Rimbaud, le poète / Accueil > Étude du Recueil de Douai > Une lettre d'Arthur à Demeny (sujet) > Travaux d'élèves

 

 

Une lettre d'Arthur à Demeny 

 
 

La lettre de Léa | La lettre de Jules

 

Texte de Lea Boellinger, élève de seconde,
Lycée Henri Matisse, Cugnaux - 31.
10 décembre 2001.

 


         Charleville, le 3 Novembre 1870

 

À Monsieur Paul Demeny

 

   

Cher Artiste, cher ami,

   

Deux hommes ont décidé de m'enlever à Douai. Les gendarmes, probablement à la demande de ma mère, ont fait leur travail de me soutirer à votre ville.

                                     Je quittai donc Douai

Avec pour escorte, la maréchaussée

Mais le cœur léger.

 

En effet, vous avez trouvé dans votre courrier, vingt deux poèmes soufflés par mon génie. Avouez que vous aussi, ils vous séduisent, animent en vous un feu de bonheur et un sentiment de bien-être!

Voyez cette émotion inconnue qui monte en vous, nouvelle et réparatrice. Je vous en conjure, faites partager cette sensation, folle et inconsciente, à tous. Afin que, quand la vie me quittera, lorsque la mort caressera mon cœur, me donnera son froid baiser pour m'emporter avec elle, il subsiste une partie de moi à travers ces poèmes.

Ces descriptions, ces choses qui me sont apparues, lorsqu'en fermant les yeux, la divine Muse, me toucha de son doigt, faisant naître en moi mille et une joies, visions et libertés.

          Permettez-moi cette audace de vous suggérer un titre pour ce recueil de vie, doux mélange de tristesse, d'amour, d'allégresse et de désespoir. Nous le nommerons, "Bal d'Ivresse".  Bal d'ivresse...
      

           Ce titre me remémorera, à moi, homme, génie, créateur, mes soirées, seul, ivre de baisers, de tendres caresses et d'intimes songes. Ce titre, "Bal d'Ivresse", réunit ces thèmes, d'amour, de mort, de sensation et d'inconscience débridée.

Ô ! Douces folies, étrennes d'espoir !

Quelle débauche, merveilles ! Majestés ! Ne trouvez-vous pas ?

 

Ces poèmes doivent être connus de tous ! Tout cela est "abracadabrantesque".  N’êtes-vous pas de mon avis, Monsieur Demeny? Tous doivent découvrir ces inspirations divines.

 

"Quand ce trou chaud souffle la vie"

 

Les Effarés. N'est-ce pas un titre ça ?

 

J'ai trop de fierté pour vous supplier et c'est pour cela que je vous laisse décider du sort de ces poèmes. Avez-vous le droit d'en priver le public ? Certainement pas. Ces poèmes doivent absolument être connus. Et vous, vous serez le messager divin de ces révélations.

Le destin du "Bal d’Ivresse " est entre vos mains.

            A vous, pour l'éternité,

 

                                                                         Arthur Rimbaud


P.S. Ne faites pas attention à la banalité de cette lettre, mais voyez dans cette dernière les paroles d'un homme ivre de vie, d'amour et de liberté.

 

  la lettre de Léa | la lettre de Jules

 

Texte de Jules Salomone, élève de seconde,
Lycée Henri Matisse, Cugnaux - 31.
10 décembre 2001.

 



Charleville,                    
encore et toujours.              

                 3 novembre 1870

 

                             empêtré dans l'ennui,

 

                Je n'en puis plus. Je n'en puis plus. Ces campagnes mélancoliques, ce soleil froid et plein de tristesse, tous ces paysages de neige et feuilles mortes, toutes ces choses que je ne puis sentir, humer, goûter, le froid de l'automne qui ne peut me caresser. Je suis emprisonné dans une maison chaude des flammes de l'enfer, flammes avides attisées par la Mother. Misérable ville de province peuplée de misérables gens de province, hypocritement engagés, malades de représentationnite et d'imaphilie, je ne puis vous supporter davantage.
               Me voici de retour à Charleville, par la force, et je vous dois - je pense - une explication.
               Ce que vous avez en votre possession est un recueil que je ne pus ni titrer ni classer, dans la précipitation de mon départ. Un recueil, oui! Car il existe une cohérence entre ces poèmes.
               Mon style - serais-je déjà prétentieux ? - est marqué par mes escapades juvéniles, sans raison ni sens, dans la prairie des mots où coulent phrases et chante ponctuation - et pas comme des casseroles! ... J'étais jeune et je vieillis. Je m'envole, au hasard, vers un horizon poétique mystérieux, embrassé de brumes.
               Cette unité de style est doublée d'une cohérence d'idées. Sensualités, amours de dix-sept ans, satire sociale, rébellion contre le pouvoir royal et impérial sont autant de sujets qui se répètent et se croisent.
                Quant à la présentation ? la table des matières ? le classement chronologique est bienvenu, démontrant une progression, une évolution, mais aussi le désordre de ma pensée et mon goût pour les embrouillaminures jolies.
                 Voilà tout. Ô, publiez-moi, ceci serait trop beau. Publiez-moi, cher ami, cher frère. Moi et mes dix-sept ans, publiez-nous. Je vous serai d'une infinie reconnaissance.

Arthur Rimbaud 

 

          PS. J'allais oublier le titre : "Jeune fou sur le sentier des mots".

 

  la lettre de Léa | la lettre de Jules