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Steve Murphy a découvert la référence de Michel et Christine à ce poème de Verlaine, en travaillant sur les variantes de Romances sans paroles (cf. Détours et détournements : Rimbaud et le parodique, Parade sauvage, Colloques n°4, 2004). C'est le mot "railway" apparaissant dans un manuscrit qui lui a mis la puce à l'oreille : "Le railway défile" au lieu de "Les wagons filent" (Malines, v.11). Vous pouvez consulter une transcription de ce manuscrit sur le site que Christian Hervé consacre à Romances sans paroles (rubrique : "le texte"). Ce terme anglais, qui n'appartient pas à la version imprimée de Malines, mais dont la présence insolite frappe le lecteur de Michel et Christine, a conduit Steve Murphy à découvrir la parenté secrète des deux textes. Il observe que plusieurs éléments du paysage verlainien : "horizons" (v.8), "Sahara" (v.9), "prairies" (v.9), "plaine" (v.14) sont repris dans le vers 7 du texte de Rimbaud, au moment où le poète, exactement comme Verlaine, s'adresse (à l'impératif) aux troupeaux présents dans le paysage. Mais, chez Rimbaud, le ton dramatique de cette apostrophe change du tout au tout l'atmosphère du poème :

O cent agneaux, de l'idylle soldats blonds,
Des aqueducs, des bruyères amaigries,
Fuyez ! plaine, déserts, prairie, horizons
Sont à la toilette rouge de l'orage !

"On voit à quel point, commente Steve Murphy, le paysage violent de Rimbaud reprend et pervertit la description doucement onirique de Verlaine". Cette "mise en cause du quiétisme qui apparaît dans Malines [...] est tout à fait en corrélation avec la nature révolutionnaire du poème [Michel et Christine]". (op. cit. p.99)

         Malines

Vers les prés le vent cherche noise
Aux girouettes, détail fin
Du château de quelque échevin,
Rouge de brique et bleu d'ardoise,
Vers les prés clairs, les prés sans fin...

Comme les arbres des féeries
Des frênes, vagues frondaisons,
Échelonnent mille horizons
A ce Sahara de prairies,
Trèfles, luzerne et blancs gazons.

Les wagons filent en silence
Parmi ces sites apaisés.
Dormez, les vaches! Reposez,
Doux taureaux de la plaine immense,
Sous vos cieux à peine irisés!

Le train glisse sans un murmure,
Chaque wagon est un salon
Où l'on cause bas et d'où l'on
Aime à loisir cette nature
Faite à souhait pour Fénelon.

Août 1872

(Romances sans paroles, 1874)