Rimbaud,
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Dolorosa mater
Il
est de tradition de citer Léon Dierx, au côté de George Sand et
Leconte de Lisle, comme un des auteurs chez qui Rimbaud aurait pu
trouver un modèle, pour le tableau du Dormeur
du val.
soit dans "La Fontaine aux Lianes" (Poèmes Barbares) : là aussi, chez Leconte de Lisle, au milieu d'une nature glorieuse et vivante, gît un mort paisible. Mais que de strophes pour décrire ce contraste ! Quelle apostrophe pour interroger ce mort inconnu, pour lui restituer un passé ! Tandis que le mort de Rimbaud, anonyme, et, sauf par sa jeunesse, sans identité, tire son pathétique du seul effet de son présent muet et de sa place sur une surface colorée » (Émilie Noulet, Le premier visage de Rimbaud, Bruxelles, 1953, p.65-66). Dans sa note de l'Édition du centenaire (Rimbaud, Oeuvre-vie) J-F. Laurent remarque le caractère christique des personnages figurant dans ces poèmes parnassiens, et en tire argument en faveur de sa thèse concernant « Le dormeur du val » (voir Jean-François Laurent, « "Le Dormeur du val" ou la chair meurtrie qui se fait verbe poétique », dans Parade sauvage, colloque de Cambridge, "Rimbaud à la loupe", 1990, p.21-26). On pourra remarquer enfin que Rimbaud, dans « Le Dormeur du val », reprend d'une certaine manière à son compte ce topos romantique de la mort apaisée, voire désirée, dans les bras de la Mère Nature, cliché que Dierx traitait ici de façon critique. ___________ 1 - Variante différente du texte que nous reproduisons, emprunté à l'édition des Poésies complètes publiée en 1889. Dierx avait écrit d'abord "dans l'herbe enseveli" (Le Parnasse contemporain), puis "et prêt à s'endormir" (édition Lemerre de 1867), puis la leçon représentée ci-contre. |
Dolorosa Mater
Quand
le rêveur en proie aux chagrins qu'il ravive, Il
refoule bien loin la pensée ulcérée, Il
aspire d'un trait l'air de la solitude ; Il
promène son rêve engourdi dans l'espace, — «
O silence éternel ! ô force aveugle et sourde! « C'est un levain fatal qui fermente en
nos veines! « Tout
ce qui fait, hélas ! la vie et son supplice, —
Il laisse alors couler sa dernière amertume, Telle
qu'un essaim fou d'invisibles phalènes, Elle est rocher, forêt, torrent, fleur et
nuage. Mais partout elle voit la vie
universelle Un principe énergique entre les
foins circule ;
La nuit fait resplendir des globes innombrables. Qui s'élève, grandit, et monte,
et tourbillonne, Ces mondes suspendus à jamais
dans le vide, Il se
dresse, enivré d'un vertige effroyable —
Fausse silencieuse ! O Nature ! ô vivante !
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