Ce sont des portraits-souvenirs, composés après coup, "de
mémoire", comme l'indique Verlaine au bas de l'un des dessins. Ils figurent en frontispice de l'édition des Poésies
complètes chez Vanier (1895). « Isabelle, écrit Jean-Jacques Lefrère
dans sa biographie (Fayard, 2001, p.1183), reprocha à l'éditeur
d'avoir inclus "ces deux petits croquis qui ne m'ont rappelé ni
de près ni de loin l'auteur des poésies complètes" ».
Il y a celui que l'on pourrait appeler : "le piéton"
("Tenez — :
Je suis un piéton, rien de plus" écrivait Rimbaud à Demeny le
28 août 1871). A.R. portraituré de pied en cap, marchant. Il a un
visage enfantin, les
cheveux longs jusque sur les épaules, les mains dans les poches, la pipe au
bec et un petit feutre sur la tête. C'est l'une des représentations
les plus célèbres du poète, sans doute parce qu'elle évoque mieux
que toute autre les figures mythiques du bohème et du chemineau.
Verlaine note dans la marge de son dessin : "Arthur Rimbaud - juin 1872".
Le croquis ravive donc le souvenir d'Arthur tel qu'il était à la veille du grand départ pour "le
roman de vivre à deux hommes" ("Laeti et
errabundi"). Avouons que le portrait n'est guère ressemblant mais c'est
sans doute un des plus "poétiques".
L'autre rappelle davantage le ton satirique de la correspondance, sans
l'aspect caricatural : c'est Rimbaud attablé, les cheveux en
bataille débordant sous son drôle de chapeau, dans une attitude
quelque peu affaissée. L'inscription en bas à gauche, en vis à vis de la signature "P.V."
date le dessin de décembre 1886 ("Reproduction d'un croquis de Paul
Verlaine [...] Xbre 86"). "Un dessin
très semblable, indique Lefrère dans une note (ibid, p.1199),
également signé P.V., figure sur le carnet de notes de Verlaine
contenant le décompte des poèmes de Rimbaud prévus pour l'édition d'œuvres
complètes de 1895 (Bibliothèque municipale de Metz)."
