui se séparent sur la route, s'éloigne par-delà la montagne ! Elle, toute froide, et noire, court ! après le départ de l'homme !
4
Regret des bras épais et
jeunes d'herbe pure ! Or des lunes d'avril au cœur du saint lit ! Joie des chantiers riverains à l'abandon, en proie aux soirs d'août qui faisaient germer ces pourritures.
Qu'elle pleure à présent sous les remparts ! l'haleine des peupliers d'en haut est pour la seule brise. Puis, c'est la nappe, sans reflets, sans source, grise : un vieux, dragueur, dans sa barque immobile, peine.
5
Jouet de cet œil d'eau
morne, je n'y puis prendre, ô canot immobile ! oh ! bras trop courts ! ni l'une ni l'autre fleur : ni la jaune qui m'importune, là ; ni la bleue, amie à l'eau couleur de cendre.
Ah ! la poudre des saules qu'une aile secoue ! Les roses des roseaux dès longtemps dévorées ! Mon canot, toujours fixe ; et sa chaîne tirée au fond de cet œil d'eau sans bords,
—
à quelle boue ?
Sommaire
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Autographe donné par Rimbaud à Forain.
Collection Pierre Leroy.
Daté du 27 juin 1872.
Le vers 15 de ce poème pose un problème d'édition particulier.
En effet, Rimbaud avait d'abord écrit :
"Même des fantômes des eaux, errants"
Puis, il a noté en bas de page un vers alternatif :
"Même des esprits des eaux, malfaisants"
On voit clairement sur le manuscrit que c'est le premier éditeur
(Léon Vanier, 1895) qui a barré le premier de ces deux vers, et
par conséquent opéré un choix que Rimbaud avait différé.
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|
Jeune
ménage
La chambre est
ouverte au ciel bleu-turquin,
Pas de place : des coffrets et des huches !
Dehors le mur est plein d'aristoloches
Où vibrent les gencives des lutins.
Que ce sont bien intrigues de génies
Cette dépense et ces désordres vains !
C'est la fée africaine qui fournit
La mûre, et les résilles dans les coins.
Plusieurs entrent, marraines mécontentes,
En pans de lumière dans les buffets,
Puis y restent ! le ménage s'absente
Peu sérieusement, et rien ne se fait.
Le marié, a le vent qui le floue
Pendant son absence, ici, tout le temps.
Même des esprits des eaux, malfaisants
Entrent vaguer aux sphères de l'alcôve.
La nuit, l'amie oh ! la lune de miel
Cueillera leur sourire et remplira
De mille bandeaux de cuivre le ciel.
Puis ils auront affaire au malin rat.
— S'il n'arrive pas un feu follet blême,
Comme un coup de fusil, après des vêpres.
— Ô Spectres saints et blancs de Bethléem,
Charmez plutôt le bleu de leur fenêtre !
A.Rimbaud
27 Juin 1872
Sommaire
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"Plates-bandes d'amarantes..."
Autographe de la
collection Pierre Berès.
Date incertaine.
Je tente de respecter, ci-contre, ce qu'on peut voir sur ce
manuscrit, exception faite du titre-incipit qui ne s'y trouve
pas.
Steve Murphy, dans son article "Chantier d'une révolution
poétique : les manuscrits rimbaldiens de la vente Bérès" (Histoires
littéraires n°27), émet des hypothèses susceptibles de
changer la façon traditionnelle d'éditer ce texte :
1) Le mot "Juillet", contre la marge de gauche, a été souligné par
Rimbaud. S.M. en déduit que le poète a, dans un premier temps,
simplement indiqué cette date sur le même plan que les lieux (en
vis à vis, sur la droite), comme une sorte d'en-tête
épistolaire, puis a décidé de faire de "Juillet" le titre du
poème.
2) Il ne s'agirait donc pas nécessairement d'une datation (Rimbaud,
quand il date, le fait en bas du poème) mais plutôt du renvoi à
un événement vécu. La plupart des commentateurs datent cependant
ce texte de juillet 1872 (ou des mois qui suivent, ajoute
prudemment SM). Selon LF, les "similitudes ponctuelles" (voir le
v.5 de "Est-elle almée") et le "traitement semblable des images"
invitent à assigner une date identique à "Plates-bandes d'amaranthes..."
et à "Est-elle almée", texte qui est daté par Rimbaud : "Juillet
1872".
3) Le manuscrit est érodé dans la partie supérieure du bord droit
et laisse voir, à la fin du vers 3, l'attaque d'une lettre. Ce
pourrait être un "P", toujours d'après S.M. qui, compte tenu du
système rimique du quatrain, propose : "Père". Je mentionne
cette hypothèse entre crochets.
Ce manuscrit a
changé de mains lors de la vente Berès du 20.06.06. Le
fac-similé est consultable en format pdf sur : http://www.bibliorare.com/cat-vent_
beres20-6-06-2-8.pdf
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Juillet.
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Bruxelles,
Boulevart du Régent, |
Platebandes d'amaranthes jusqu'à L'agréable palais de Jupiter.
— Je sais que c'est Toi, qui, dans ces lieux,
P[ère,] Mêles ton Bleu presque de Sahara ! Puis, comme rose et sapin du soleil Et liane ont ici leurs jeux enclos, Cage de la petite veuve !.....
Quelles Troupes d'oiseaux ! o, ia io, iaio !...
— Calmes maisons, anciennes passions ! Kiosque de la Folle par affection. Après les fesses des rosiers, balcon Ombreux et très bas de la Juliette.
— La Juliette, ça rappelle l'Henriette, Charmante station du chemin de fer, Au cœur d'un mont, comme au fond d'un verger Où mille diables bleus dansent dans l'air ! Banc vert où chante au paradis d'orage, Sur la guitare, la blanche Irlandaise. Puis, de la salle à manger guyanaise, Bavardage des enfants et des cages. Fenêtre du duc qui fais que je pense Au poison des escargots et du buis Qui dort ici-bas au soleil.
Et puis C'est trop beau ! trop ! Gardons notre silence.
—
Boulevart sans mouvement ni commerce, Muet, tout drame et toute comédie, Réunion des scènes infinie, Je te connais et t'admire en silence.
Sommaire
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"Est-elle almée ?..."
Autographe de la collection
Pierre Leroy.
Daté de juillet 1872.
Steve Murphy, se fondant sur
l'état et la disposition du feuillet contenant ce texte sans
titre, suppose qu'il s'agit de la fin d'un poème dont le début
serait perdu (SM-IV, p.567).
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Est-elle almée ?... aux premières heures bleues Se détruira-t-elle comme les fleurs feues... Devant la splendide étendue où l'on sente Souffler la ville énormément florissante ! C'est trop beau ! c'est trop beau ! mais c'est nécessaire
— Pour la Pêcheuse et la chanson du Corsaire, Et aussi puisque les derniers masques crurent Encore aux fêtes de nuit sur la mer pure !
Juillet 1872
A.R.
Sommaire
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Autographe du
Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud de Charleville. Daté d'août 1872.
Le manuscrit porte
des corrections que les éditions des dernières années du XXe
siècle considéraient à tort comme
allographes alors qu'elles sont de la main de Rimbaud, d'où les
discordances entre AA, JLS, PB, par exemple, et LF (2004) qui
corrige, comme le faisaient les éditions plus anciennes : la
première pléiade, par exemple (ARR, p.138).
Nous signalons entre crochets les
corrections apportées par Rimbaud et en italiques les passages
barrés sur le manuscrit.
Nous préférons
procéder ainsi plutôt que de substituer les unes aux autres. En effet,
les éditions qui corrigent nous semblent butter sur une difficulté
insurmontable au vers 11.
Devant "Les cailloux", on lit,
en marge, dans le manuscrit : "Mangez", d'une même
encre et dans la même écriture qui ont servi pour les
corrections. Sans doute Rimbaud s'est-il rendu compte que la
correction du vers 9 entraînait une incohérence syntaxique :
"les cailloux", primitivement COD de
"paissez", peuvent difficilement devenir un
complément d'objet de "attirez". D'où l'ajout de
"Mangez", qui rétablit la logique mais produit un vers faux.
Il semble que la correction ne soit pas achevée : elle le sera
dans Alchimie du verbe >
Une saison en enfer.
LF néglige purement et
simplement cette indication. Mais un éditeur peut-il retenir quatre
corrections et en rejeter une, dès lors que leur authenticité
à toutes est reconnue ; un éditeur peut-il choisir d'éviter un vers
faux au prix d'une incohérence
syntaxique ? ARR insérait le verbe "Mangez" entre
deux vers, comme une sorte de vers supplémentaire : cela reste
étrange et insuffisamment clair, pour le lecteur.
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Fêtes de la faim
Ma faim, Anne, Anne,
Fuis sur ton âne.
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Si
j'ai du goût, ce n'est guères
Que pour la terre et les pierres
Dinn ! dinn ! dinn ! dinn ! Je pais l'air,
Le roc, les terres, le fer. |
[Mangeons l'air]
[les charbons]
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Tournez,
les faims ! paissez, faims,
Le pré
des sons !
Puis l'humble et vibrant venin
Des
liserons ;
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[Mes
faims, tournez. Paissez, faims,]
[Attirez le gai venin]
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Les cailloux qu'un pauvre brise,
Les vieilles pierres d'églises,
Les galets, fils des déluges,
Pains couchés aux vallées grises !
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[Mangez]
devant "Les cailloux"
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Mes faims, c'est les bouts d'air noir ;
L'azur sonneur ;
— C'est l'estomac
qui me tire.
C'est le malheur.
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Sur terre ont paru les feuilles :
Je vais aux chairs de fruits blettes.
Au sein du sillon je cueille
La doucette et la violette.
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Ma faim, Anne,
Anne !
Fuis sur ton
âne. |
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A.R.
Août 1872
Sommaire
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"Entends comme
brame..." Autographe détenu
par Verlaine.
Localisation inconnue.
Non daté. On notera malgré tout
l'absence fréquente de majuscules en début de vers qui suggère
une date ... assez tardive.
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Entends comme brame près des acacias en avril la rame viride du pois ! Dans sa vapeur nette, vers Phœbé ! tu vois s'agiter la tête de saints d'autrefois... Loin des claires meules des caps, des beaux toits, ces chers Anciens veulent ce philtre sournois... Or ni fériale ni astrale ! n'est la brume qu'exhale ce nocturne effet. Néanmoins ils restent,
— Sicile, Allemagne, dans ce brouillard triste et blêmi, justement !
Sommaire |
Autographe de la
collection Pierre Berès.
Non daté.
"Pour les poèmes dits de
1872, nous avons insisté sur l'incertitude concernant les dates
de composition de plusieurs des poèmes, et non des moindres,
des arguments pouvant être avancés en faveur de 1873 pour
certains (principalement Honte, avec sa référence
à Roche, que Rimbaud ne semble pas avoir visité entre 1870 et
1872 et "Ô saisons..." à cause du brouillon qui
pourrait suggérer que le poème a été composé pour être
inséré dans Une saison en enfer ; les deux hypothèses
restent forcément d'une valeur incertaine)."
Steve Murphy, "Éditer
Rimbaud", AR à l'aube d'un nouveau siècle,
Klincksieck, 2006, p.74.
Ce manuscrit a
changé de mains lors de la vente Berès du 20.06.06. Le
fac-similé est consultable en format pdf sur : http://www.bibliorare.com/cat-vent_beres20-6-06-2-8.pdf
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Honte
Tant que la lame n'aura
Pas coupé cette cervelle,
Ce paquet blanc, vert et gras
À vapeur jamais nouvelle,
(Ah ! Lui, devrait couper son
Nez, sa lèvre, ses oreilles,
Son ventre ! et faire abandon
De ses jambes ! ô merveille !)
Mais, non, vrai, je crois que tant
Que pour sa tête la lame
Que les cailloux pour son flanc
Que pour ses boyaux la flamme
N'auront pas agi, l'enfant
Gêneur, la si sotte bête,
Ne doit cesser un instant
De ruser et d'être traître
Comme un chat des Monts-Rocheux ;
D'empuantir toutes sphères !
Qu'à sa mort pourtant, ô mon Dieu !
S'élève quelque prière !
Sommaire |
Autographe de la
collection Pierre Berès.
Non daté. Selon Steve Murphy,
ce poème serait une réplique parodique à "Malines"
de Verlaine (Romances
sans paroles), poème du cycle belge daté d'août 1872. Ce
qui impliquerait évidemment une date de rédaction ultérieure.
Au vers 22, PH, suivi par PB et
LF, lit
"rougissant". Comme AA, nous préférons la lecture : "Rougis et",
qui était celle de la première édition dans La Vogue.
Commentaire
Ce
manuscrit a changé de mains lors de la vente Berès du 20.06.06.
Le fac-similé est consultable en format pdf sur : http://www.bibliorare.com/cat-vent_beres20-6-06-2-8.pdf
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Michel et Christine
Zut alors si le soleil
quitte ces bords !
Fuis, clair déluge ! Voici l'ombre des routes.
Dans les saules, dans la vieille cour d'honneur,
L'orage d'abord jette ses larges gouttes.
Ô cent agneaux, de
l'idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l'orage !
Chien noir, brun pasteur
dont le manteau s'engouffre,
Fuyez l'heure des éclairs supérieurs ;
Blond troupeau, quand voici nager ombre et soufre,
Tâchez de descendre à des retraits meilleurs.
Mais moi, Seigneur ! voici
que mon Esprit vole,
Après les cieux glacés de rouge, sous les
Nuages célestes qui courent et volent
Sur cent Solognes longues comme un railway.
Voilà mille loups, mille
graines sauvages
Qu'emporte, non sans aimer les liserons,
Cette religieuse après-midi d'orage
Sur l'Europe ancienne où cent hordes iront !
Après, le clair de lune !
partout la lande,
Rougis et leurs fronts aux cieux noirs, les guerriers
Chevauchent lentement leurs pâles coursiers !
Les cailloux sonnent sous cette fière bande !
— Et verrai-je le bois jaune et le val
clair,
L'Épouse aux yeux bleus, l'homme au front rouge,
—
ô Gaule,
Et le blanc agneau Pascal, à leurs pieds chers,
—
Michel et Christine,
— et Christ !
— fin de l'Idylle.
A. Rimb.
Sommaire |
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Qu'est-ce pour nous, Mon Cœur, que les nappes de sang Et de braise, et mille meurtres, et les longs cris De rage, sanglots de tout enfer renversant Tout ordre ; et l'Aquilon encor sur les débris
Et toute vengeance ? Rien !...
— Mais si, toute encor, Nous la voulons ! Industriels, princes, sénats, Périssez ! puissance, justice, histoire, à bas ! Ça nous est dû. Le sang ! le sang ! la flamme d'or !
Tout à la guerre, à la vengeance, à la terreur, Mon esprit ! Tournons dans la Morsure : Ah ! passez, Républiques de ce monde ! Des empereurs, Des régiments, des colons, des peuples, assez !
Qui remuerait les tourbillons de feu furieux, Que nous et ceux que nous nous imaginons frères ? À nous ! Romanesques amis : ça va nous plaire. Jamais nous ne travaillerons, ô flots de feux !
Europe, Asie, Amérique, disparaissez. Notre marche vengeresse a tout occupé, Cités et campagnes !
— Nous serons écrasés ! Les volcans sauteront ! et l'océan frappé...
Oh ! mes amis !
—
mon cœur, c'est sûr, ils sont des frères
—, Noirs inconnus, si nous allions ! allons ! allons ! Ô malheur ! je me sens frémir, la vieille terre, Sur moi de plus en plus à vous ! la terre fond,
Ce n'est rien ! j'y suis ! j'y suis toujours.
Sommaire
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Ô saisons, ô
châteaux ...
Autographe de la
collection Pierre Berès(aujourd'hui
: coll. François-Marie Banier).
Non daté. Steve Murphy hésite entre
1872 et 1873. Voir sur ce point la notice du
brouillon
de "Ô saisons, ô châteaux..." et la citation de
Steve Murphy dans notre notice sur Honte.
Ce
manuscrit a changé de mains lors de la vente Berès du
20.06.06. Le fac-similé est consultable en format pdf sur :
http://www.bibliorare.com/cat-vent_beres20-6-06-2-8.pdf
Remarques : 1-Les reprises en
refrain du vers 1, en caractères plus petits dans la
dactylographie ci-contre, n'ont été insérées
qu'après coup, dans l'interligne.
2-Les trois derniers
distiques, en italiques dans la dactylographie ci-contre, sont
barrés d'une croix, de façon peu appuyée, sur le manuscrit. Certaines éditions les reproduisent
entre crochets, d'autres se contentent de les signaler en notes.
3-Le dernier vers ci-contre est barré à l'encre.
Il existe deux autres
versions :
- celle d'Alchimie du verbe dans
Une saison en enfer
- et un brouillon très
raturé, présentant des variantes nombreuses et intéressantes.
Voir ce brouillon.
Commentaire
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Ô saisons, ô châteaux, Quelle âme est sans défauts ?
Ô saisons, ô châteaux, J'ai fait la magique étude Du Bonheur, que nul n'élude. Ô vive lui, chaque fois Que chante son coq gaulois. Mais ! je n'aurai plus d'envie, Il s'est chargé de ma vie. Ce Charme ! il prit âme et corps, Et dispersa tous efforts. Que comprendre à ma parole ? Il fait qu'elle fuie et vole !
Ô saisons, ô châteaux !
Et, si le malheur m'entraîne, Sa disgrâce m'est certaine.
Il faut que son dédain, las ! Me livre au plus prompt trépas !
— Ô Saisons, ô Châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?
Sommaire |
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Ô saisons, ô
châteaux ... (brouillon)
Autographe. Non daté. Il n'est connu que par un fac-similé
publié dans un catalogue de vente de 1931.
Ce brouillon surchargé et raturé de "Ô saisons, ô
châteaux ..." montre des variantes fort intéressantes. Nous proposons une
transcription dactylographique du manuscrit, la plus fidèle
possible. Les passages marqués xxxx ou xxxx
sont illisibles. Pour
consulter le manuscrit, cliquer sur l'icône ci-contre. Sur les
problèmes de transcription, cf. SM-I p.842-843 et 846-850.
La critique admet l'antériorité de ce document par rapport à
l'autographe de la collection Pierre Berès. La même tradition
critique, influencée par la présence d'une introduction en prose,
considère souvent ce brouillon comme un travail
préparatoire d'Une saison en enfer, ce qui embrouille
fort la question chronologique. En effet, compte tenu des dates
indiquées par Rimbaud pour la rédaction de la Saison (avril-septembre
73), il faudrait conclure que notre poème ne date pas de 1872,
comme le suggère sa parenté stylistique avec les
"chansons spirituelles", mais du printemps 73, au plus
tôt. Sauf à imaginer une gestation d'Alchimie
du verbe beaucoup plus longue et sinueuse que ce que
suggèrent les dates indiquées par Rimbaud (cf. SM-IV, 576-577).
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c'est pour dire que ce n'est rien,
la vie
voilà donc les saisons
xxx saisons, xxx châteaux, |
En marge, devant "saisons", et devant "châteaux" :
O |
Où court où vole où coule |
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L' âme n' est pas sans
défauts |
En marge, devant "L'âme" :
Quelle |
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J'ai fait la magique étude |
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Du Bonheur, que nul n'élude.
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Chaque nuit son
coq gaulois |
Au dessus du vers biffé
: Je suis à
lui chaque fois |
Si chante son coq gaulois.
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xxxxxxxxxxx
rien : plus d'envie |
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Il s'est chargé de ma vie
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Ce charme ! il prit âme et
corps |
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Et dispersa mes efforts
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En surcharge :
Je me crois libre
d'efforts |
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Quoi comprendre à ma
parole |
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Il fait qu'elle fuie et
vole
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Oh ! si le malheur
m'entraîne |
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Sa disgrâce m'est certaine
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Il faut que son dédain,
las ! |
Au dessus :
C'est pour moi
/ Au dessous :
Soit pour moi |
Me livre au plus prompt
trépas |
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Sommaire
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