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Brouillon d'Alchimie du verbe

 

Esquisse d'Alchimie du verbe (fin du chapitre).
Autographe. Non daté.
Le texte occupe le recto et le verso d'un même feuillet. Le feuillet est endommagé : l'un des coins supérieurs est déchiré. Les six premières lignes (au demeurant largement biffées sur la partie recto) sont réduites de la moitié de leur longueur. Les crochets […] indiquent l'emplacement de ces lacunes et de quelques fragments illisibles, ailleurs dans le texte.

 

 

Recto

 

 

RECTO

1 - de : Les mots suivants "Londres ou de Pékin ou Ber" sont biffés.
2 - qui disparaisse : suite indéchiffrable et biffée.
3 - des : suivi de "petit" biffé et surmonté du mot "fournaise" dans l'interligne.
4 - J'aurais voulu : suivi de "le désert orageux de ma campagne" biffé.
5 - m'offrais au : surcharge "priais le soleil".
6 - s'il reste : surcharge "si tu as encore".
7 - remparts : surcharge "créneaux".
8 - monceau(x) : surcharge "mottes".
9 - Que les : suivi de "araignées" biffé et de mots illisibles biffés.
10 - Je : plusieurs phrases ou amorces de phrases biffées "Je portais des vêtements de toile", "Je me".
11 - Le souverain : surcharge "soleil".
12 - donnait : au-dessus de "descendait vers" biffé.
13 - une : surcharge "la".
14 - et dissous en un rayon : surcharge "qui va se fondre au Soleil" biffé.

 


15 - les innocents des limbes : lecture conjecturale, illisible, ce groupe de mots vient après plusieurs autres groups biffés, "foule(s), succession (de) petits corps blancs". Il est suivi d'une phrase entièrement biffée : "l’araignée faisait l’ombre romantique envahie par l’aube opale".
16 - Je m’éloignais : suivi de "du contact" biffé.
17 - de l'écrire : surcharge "que j'essay"

 


18 - De joie : remplace "Et pour comble de joie" biffé.

 

19 - C’était ma vie éternelle : remplace "À cette période, c'était" biffé.
20 - la Providence : Rimbaud ajoute dans l'interligne, au-dessus de Providence, "les lois du monde, l’essence".
21 - vis : surcharge "mis"
22 - fatalité : surcharge "loi de b"
23 - l'action n'était qu'une façon : suivi de "instinctive", biffé ; surmonté, dans l'interligne, de "pas la vie mauvaise".
24 - une satiété de vie : remplace "la vie" biffé.
25 - au hasard sinistre et doux, énervement, errement. : précédant ces mots, un début de phrase est biffé : "Seulement moi, je laissais + un mot indéchiffrable".

 

RECTO

    Enfin mon esprit devint […] de1  […] qui disparaisse2 […] de réjouissance populaire. Voilà […] des3 […]
     J’aurais voulu4
   
J’adorai les boissons tiédies, les boutiques fanées, les vergers brûlés. Je restais de longues heures la langue pendante, comme les bêtes harassées, je me traînais dans les ruelles puantes, et, les yeux fermés, je m’offrais au5 Dieu de feu, qu’il me renversât. Général, roi, disais-je, s’il reste6 un vieux canon sur tes remparts7 qui dégringolent, bombarde les hommes avec des monceaux8 de terre sèche. Aux glaces des magasins splendides ! Dans les salons frais ! Que les9  Fais manger sa poussière à la ville ! Oxyde des gargouilles. A l’heure emplis les boudoirs de sable brûlant de rubis.
    Je10 cassais des pierres sur des routes balayées toujours. Le souverain11 donnait12 une13 merde, dans la vallée, au centre de la terre, le moucheron enivré à la pissotière de l’auberge isolée, amoureux de la bourrache, et dissous en un rayon14.

Faim*

    Je réfléchis au bonheur des bêtes ; les chenilles étaient les innocents des limbes15 : la punaise brune personne attendait qu’on passionne. Heureuse la taupe, sommeil de toute la Virginité !
     Je m’éloignais16 du contact. Étonnante virginité de l’écrire17 avec une espèce de romance.

*Chanson de la plus haute tour.

    Je crus avoir trouvé raison et bonheur. J’écartais le ciel, l’azur, qui est du noir, et je vivais, étincelle d’or de la lumière nature. C’était très sérieux. J’exprimai bêtement

*Éternité

    De joie18, je devins un opéra fabuleux.

*Âge d’or.

    C’était ma vie éternelle19, non écrite, non chantée, — quelque chose comme la Providence20 à laquelle on croit et qui ne chante pas.
   Après ces nobles minutes, stupidité complète. Je vis21 une fatalité22 de bonheur dans tous les êtres : l’action n’était qu’une façon23 de gâcher une satiété de vie24 : au hasard sinistre et doux, énervement, errement25. La morale était la faiblesse de la cervelle.

 

 

Verso

 

VERSO

26 - Je pourrais les redire tous et d'autres : ajouté dans l'interligne après "enfermée".
27 - Je sais le système : ajouté dans l'interligne en dessous de "et d'autres".
28 - Je n’éprouvais plus rien. : suivi de "les hallucinations tourbillonnaient" biffé.
29 - n’essaierais : remplacé (?) dans l'interligne par "ne voudrais" mais non biffé.
30 - ma santé fut menacée : semble remplacer "ma santé s'ébranla", ce dernier mot biffé, mais une troisième formulation se dessine en interligne : "je crus [ma santé menacée ?]"
31 - plus vives, : suivi de "plus épouvantes" biffé.
32 - venait : surcharge "plus".
33 - levé : ajouté dans l'interligne.
34 - les plus tristes, égaré : ajouté dans l'interligne, à insérer apparemment entre "continuais les rêves" et "partout".
35 - trépas : au-dessus de "mort" biffé.
36 - patrie : surcharge "parmi".
37 - toute l'âme : suivi de "sur une embarcation" biffé.
38 - après une route de dangers, après avoir laissé presque toute l’âme aux épouvantes : R. semble avoir hésité entre les deux propositions introduites par "après", sans en biffer aucune.
39 - je fermai mon cerveau : ajouté dans l'interligne.
40 - Je voulus reconnaître là : au-dessous de "je rappelai" biffé.
41 - bonhomme de peu, isoler les principes, : ajout énigmatique dans l'interligne.
42 - éclairée : dans l'interligne, au dessus de "lumineuse", sans que soit clair celui des deux mots que R. a voulu biffer.
43 - me laver d’une souillure : remplace "me laver de ces aberrations" biffé.
44 - féeries : surcharge "magies"
45 - ma fatalité : "mon remords" a été ajouté dans l'interligne, avant "ma fatalité", et biffé.
46 - Quoique le monde me parût très nouveau, à moi qui avais levé toutes les impressions possibles : tout ce début de paragraphe est biffé.
47 - immense : après "immense" un membre de phrase énigmatique, biffé : "énervait même après que me devrais".
48 - bien réellement : au-dessous de "seulement" biffé.
49 - ad matutinum : surcharge "ad diluculum"
50 - au Christus venit : dans l'interligne, au-dessus de "quand pour les hommes forts le Christ vient", biffé.
51 - Bonr : lire "Bonheur"
52 - Si faible, je ne me crus plus supportable dans la société, qu’à force de bienveill. : lire "bienveillance, phrase ajoutée dans l'interligne.
53 - Quel malheur, pitié : ajouté dans l'interligne.
54 - je : surcharge "enfin".
55 - Nos poètes : R. a biffé "grands" dans "Nos grands poètes". "Nos" surcharge "Les".
56 - bont : lire "bonté".

 

 

 

 

VERSO

 […] êtres et toutes choses m’apparaissent […] d’autres vies autour d’elles. Ce monsieur […] un ange. Cette famille n’est pas […]. Avec plusieurs hommes […] moment d’une de leurs autres vies […] plus de principes. Pas un des sophismes […] la folie enfermée. Je pourrais les redire tous et d’autres26, et bien d’autres, et d’autres. Je sais le système27. Je n’éprouvais plus rien.28 Mais maintenant, je n’essaierais29 pas de me faire écouter.
    Un mois de cet exercice : ma santé fut menacée30. J’avais bien autre chose à faire que de vivre. Les hallucinations étant plus vives,31 la terreur venait32 ! Je faisais des sommeils de plusieurs jours, et, levé33, continuais les rêves les plus tristes, égaré34 partout.

* Mémoire.

Je me trouvais mûr pour le trépas35 et ma faiblesse me tirait jusqu’aux confins du monde et de la vie, où le tourbillon dans la Cimmérie noire ; patrie36 des morts, où un grand […] après une route de dangers, après avoir laissé presque toute l’âme37 aux épouvantes38.

*Confins du monde

    Je voyageai un peu. J’allai au nord : je fermai mon cerveau39. Je voulus reconnaître là40 toutes mes odeurs féodales, bergères, sources sauvages. J’aimais la mer, bonhomme de peu, isoler les principes,41 l’anneau magique dans l’eau éclairée42 comme si elle dût me laver d’une souillure43, je voyais la croix consolante. J’avais été damné par l’arc-en-ciel et les féeries44 magies religieuses ; et pour le Bonheur, ma fatalité45, mon ver, et qui
    Quoique le monde me parût très nouveau, à moi qui avais levé toutes les impressions possibles46 : faisant ma vie trop immense47 pour aimer bien réellement48 la force et la beauté.
    Dans les plus grandes villes, à l’aube, ad matutinum49, au Christus venit50, sa dent, douce à la mort, m’avertissait avec le chant du coq.

*Bonr.51

    Si faible, je ne me crus plus supportable dans la société, qu’à force de bienveill.52 Quel malheur, pitié.53 Quel cloître possible pour ce beau dégoût ? Tout cela s’est passé peu à peu.
    Je hais maintenant les élans mystiques et les bizarreries de style.
    Maintenant je54 puis dire que l’art est une sottise. Nos poètes55 art aussi facile : l’art est une sottise.
    Salut à la bont.56