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Dans la notice consacrée à Voyelles de son édition Rimbaud des Classiques Garnier (1961), Suzanne Bernard signalait la dette de Rimbaud à l'égard de Baudelaire qui, "dès le Salon de 1846 parle de "l'analogie entre les couleurs, les sons et les parfums". Le sonnet des Correspondances reprend et applique la même idée". Poète, pour Baudelaire, est celui qui possède "une immense intelligence innée de la correspondance et du symbolisme universels, ce répertoire de toute métaphore [...] Manier savamment une langue, c'est pratiquer une sorte de sorcellerie évocatoire. C'est alors que la couleur parle; que les monuments se dressent et font saillie sur l'espace profond; [...] que le parfum provoque la pensée et le souvenir correspondants..." (article sur Théophile Gautier dans L'Art romantique).

              Correspondances


La nature est un temple où de vivants piliers
Laissent parfois sortir de confuses paroles;
L'homme y passe à travers des forêts de symboles
Qui l'observent avec des regards familiers.

Comme des longs échos qui de loin se confondent
Dans une ténébreuse et profonde unité,
Vaste comme la nuit et comme la clarté,
Les parfums, les couleurs et les sons se répondent.

Il est des parfums frais comme des chairs d'enfants,
Doux comme des hautbois, verts comme des prairies,
Et d'autres corrompus, riches et triomphants,

Ayant l'expansion des choses infinies,
Comme l'ambre, le musc, le benjoin et l'encens,
Qui chantent les transports de l'esprit et des sens.

(Les Fleurs du mal, 1857)