Comme Au Cabaret-Vert, cinq heures du soir ou La Maline, Ma
Bohême est un poème de route
évoquant les fugues de l'automne 1870. Mais ce texte occupe une place à part dans les premières poésies de
Rimbaud. Placé en conclusion du "Recueil de Douai", il
semble représenter le moment où le jeune poète prend conscience des
virtualités mythiques de son expérience récente et commence à
construire délibérément sa propre légende. Rimbaud s'y peint comme un
enfant-vagabond, un troubadour
en guenilles, un "clochard céleste" selon
l'expression
de Jack Kerouac, auteur américain de la « Beat Generation ».
Il ébauche en peu de mots toute une thématique que l'on retrouve dans
l'œuvre entière : la révolte, l'attrait du voyage, le choix de la
pauvreté, l'enfance orpheline, la mère-nature, les amours inventées,
la métamorphose magique du quotidien, la poésie comme destin. Il
montre une volonté de tordre un peu le cou aux vieilles règles : il
brise le rythme de l'alexandrin; il pousse la poésie aux limites de la
prose; il refuse de se prendre trop au sérieux, joue sur les mots avec
humour (échos sonores, polysémies), casse les élans lyriques par une
pirouette d'autodérision, un trait de langage oral ou un terme familier
qui fait couac. C'est un manifeste pour une poésie nouvelle et
iconoclaste.
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