Après le Déluge (Illuminations, 1873-1875)

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Après le Déluge


  N° d'alinéas

1

     Aussitôt que l'idée du Déluge se fut rassise,

2

     Un lièvre s'arrêta dans les sainfoins et les clochettes mouvantes et dit sa prière à l'arc-en-ciel à travers la toile de l'araignée.

3

     Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, les fleurs qui regardaient déjà.

4

     Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures.

5

     Le sang coula, chez Barbe-Bleue, aux abattoirs, dans les cirques, le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent.

6

     Les castors bâtirent. Les "mazagrans" fumèrent dans les estaminets.

7

     Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil regardèrent les merveilleuses images.

8

     Une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras, compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante giboulée.

9

     Madame*** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.

10

     Les caravanes partirent. Et le Splendide-hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle.

11

     Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, et les églogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c'était le printemps.

12

     Sourds, étang, Écume, roule sur le pont, et par dessus les bois; draps noirs et orgues, éclairs et tonnerres montez et roulez; Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges.

13

     Car depuis qu'ils se sont dissipés, oh les pierres précieuses s'enfouissant, et les fleurs ouvertes, ! c'est un ennui ! et la Reine, la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons.

 

 

 

Lexique

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arc-en-ciel 
     De nombreux récits mythiques racontant la création du monde (cosmogonies babyloniennes, gréco-latines, ...) contiennent un épisode du déluge. A la fin du déluge, tel qu'il est raconté par la Bible (Genèse, VI à IX) Yahvé, le dieu personnel de la tradition judéo-chrétienne, propose aux hommes un Pacte d'Alliance, dont l'arc-en-ciel sera le symbole. Aux termes de cette alliance, Dieu s'engage à ce qu'il n'y ait pas de nouveau déluge. C'est pourquoi la prière du lièvre s'adresse à l'arc en ciel.

 

les étals :
   Ce mot désigne la table sur laquelle un marchand étale sa marchandise. Par restriction de sens : boutique de boucherie. Dans le contexte du poème, l'hésitation est permise. La plupart des commentateurs comprennent : les marchands ouvrent leurs boutiques, les commerces recommencent à fonctionner. 

 

"mazagrans"  : "café noir, chaud ou froid, mêlé d'eau et de sucre, additionné ou non d'eau-de-vie, servi dans un verre profond" (Trésor de la Langue Française). Le verbe accompagnant ce mot dans le texte ("fumèrent") laisse supposer qu'un "mazagran" désignait couramment à la fin du dix-neuvième siècle un café noir servi chaud. Le nom désignait indifféremment la boisson ou son contenant (aujourd'hui le terme désigne essentiellement un type particulier de verre, profond, à pied et à forme évasée). Son origine est le nom d'un village algérien où les troupes coloniales françaises accomplirent un de leurs exploits en 1840. 

 

estaminets : petits cafés. 

 

dans la futaie violette
    Futaie : forêt de grands arbres. Rimbaud use fréquemment de la couleur violette pour évoquer l'ombre des bois. Cf. "Les loups vont répondant des forêts violettes" (Bal des pendus); "Quelles violettes frondaisons vont descendre ?" (Phrases, Illuminations); "et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route humide" (Ornières, Illuminations).

 

Sourds : le verbe "sourdre" se dit d'une source, du jaillissement de l'eau hors de la terre ou du roc. 

 

relevez : "relever" signifie remonter, mais aussi se remettre debout (antithèse exacte de "rassise" dans le premier alinéa), mais aussi prendre la relève. 

 


 

 

Interprétations

remonter

  lexique  

commentaire

bibliographie

 

La mention "op. cit." renvoie à la bibliographie proposée en fin de page.

Déluge
     Deux interprétations s'affrontent autour du sens à donner à ce terme, c'est à dire au poème, et même dans une certaine mesure, aux Illuminations dans leur ensemble. Les uns prônent une lecture mythique ou mythocritique, qui perçoit surtout dans la fascination omniprésente de Rimbaud pour "l'idée du déluge" une fascination de poète, un projet essentiellement esthétique visant à se faire le démiurge d'un monde de mots construit sur les ruines du nôtre. Les autres défendent une lecture socio-politique fondée sur la conviction que le mot "déluge" désigne ici la "Commune de Paris" (18 mars-28 mai 1871) et attribuent l'inspiration du poème aux sympathies avérées de l'auteur pour les théories socialistes visant la transformation révolutionnaire du monde réel. C'est, semble-t-il, Antoine Adam qui a proposé le premier cette glose dans son article de 1950 : "
L'Énigme des Illuminations".
     Représentant de cette dernière conception, Antoine Fongaro (op.cit.1994, p.33-34) argumente sa thèse en montrant que la métaphore du "déluge" employée pour caractériser l'activité révolutionnaire des masses ouvrières est un véritable cliché tout au long du XIXe siècle, tant dans la littérature (de Chateaubriand à Hugo) que dans le discours journalistique. Parmi beaucoup d'autres, il cite cet exemple déjà signalé par Yves Denis (op.cit. p.1276), emprunté à l'épilogue du recueil de poésie que Victor Hugo a consacré aux événements de 1871 : L'Année terrible.

                            Épilogue

                      DANS L'OMBRE



                     LE VIEUX MONDE

O flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
Ta vague monte avec la rumeur d'un prodige !
C'est ici ta limite. Arrête-toi, te dis-je.
Les vieilles lois, les vieux obstacles, les vieux freins,
Ignorance, misère et néant, souterrains
Où meurt le fol espoir, bagnes profonds de l'âme,
L'ancienne autorité de l'homme sur la femme,
Le grand banquet, muré pour les déshérités,
Les superstitions et les fatalités,
N'y touche pas, va-t'en ! ce sont les choses saintes.
Redescends, et tais-toi ! j'ai construit ces enceintes
Autour du genre humain et j'ai bâti ces tours.
Mais tu rugis toujours ! mais tu montes toujours !
Tout s'en va pêle-mêle à ton choc frénétique.
Voici le vieux missel, voici le code antique.
L'échafaud dans un pli de ta vague a passé.
Ne touche pas au roi ! ciel ! il est renversé.
Et ces hommes sacrés ! je les vois disparaître.
Arrête ! c'est le juge. Arrête ! c'est le prêtre.
Dieu t'a dit : Ne va pas plus loin, ô flot amer !
Mais quoi ! tu m'engloutis ! au secours, Dieu ! la mer
Désobéit ! la mer envahit mon refuge !



                          LE FLOT

Tu me crois la marée et je suis le déluge.

 


     Les adversaires de cette lecture la considèrent comme une interprétation forcée, que rien ne motive explicitement dans le texte de Rimbaud. Ils ont tendance à l'attribuer à un effet de mode. Voici ce qu'écrit par exemple Pierre Brunel, dans son ouvrage : Eclats de la violence (2004), page 56, note 1, au sujet de l'article d' Yves Denis qui, le premier, donna un développement systématique à la thèse du "caractère marxiste du morceau" (l'expression est de P.B. pour désigner la thèse adverse) : " La date, 1968, l'orientation idéologique de la revue (Les Temps modernes) permettent de rendre compte d'une telle tentative de sociocritique. Encore approuvé par Antoine Adam dans la seconde Pléiade (1972), ce type de commentaire ne convainc plus guère aujourd'hui". 

 

se fut rassise
     Un esprit rassis est un esprit calme, réfléchi; un pain rassis est un pain qui n'est plus frais sans être encore dur, nous dit le Petit Larousse. Sans doute faut-il donc comprendre : lorsque l'idée du Déluge (l'intention de Dieu, son but : la destruction de l'humanité corrompue) fut accomplie et que sa colère se fut calmée, apaisée. Yves Denis, l'un des commentateurs qui, à la suite d'Antoine Adam (op. cit.), estiment que le déluge n'est pour Rimbaud qu'une allégorie désignant l'insurrection populaire de la "Commune",  paraphrase ainsi ce début de poème : "Dès que se fut affaissé le spectre de la Révolution sociale surgi à l'avènement de la Commune, etc..." (op. cit. p.1262). C'est l'idée d'un assagissement forcé ou d'un épuisement de la vigueur révolutionnaire qui passerait alors à travers le verbe "rasseoir" (se rasseoir après s'être mis debout).  

 

Un lièvre :  
     Les commentateurs se sont demandé s'il fallait donner un sens précis au choix d'un lièvre pour représenter le recommencement de la vie "après le déluge". Albert Henry, op. cit. p.27,  y décèle une intention anthropomorphique : "le lièvre à l'arrêt plie les pattes arrière (celles de devant, beaucoup plus courtes, se plaçant un peu comme des bras) et il peut ainsi apparaître en position d'orant". Yves Denis, creusant son sillon d'interprétation, explique le choix du lièvre par sa "couardise légendaire" et en fait le symbole du bourgeois effrayé par la Commune (op. cit. p.1262). Il signale que la représentation du bourgeois en lièvre prompt à s'effrayer se trouve dans un recueil de Hugo publié en 1872 : Toute la lyre (op.cit. p.1275). Antoine Fongaro, op.cit.1994, p.91, mobilise La Fontaine et sa fable du Lièvre et les grenouilles : "Cet animal est triste et la crainte le ronge. / "Les gens d'un naturel peureux / Sont, disait-il, bien malheureux"", et conclut : " Rimbaud ne pouvait ignorer le sens que TOUS les lecteurs donneraient au mot lièvre". 

 

sainfoins
     Le sainfoin est une plante fourragère (utilisée pour l'alimentation des animaux). Pour Antoine Fongaro, Rimbaud exploite ici un calembour "anti-religieux" qu'il a trouvé chez Hugo, en même temps que l'image d'un animal disant sa prière : "Le mouton disait : Notre père, / Que votre sainfoin soit béni !" (L'Église, dans Les Chansons des rues et des bois, 1865). 



la toile de l'araignée
  : 
     Yves Denis (op. cit. p.1262), filant la métaphore politique, construit l'interprétation suivante : "Trop humble pour s'adresser directement à la Divinité, il fait passer son action de grâce par la voie hiérarchique des pouvoirs civils et religieux ("la toile d'araignée"). Antoine Fongaro étaye et précise cette lecture en montrant que chez Hugo, l'araignée sert fréquemment à l'évocation métaphorique de l'idée de piège, de noirceur. Il cite notamment un passage de L'année terrible (1872) où l'araignée désigne l'hypocrisie religieuse incarnée par le fondateur des Jésuites "Loyola" (surnom que - par parenthèse - Rimbaud attribuera à Verlaine après leur rupture de 1873 pour stigmatiser la duplicité de sa bigoterie). Hugo accuse en somme le laxisme jésuite de fermer les yeux sur l'immoralisme des riches et de bénir le vice. Voici le texte :  "Avec cette morale où tout est vie et grâce / Avec ces dogmes pris au plus serein des cieux / Loyola construisit son piège monstrueux; / Sombre araignée à qui Dieu, pour tisser sa toile / Donnait des fils d'aurore et des rayons d'étoile." (poème V de la division Février du long poème intitulé : Loi de formation du progrès). Ce qui permet à Antoine Fongaro de conclure : "Voilà qui confirme l'interprétation d'Yves Denis : la portée socio-politique de cette image de la prière dite à travers la toile de l'araignée est ici d'ordre anti-clérical". 

 

Oh ! les pierres précieuses qui se cachaient, -- les fleurs qui regardaient déjà
     L'accord est à peu près unanime parmi les commentateurs sur la première partie de la phrase : les "pierres précieuses" désignent ce à quoi l'Homme n'a pas accès parce que Dieu, ou les dieux, ou la sorcière (alinéa 13), ou son essentielle incomplétude le lui cachent. Motif prométhéen, expression d'une révolte métaphysique contre les limites du pouvoir humain qui, chez les poètes, se décline volontiers sous le thème de l'inaccessible Beauté. 

     Antoine Fongaro (op.cit.1990, p.46-49) démontre la récurrence de ce thème dans Les Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, à travers cette même métaphore des pierres précieuses cachées dans le sol : 
     "Dans Les Litanies de Satan on lit : "Toi qui sais en quels coins des terres envieuses / Le Dieu jaloux cacha les pierres précieuses".  Là, l'occultation des pierres précieuses est le fait du "Dieu jaloux", c'est à dire du Dieu de la Bible : c'est donc une punition divine frappant l'humanité coupable. Nous sommes bien dans l'atmosphère d' Après le déluge (...) Mais si Rimbaud est impliqué, c'est qu'il s'agit de poésie (...) Les pierres précieuses qui s'enfouissent et se cachent, c'est la disparition de la véritable poésie ..." 
     Il cite encore le poème de Baudelaire intitulé Le Guignon "où, après deux quatrains exprimant le découragement du poète devant la difficulté de l'art, les tercets disent : "- Maint joyau dort enseveli /  Dans les ténèbres de l'oubli, / Bien loin des pioches et des sondes; // Mainte fleur épanche à regret / Son parfum doux comme un secret / Dans les solitudes profondes/". 
    Poussant l'analyse à partir de ce dernier exemple, Antoine Fongaro constate la divergence entre Rimbaud et Baudelaire. Alors que l'auteur des Fleurs du Mal utilise fleurs et pierreries comme des symboles jumeaux, Rimbaud suggère que les secondes s'offrent facilement à l'homme (elles "regardaient déjà" au premier alinéa; elles sont "ouvertes" au dernier). Le critique en déduit que les fleurs symbolisent pour Rimbaud la mièvrerie poétique, la poésie facile qu'il rejette. Il rejoint sur ce point la glose d'Yves Denis qui écrivait (op.cit. p.1263) : "Déjà aussi les fleurs (...) recommencent d'apparaître et d'exercer leurs décevants sortilèges : les hommes vont retourner aux vains plaisirs des amours vénales ou clandestines, du vin dans les tavernes, du jeu dans les tripots, des flonflons de l'opérette et de la fête foraine, et même des fleurs de rhétorique." 

 

étagée là-haut :
     Suzanne Bernard commente de la façon suivante dans son édition des Classiques Garnier, p.480 (1961) : "Exemple remarquable de la vision originale de Rimbaud : il "voit" la mer s'étageant en hauteur suivant une perspective de gravure (de gravure ou d'enluminure ancienne, qui ne respecterait pas les règles de la perspective albertienne)." Antoine Fongaro (op.cit. 1985, pages 23-24) défend lui aussi la lecture littérale du passage contre Yves Denis tenté d'y voir une évocation métaphorique de la ceinture rouge des collines dominant Paris. Il rappelle deux autres textes des Illuminations (Mystique et Villes - Ce sont des villes...) où la mer est ainsi présentée comme "une bande en haut du tableau". 

 

Barbe-Bleue
     Personnage d'un conte de Perrault, que l'on dit inspiré du maréchal Gilles de Rais, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, et auteur de nombreux crimes sur des enfants qui entraînèrent son exécution en 1440. Yves Denis (op.cit. pages1263-1264) y voit un symbole des chefs versaillais (pendant la Commune, le gouvernement officiel avait élu domicile à Versailles, à partir d'où il organisait la contre-révolution avec la bénédiction de l'occupant prussien). Steve Murphy (op. cit. p.142) a découvert une caricature de l'époque représentant Adolphe Thiers, chef du gouvernement de Versailles, armé d'un cimeterre devant une femme assassinée, une autre femme étant pendue derrière lui. Le dessin est accompagné de la légende : "L'Exécutif ou le Barbe-bleue de 1871". Pour ce critique, la preuve est ainsi administrée que c'était en 1872 un véritable lieu commun, dans les milieux socialistes, de désigner les massacreurs de communards sous le nom de Barbe-bleue. 

 

abattoirs :
     Pour Pierre Brunel (op.cit; p.54), le mot doit semble-t-il être pris au sens littéral : "Rimbaud se rappelle en effet l'interdiction divine de répandre le sang, de consommer la chair humaine ou animale. Le retour des étals, des abattoirs, de la pêche, contrevient à cet ordre". Pierre Brunel situe l'enjeu du passage dans un lointain passé mythique et suppose que le texte flétrit le "retour de la cruauté" envers les animaux. Et de citer le passage de la Genèse (IX, 3-6) interdisant à l'homme de manger la viande avec son sang, et aux animaux de manger la chair humaine!
     Yves Denis (op. cit. p. 1264), par contre, cite un extrait du Journal d'un Communard, de Maxime Vuillaume, afin de prouver que le terme abattoirs était communément utilisé à l'époque des Illuminations pour désigner les hauts lieux de la répression, pendant la "semaine sanglante" (du 22 au 28 mai) : "Autour des grands abattoirs - le Luxembourg, l'École Militaire, la caserne Lobau, Mazas, le Parc Monceau, La Roquette, le Père Lachaise, les Buttes-Chaumont - d'autres encore "travaillaient" sourdement, avec moins d'étalage et de gloire, d'innombrables boucheries de minime importance". 

 

cirques :
     Pour Antoine Fongaro (op.cit. 1994 p.89) Rimbaud emploie le mot "cirque" en souvenir des cirques romains où furent sacrifiés les martyrs chrétiens. D'où l'emploi de ce terme pour désigner allusivement les lieux où venaient d'être sacrifiés, en 1871, ces autres martyrs qu'étaient les communards. Yves Denis (op.cit. p.1264), pour son compte, pense que les cirques "ne peuvent être que les églises où l'on entassait les morts et les blessés pendant la bataille.  

                                                                             
     
le sceau de Dieu
:
     Pierre Brunel, op. cit. p.54 commente : "Devant le retour de la cruauté, "le sceau blêmit les fenêtres", comme si le sceau de l'Alliance devenait déjà l'un des sceaux de l'Apocalypse". Pour ce critique, donc, le "sceau de Dieu" du 5° verset est encore l'arc-en-ciel par lequel s'annonçait la nouvelle alliance. Mais c'est aussi en même temps un des sept sceaux qui dans l'Apocalypse retiennent les fléaux préparés par Dieu pour provoquer le châtiment final de l'humanité.
    Yves Denis, op. cit. p.1265 construit une glose en accord avec son interprétation de "cirques" (= églises) : la lumière de l'arc-en-ciel pénètre faiblement ("blêmit") par les vitraux des églises où l'on massacre les communards, apportant au crime la bénédiction de Dieu (comme dans le sonnet de 1870 : Le Mal). Bruno Claisse (op. cit. p.151) rappelle à propos du verbe "blêmit" le poème Les Pauvres à l'église, où le "vitrail" est dit "livide". 

 

le lait
     Conformément à son interprétation du mot "abattoirs", Pierre Brunel entend ici une condamnation par Rimbaud de l'exploitation des animaux : "Pour se nourrir, ne va-t-il pas falloir tuer les animaux (la boucherie, la pêche, les abattoirs, le sang, les barques) ou les exploiter (le lait)? " op. cit. p.48.
     La plupart des commentateurs rappellent à ce propos l'utilisation fréquente du mot "lait", avec une valeur emphatique, dans la symbolique mythique ou religieuse, souvent associé au miel ("ruisseaux de lait et de miel"). Symboles de pureté, de fécondité, de douceur. Certains envisagent la glose : on tua femmes et enfants (notamment Yves Denis, op. cit. p. 1264). D'autres élaborent des exégèses plus complexes (voir notamment Bruno Claisse (op. cit. p.151). 

 

castors :
     Tous les commentaires s'accordent sur la valeur allégorique - classique - de cette espèce animale : les castors sont des bâtisseurs. Rimbaud signifie donc ici que les hommes ont entrepris de construire de nouvelles maisons. 
     Les partisans de l'interprétation communarde voient là malgré tout une allusion plus contemporaine : le second Empire, sous l'impulsion du baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, a développé une politique de grands travaux d'architecture et d'urbanisme qui transformèrent Paris. Cette modernisation de la capitale s'accompagna d'une frénétique spéculation immobilière, dénoncée par les milieux d'opposition et par la littérature (Zola : La curée). Steve Murphy a d'ailleurs retrouvé et publié (op. cit. p.140) une caricature de l'époque (dans la série célèbre de Hadol La Ménagerie impériale) représentant le Baron Haussmann en un castor à la taille monstrueuse, aux griffes menaçantes. 

 

la grande maison de vitres :
     Pour Yves Denis, c'est l'école. "Vue de l'extérieur, elle frappe les petits par le nombre de ses fenêtres; et à l'intérieur, elle est l'enclos surveillé où l'enfant, derrière les vitres qui l'isolent de l'univers des adultes, s'applique et rêve à la découverte du monde" (op.cit. p.1265).
     Pierre Brunel (op. cit. pages 44 et 48) met surtout l'accent sur le caractère fantastique de cette maison toute de verre, création utopique qui semble née des eaux du déluge ("encore ruisselante"). 

 

Les enfants en deuil
     Pour Pierre Brunel (op. cit. pages 44) les enfants ont perdu leurs parents dans le déluge. Le monde semble donc se reconstruire à partir d'une "humanité enfante", contrairement à ce qui se produit dans le récit biblique. Il y reconnaît la valeur (de pureté) que Rimbaud accorde toujours à l'enfance. 
    Pour Yves Denis (op.cit. p.1265) les enfants sont en deuil de leurs parents assassinés. 

 

les merveilleuses images 
      Les commentaires hésitent en général entre deux solutions sensiblement différentes. Pour les uns : ce que les enfants voient à travers les vitres, le renouveau de la vie, tout ce qui précède (Brunel, op.cit. p.44). Pour les autres : les mensonges que la société apprend aux enfants, les images pieuses, la confiance naïve dans le Progrès, la mièvrerie poétique, les jolies images des livres pour enfants qui embellissent la vie, etc... (Denis, op. cit. p.1265). 

 

Une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses bras
    Peu de divergences sur ce passage : tous les commentateurs analysent ici une mise en scène de Rimbaud par lui-même; la plupart signalent la confrontation à faire avec Aube : pouvoirs magiques de l'enfant, prise de possession de l'espace ... 


     
 Madame***  : 
     Tous les commentateurs sont d'accord pour voir dans cette Madame *** une allégorie du snobisme bourgeois. Pierre Brunel évoque ce "piano mondain artificiellement établi par Madame*** dans les Alpes (op. cit. p.57). Bruno Claisse (op. cit. p.150) analyse les trois croix de Madame *** comme un pastiche des potins mondains, ces articles révélant dans les journaux les rumeurs croustillantes agitant le Tout-Paris. Les trois croix y étaient en effet habituelles, affichant une feinte discrétion pour couvrir de respectabilité bourgeoise un exercice journalistique fondé en réalité sur l'indiscrétion et le viol de la vie privée. 
     Suzanne Bernard, dans son édition des Classiques Garnier, p.480 (1961), écrivait : "Je me demande si l'idée du piano n'a pu être suggérée à Rimbaud par la lecture de Madame Bovary (II,2) ..." Antoine Fongaro (op.cit. 1985, p.28) reprend cette thèse de façon plus affirmative : "Il n'y a, selon moi, aucun doute, écrit-il; cette Madame *** qui "établit un piano dans les Alpes" dans Après le Déluge, c'est Madame Bovary, c'est Emma en tant qu'elle représente toutes les petites bourgeoises romantiques du monde, celle à qui le clerc de notaire Léon déclare : "J'ai un cousin qui a voyagé en Suisse l'année dernière et qui me disait qu'on ne peut se figurer la poésie des lacs, le charme des cascades, l'effet gigantesque des glaciers (...). Ces spectacles doivent enthousiasmer, disposer à la prière, à l'extase! Aussi je ne m'étonne plus de ce musicien célèbre qui, pour exciter mieux son imagination, avait coutume d'aller jouer du piano devant quelque site imposant"." 

 

Et le Splendide-hôtel fut bâti dans le chaos de glace et de nuit du pôle
     Michael Pakenham (op.cit) raconte la construction et la destruction par le feu d'un hôtel de ce nom situé à Paris, à l'angle de l'Avenue de l'Opéra et de la Rue de la Paix. Cet hôtel de grand luxe recevant notamment une clientèle britannique avait été construit en 1864. Sa disparition dans un incendie, en 1872 fit grand bruit. 
     Sergio Sacchi illustre un courant critique qui conteste l'interprétation allégorique du poème : "L'allégorie ne peut pas vraiment lire le texte qu'elle affronte, puisqu'elle se doit (statutairement) de le remplacer par un autre texte, plus essentiel" (p.50). Pour lui, il faut accepter que le poème ne soit qu'une succession sans trame narrative de "merveilleuses images", "fragments du spectacle universel", réalisant une "véritable transfiguration des choses", expulsant du réel le temps qui "entraîne toute chose dans un mouvement invincible de dégénérescence" et renvoyant in fine à la façon naïve dont les enfants regardent le monde sans en comprendre toujours le sens. Il regrette notamment que la lecture allégorique "politique" du poème tende à privilégier la charge satirique des "tableautins" qui se succèdent dans le poème au détriment de leur valeur lyrique. Cette démarche de Sergio Sacchi se concrétise ainsi concernant le passage qui nous intéresse : "Le Splendide Hôtel  du verset suivant, bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle, pourrait être également [dans le cadre d'une interprétation allégorique] une pointe dirigée contre le dynamisme obtus d'une bourgeoisie qui exporte partout et toujours, aveuglément, son modèle d'existence [...]. Et pourtant, lisons aussi l'image en elle-même - union vertigineuse des contraires, où le Splendide Hôtel s'oppose à la nuit par sa luminosité, au chaos par l'ordre luxueux qu'il évoque -, en faisant surgir de ce chaos et de cette nuit l'éclat d'une lumière fantastique. Cette image est-elle donc vraiment et uniquement polémique, caricaturale?" (op. cit. p.43)

 


Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de thym, -- et les églogues en sabots grognant dans le verger
     Antoine Fongaro est revenu à plusieurs reprises sur l'analyse de cette phrase, et notamment sur "les chacals piaulant". Voir ses ouvrages de 1985 page 22, 1989 : pages 49-50 et de 1994 : pages 38-40 et 93-97. 
     Il écrit (op. cit. 1994, page 93) : "Il y a donc dans "les chacals piaulant" une satire d'un résidu du romantisme". De la même façon les églogues sont ridiculisées par le verbe "grognant" (c'est le cochon, sale et vorace, qui grogne) et par le complément "en sabots" marque de grossièreté." 
     Il considère que le thème unificateur du verset 11 est la problématique littéraire après la Commune : "Du point de vue littéraire (c'est bien de littérature qu'il s'agit dans le verset 11) les chacals constituent le symbole d'une forme de poésie qui fait sa réapparition "après le Déluge", c'est à dire après la Commune. L'autre forme de poésie qui revit "après le Déluge" est l'églogue. De même que Rimbaud raille l'églogue qui ne sait plus que grogner dans le verger, il raille le chacal, bête féroce et dégénérée, espèce de chien, qui ne sait plus que piauler, c'est à dire pousser des cris plaintifs, dans les "déserts de thym". Ces derniers paraissent s'opposer aux cités populeuses où les chacals n'ont pas le courage d'entrer; ils symbolisent l'acceptation de l'impuissance réelle de la part des poètes, qui se limitent à gémir et se plaindre dans le vide et la solitude au lieu d'agir au milieu des hommes" (op. cit. 1994, page 95). 
     Yves Denis (op.cit. page 1270) voit dans les chacals une allégorie des voyous de banlieue : "le Chacal me paraît représenter le Voleur et l'Escarpe, produits vénéneux, mais naturels, d'une société fondée sur la force et sur le vol légalisé".    

 

Eucharis
     Allusion très probable au personnage portant ce nom dans le Télémaque de Fénelon (1699), dont la lecture et l'étude détaillée ont longtemps fait partie du programme des classes de collège. Télémaque, le fils d’UIysse, a quitté sa mère Pénélope et l'île d’Ithaque, dont il est le Prince héritier, pour aller à la recherche de son père en compagnie de son tuteur Mentor. Il aborde dans l’île où règne la déesse Calypso et s’éprend de la nymphe Eucharis. Devant la déesse Calypso, furieuse et jalouse, Télémaque avoue sans retenue son amour pour la nymphe Eucharis. Dans sa folie, il va jusqu'à refuser de quitter l'île et s'apprête à laisser Mentor poursuivre seul la recherche d'Ulysse. Mais Minerve, sous les traits de Mentor, parvient à l’arracher à cette dangereuse passion, en le précipitant dans la mer du haut d'un rocher.
     Plusieurs commentateurs signalent que ce nom, par son étymologie, signifie : Grâce.
     Dans une note de son édition de 1986 chez GF, Jean-Luc Steinmetz propose cette interprétation : "Avec le retour d'Eucharis, Rimbaud voit se reconstituer la "belle poésie", celle des idylles dont il s'est moqué dans Mes petites amoureuses (après y avoir consenti dans ses premiers poèmes). La réapparition d'Eucharis marque un comble et provoque l'appel conjuratoire du poète féroce."
      Yves Denis (op.cit. page 1271) écrit : "Ici, pour la première fois, Rimbaud entre personnellement dans son poème. (...) Qui donc est cet(te) Eucharis, porteur de grâce? - La nymphe de Calypso, qui symboliserait la beauté et l'amour? ... Un être de chair que Rimbaud a connu? ... Il est difficile de se prononcer. Pourtant j'incline à croire qu'il s'agit de Germain Nouveau, dont on sait par Richepin qu'Arthur l'"enleva", et qu'il passa le printemps de 1874 à Londres en compagnie de Rimbaud." 

 

Eaux et tristesses
     La plupart des commentateurs rappellent ici le goût de Rimbaud pour une métaphore héritée de Victor Hugo (et probablement de plus loin encore) fondée sur la comparaison entre l'eau de la mer (Enfance II) ou de la rivière (Mémoire) et les larmes : "Les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une éternité de chaudes larmes" (Enfance II). 

 


 

Commentaire

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Première lecture

     Après le Déluge se présente sous la forme de courts alinéas, au nombre de treize, ne contenant jamais plus de deux phrases. La première phrase du texte, même, est répartie sur deux alinéas. Il est donc difficile de les considérer comme des "paragraphes" au sens habituel du terme (nous verrons cependant qu'on peut déceler dans chacun d'entre eux une véritable unité de sens). On appelle parfois "versets" ce genre de petits "paragraphes" de prose poétique tendant à imiter les versets numérotés des grands livres sacrés (la Bible, le Coran ...). Michel Murat, qui préfère le terme "alinéa", fait remarquer dans son Art de Rimbaud (José Corti, 2002, pages 314-318) la valeur rythmique des alinéas de ce poème, conséquence du retour périodique d'une même structure binaire : 

     Un lièvre s'arrêta [...] et dit sa prière [...]    
     [...] les pierres précieuses qui se cachaient, les fleurs qui regardaient [...] 
     [...] les étals se dressèrent, et l'on tira les barques [...] 
     Le sang coula [...]. Le sang et le lait coulèrent.
     Les castors bâtirent. Les "mazagrans" fumèrent  [...] 
     Une porte claqua, et [...] l'enfant tourna ses bras [...] 

    
À partir de ce "schéma binaire à membres parallèles, utilisé comme forme de base", le paragraphe s'amplifie, "le second membre variant le premier en le développant (c'est le cas le plus fréquent), ou au contraire le récapitulant dans une sorte de clausule" (Michel Murat).

     Cas n°1 : Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures (le second membre de phrase détaille la description et la développe au delà du groupe sujet-verbe-complément, jusqu'aux dimensions d'un petit tableau).

     Cas n°2 : Le sang coula, chez Barbe-Bleue, aux abattoirs, dans les cirques, où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent (c'est la première phrase du paragraphe qui assure la variation du thème central par l'adjonction du groupe ternaire des circonstanciels de lieu, dont le dernier est encore prolongé d'une relative introduite par "où"; la seconde phrase n'est qu'une reprise jouant le rôle d'une brève formule conclusive ou clausule).

     Le texte offre l'apparence extérieure d'un récit : les verbes sont en général au passé simple, les actions sont données comme successives jusqu'au verset n°12 où le narrateur prend la parole (apparition de la première personne à la fin du verset n°11 : "Eucharis me dit"). Une trame principale est perceptible dès la première lecture, celle qui est annoncée par le titre : le texte énumère une série d'événements qui ont suivi le Déluge, ce qui justifie à la rigueur un certain éclatement du récit. On peut identifier d'emblée quelques-uns de ces événements : retour aux activités d'avant le déluge (la pêche, le commerce, l'abattage des animaux, la construction de maisons); retour de la violence ("le sang coula"). Une idée d'ensemble se dégage : le mal se réinstalle dans le monde. Dans son discours final, le narrateur appelle de ses voeux de nouveaux déluges ("montez et relevez les déluges"), car pour lui le Déluge a été inutile et il faut tout recommencer. Voilà qui pourrait ressembler à la moralité finale d'une fable. 

     Mais cette moralité reste bien abstraite et générale, en l'absence d'une compréhension plus précise de l'histoire qui l'illustre et la justifie. Or, cette histoire nous semble le plus souvent fort énigmatique. Le titre annonce le thème biblique du Déluge, mais les protagonistes traditionnels de cet épisode de la Genèse, Noé et son Arche, sa femme  et ses fils, les nouveaux hommes premiers échantillons d'une humanité régénérée , en sont absents. Les personnages apparaissant dans le texte sont disparates et anachroniques : Barbe-Bleue, une Sorcière, une certaine Madame***, une certaine Eucharis, des enfants, un enfant; quelques éléments inanimés personnifiés : les pierres précieuses, les fleurs, la Lune; des animaux :un lièvre, des castors, des chacals. Tout au plus reconnaît-on dans ce bric-à-brac quelques ingrédients évoquant la tonalité merveilleuse et le "personnel" traditionnel des contes et des fables. Les phrases s'enchaînent mal les unes aux autres : jamais deux phrases successives ne se réfèrent à un même lieu, jamais non plus à un même personnage, jamais une même action ne se poursuit d'une phrase sur l'autre. Rares sont les indicateurs de temps permettant de préciser la chronologie ("depuis lors", "depuis qu'ils se sont dissipés" 11° et 13° alinéas se contentent de reprendre l'incipit; à quoi il faut ajouter "puis" au milieu du 11° alinéa). A la première lecture, le texte paraît insolite et plutôt incohérent.
 
    Donc, si ce poème a un sens, et il DOIT en avoir un, ce ne peut être qu'un sens symbolique. Nous avons affaire à un texte volontairement hermétique, fonctionnant comme une devinette. Les mystérieux personnages (ou, mieux dit, les "actants") qui s'y manifestent en sont comme l'alphabet secret : ce sont des allégories dont nous devons tenter de trouver la clé. Tel est le défi qu'il nous faut relever, vaillamment mais modestement, sûrs que nous sommes par avance de l'extrême subjectivité et fragilité des solutions que nous mettrons en oeuvre pour pouvoir seulement "lire" le texte. Au sens le plus élémentaire du verbe "lire". Pour cette étude, nous utiliserons les outils dont nous disposons : la recherche du sens précis des mots du texte (le dictionnaire, tout simplement); notre connaissance de la vie et surtout de l'oeuvre de Rimbaud (intertextualité interne); notre culture littéraire, car Rimbaud puisait dans ses lectures des références, des allusions dont il n'avait pas à préciser le sens parce qu'il les supposait comprises des lecteurs auxquels il s'adressait (intertextualité externe); notre connaissance du contexte historique; mais aussi notre sensibilité et notre imagination.

 

Deuxième lecture

1° alinéa : l'idée du Déluge.
     Confirmant le titre du poème, le premier verset situe le début du récit au moment où se calme la colère divine. Mais il est intéressant d'analyser en détail les mots inattendus choisis par Rimbaud pour exprimer cette idée toute simple. Le verbe "se rasseoir" signifie littéralement "s'asseoir à nouveau". Pris au sens figuré, il exprime une idée de lassitude ou de résignation. On est proche du sens de l'adjectif "rassis". Un esprit "rassis" est un esprit réfléchi, calme ou plutôt devenu calme, calmé. Il y a dans "rassis" l'idée d'une sagesse conquise avec le temps ou due à l'usure. N'oublions pas qu'un pain rassis est un pain qui a vieilli. Par ailleurs, pourquoi dire "l'idée du déluge" au lieu de parler du déluge tout court? Sans doute pour indiquer au lecteur que l'important ici n'est pas le fait mais l'idée, pas l'anecdote du Déluge telle qu'elle est racontée par la Bible et bien d'autres récits mythologiques, mais l'idée universelle que ces récits illustrent : l'idée de la Révolte. Le Déluge est l'archétype de la table rase, de la négation du passé. C'est la destruction pure, simple et totale du vieux monde, dans l'espoir d'une régénération des hommes et d'une refondation de la société. Dans la littérature du XIX° siècle, l'idée et le mot du Déluge sont constamment mobilisés pour désigner métaphoriquement l'activité révolutionnaire grandissante des masses ouvrières et les nombreuses révolutions (1789, 1830, 1848, 1871). Au moment où Rimbaud écrit ce texte (entre 1873 et 1875), la France vient de connaître la plus radicale explosion révolutionnaire de toute son histoire : la Commune de Paris, et la plus sanglante répression (20 000 morts). La sympathie du poète pour ceux qu'on appelait les Communards est bien connue. A Londres, où il séjourne à quatre reprises dans ces années-là, Rimbaud vit dans un milieu d'exilés communards qui ont trouvé refuge en Angleterre. Il ne fait aucun doute que lorsqu'il emploie le terme généralisant : "l'idée du Déluge", il pense à tous les déluges révolutionnaires, à toutes les révoltes individuelles et collectives, dont le mythe archaïque du Déluge est l'archétype. Nous pourrions donc paraphraser ce début de texte de la façon suivante : lorsque l'esprit de révolte se fut épuisé (dans le cœur du Tout-Puissant aussi bien que dans Paris insurgé) ...

2° alinéa : Superstition.
    
Le premier verset ne contenait qu'une proposition subordonnée, détachée par l'alinéa en raison de son importance sémantique, que nous venons d'analyser. Le second amène la proposition principale et lance le récit proprement dit. Rimbaud évoque le recommencement de la vie par une de ces "merveilleuses images" dont nous entendrons reparler dans le 7° verset. Image d'aube campagnarde : les clochettes, le sainfoin, la sortie matinale d'un lièvre, la toile d'araignée; et de fin d'orage : l'arc-en-ciel. Mais en filigrane de ce tableau naïf, un ensemble cohérent de connotations religieuses confère à ce second verset une signification satirique. Comme dans les fables de La Fontaine, les animaux de Rimbaud sont des personnages allégoriques : par sa physionomie qui lui donne l'apparence d'un homme en prière lorsqu'il est dressé sur ses pattes arrières, le lièvre incarne la foi naïve; Rimbaud le décrit faisant "sa prière à l'arc en ciel". Sans doute remercie-t-il le Dieu des lièvres d'avoir mis fin à la tempête et de lui accorder son saint-foin ("sainfoin") quotidien. L'arc-en-ciel est dans la Bible le signe de l'Alliance entre Dieu et les Hommes. Cette alliance, pour Rimbaud, équivaut à une soumission, ce que suggère la toile d'araignée, métaphore hugolienne traditionnelle du piège et de l'obscurité, allégorie possible de l'Église étendant ses ramifications dans le monde. Le lièvre fait sa prière "à travers la toile d'araignée". Avec le caractère craintif que lui attribue la tradition, il est le symbole du croyant crédule et soumis, craignant Dieu et ses prêtres. Si, comme il est vraisemblable, se superposent dans l'esprit de Rimbaud la fin du déluge mythique et l'écrasement final du déluge révolutionnaire qui vient de déferler sur la France, celui de la Commune, le lièvre pourrait fort bien incarner aussi le bourgeois calotin effrayé par "les événements", remerciant le Dieu des bourgeois d'avoir mis un terme à la fureur des flots populaires. Traduisons : lorsque l'idée du Déluge se fut rassise, la superstition fit sa réapparition, plus forte que jamais, dans l'esprit des hommes.

3° alinéa : Séparation.
     Au commencement fut donc la superstition. Et simultanément se produisit pour l'homme l'originelle et tragique séparation d'avec l'Essentiel, l'Absolu, la Nature dans sa vérité première, ou quelque autre appellation qu'on voudra lui donner : "Oh les pierres précieuses qui se cachaient". Les "pierres précieuses" désignent ce à quoi l'Homme n'a pas accès parce que Dieu, ou les dieux, ou la sorcière (alinéa 13), ou son essentielle incomplétude le lui cachent. Motif prométhéen, expression d'une révolte métaphysique contre les limites du pouvoir humain qui, chez les poètes, se décline volontiers sous le thème de l'inaccessible Beauté. Ce troisième verset est divisé en deux par un tiret, auquel il faut donner un sens d'opposition : pendant que les pierres précieuses se cachaient, les fleurs - elles - "regardaient déjà". Autrement dit, elles s'ouvrent, et s'offrent au regard des hommes. Les fleurs, ce thème poétique par excellence, apparaissent donc comme ce qui se manifeste à l'homme au moment même où l'essentiel lui échappe, elles symbolisent l'artifice, l'apparence, le mensonge; elles sont la mièvrerie poétique, la part mauvaise du romantisme, le contraire de la "voyance". Cette séparation entre fausse et vraie poésie n'est pas uniquement pour Rimbaud un motif métaphysique : elle correspond à une expérience vécue. On connaît son poème : "Ce qu'on dit au poète à propos de fleurs", adressé à Théodore de Banville, acte de rupture avec la poésie parnassienne attestant la volonté d'inventer un nouveau style poétique, insolite et inventif, conformément au programme fixé par la "lettre du voyant". Cette séparation est aussi celle qui survient après la Commune de Paris à l'intérieur du cercle des poètes parisiens (les "Vilains Bonshommes") entre ceux qui, comme Verlaine et Rimbaud, ont choisi le camp de la Commune et vont se retrouver dans le "Cercle zutique" et ceux qui ont adopté une position lâche ou réactionnaire. Pour Rimbaud, choix poétiques et choix politiques vont de pair. Traduisons : lorsque l'idée du Déluge se fut rassise, la fausse poésie triompha et la véritable dut s'enfouir dans le secret de la terre.

4° alinéa : Civilisation.
    
Encore une "merveilleuse image", pour décrire la remise en marche des affaires des hommes : le commerce, la pêche. La rue porte encore les traces de l'inondation (la boue). La mer s'est retirée mais elle apparaît encore dominant le paysage "comme sur les gravures". Rimbaud évoque ces dessins naïfs qui ne connaissent pas les techniques de la perspective, et qui représentent la mer comme "une bande en haut du tableau" (Mystique, dans Illuminations). On se rappelle ce passage d'Alchimie du verbe, dans Une saison en enfer, où Rimbaud écrit : "J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires; la littérature démodée, latin d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules, contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains niais, rhythmes naïfs." C'est bien à une toile de théâtre, ou à une de ces "enluminures" ornant les "petits livres de l'enfance", que ressemble le décor choisi par Rimbaud pour évoquer la reprise des activités humaines à la fin du Déluge. Mais aussi sans doute, le retour à l'ordre, après la Commune. Sous la mignardise de l'image, en effet, on sent toujours présente l'inlassable productivité allégorique de l'écriture rimbaldienne. Les deux métiers choisis illustrent les piliers de notre civilisation : travail et commerce, exploitation de la nature et profit économique. La satire est imperceptible, mais nous sommes obligés de lire le texte avec ce que nous savons par ailleurs de la personnalité de son auteur et en tenant compte du contexte, notamment de la phrase suivante, où la tonalité satirique explose.     

5° alinéa : Répressions.
    
Avec la civilisation revint la violence criminelle ("le sang coula"), résumée dans la figure de Barbe-bleue, ogre parmi les ogres, personnage généralement associé au souvenir de Gilles de Rais, maréchal de France, massacreur de femmes et dévoreur de petits enfants. Mais, à l'époque de Rimbaud, on pouvait trouver dans les journaux, caricaturé en Barbe-bleue moderne, celui qu'on appelait le "tombeur de la Commune" : Adolphe Thiers. A la suite de cette allégorie, Rimbaud développe l'idée de la violence par le mot "abattoirs" qui évoque simultanément l'abattage des bêtes (violence éternelle) et les lieux où, pendant la bien nommée "Semaine sanglante", on exécutait en masse les communards (violence actuelle); puis, par le mot "cirques" qui évoque à la fois les jeux du cirque où les romains martyrisaient hommes et animaux (violence éternelle) et les églises où, pendant la Commune, les Versaillais entassaient leurs prisonniers (violence actuelle). Cette dernière interprétation est suggérée par la proposition relative qui suit : "où le sceau de Dieu blêmit les fenêtres". Cette expression rappelle en effet un vers de Rimbaud (dans Les Pauvres à l'église) décrivant un Crucifix "Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide". Ici, peut-on croire, la lumière de l'arc-en-ciel ("le sceau de Dieu"), diffusant à travers les vitraux des églises sa pâle lumière, favorise ou tout au moins tolère les crimes que l'on y commet en son nom. On pense aussi à l'indifférence de Dieu aux victimes de la guerre dans le poème Le Mal. Il est difficile de doter d'un sens bien précis la reprise finale : "le sang et le lait coulèrent". Le lait est sans doute pour Rimbaud un symbole polysémique : innocence, fécondité, féminité.

6° alinéa : (Re)construction.
    
Avec la fin du déluge vint aussi le temps de la reconstruction : les ouvriers du bâtiment se mirent à la tâche, incarnés par l'animal emblématique de leur art : le castor. Dans ce sixième verset encore, il est possible de discerner la superposition d'une fable à caractère général (une sorte de réécriture du mythe du Déluge) et d'une allégorie plus actuelle. Le second Empire, sous l'impulsion du baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, a développé une politique de grands travaux d'architecture et d'urbanisme qui transformèrent Paris. Cette modernisation de la capitale s'accompagna d'une frénétique spéculation immobilière, dénoncée par les milieux d'opposition et par la littérature (Zola : La Curée). On a d'ailleurs retrouvé une caricature de l'époque représentant le Baron Haussmann en un castor à la taille monstrueuse, aux griffes menaçantes. 
     Jusqu'ici, nous avons toujours trouvé une unité thématique dans les versets analysés. En est-il encore de même ici ? Peut-être, de façon plus indirecte : les estaminets sont les petits cafés populaires où les ouvriers (du bâtiment entre autres) vont boire leurs "mazagrans", cafés arrosés d'eau de vie qui rappellent par leur nom les guerres coloniales du XIX° siècle (l'origine de cette appellation est le nom d'un village algérien où les troupes coloniales françaises accomplirent un de leurs exploits en 1840). Peut-être l'allusion n'est-elle pas involontaire, dans cet inventaire masqué des tares de l'humanité.

7° alinéa : Illusions.
  
   Cet univers issu du déluge, que l'on croyait nouveau mais qui retombe en réalité dans toutes les turpitudes du passé, des yeux sont là qui le regardent. Comme toujours, et en tous lieux, il y a des enfants qui observent et qui commencent à juger le monde que les adultes leur ont légué. Les adultes ne sont plus là : les enfants sont en deuil; sans doute parce que leurs parents ont péri dans le Déluge, peut-être aussi parce qu'ils ont été assassinés par les Versaillais. Mais surtout : parce que les parents - et plus spécialement, pour Rimbaud, les pères - ne sont jamais là lorsqu'il s'agit de répondre aux questions que les enfants se posent. Tous les enfants sont orphelins. Ils regardent le monde à travers une vitre, car ils habitent une "maison de vitres". Il n'est pas utile de chercher une référence réaliste derrière cette expression qui est avant tout une belle allégorie de l'enfance. On dira si l'on veut que c'est la maison familiale, ou l'école aux larges baies. Ces parois de verre protègent les enfants de l'extérieur (elles sont "encore ruisselante(s)" de la tempête) mais elles les enferment aussi dans un cocon qui les sépare du réel. Les enfants ne connaissent ce réel que par les "merveilleuses images" qu'on leur en montre : illustrations des livres et catéchismes, représentations embellies des contes et des poèmes, d'où proviennent aussi d'ailleurs ces images d'après le déluge qui défilent devant nous depuis le début du texte. Mais, comme nous l'avons bien compris, les "merveilleuses images" sont trompeuses et cachent souvent d'atroces réalités. Ce septième alinéa dénonce les illusions dans lesquelles on entretient l'enfance des hommes.

8° alinéa : Évasion.
     Cependant, il arrive qu'un enfant "claque la porte" de sa maison de verre. Maintenant, il est décidé à affronter la vie, dont l'épineuse et toutefois fascinante réalité est symbolisée par une "éclatante giboulée" printanière. Le 8° alinéa met en scène un départ. Un départ qui est aussi un envol, suggéré par le geste des bras et par le mouvement ascensionnel qui emporte l'image vers les "girouettes" et "les coqs de clocher de partout". Le complément de lieu ("de partout") ajoute à l'idée d'envol celle d'une extension indéfinie des horizons qui s'ouvrent maintenant pour l'enfant. Ce motif rappelle beaucoup cette autre prose des Illuminations intitulée Aube. Comme dans ce dernier texte, on voit l'enfant déployer ses bras et prendre possession de l'espace pour y exercer ses pouvoirs magiques. Dans Aube,  il s'agit d'enlever un à un les voiles de "la déesse" : l'enfant se découvre le pouvoir de faire lever le jour. Ici, il se découvre une mystérieuse complicité avec les "girouettes" et les "coqs des clochers de partout". Cette intelligence secrète avec la nature ou les objets inanimés est le privilège des poètes, grâce à leurs facultés d'imagination et de création. Nul doute qu'ici comme dans Aube, ce poète est Rimbaud lui-même. Il n'est pas nécessaire d'accorder à ce récit d'évasion une signification étroitement autobiographique. Mais ce n'est pas interdit non plus, vu l'usage que le Poète lui même fait volontiers de sa propre légende (cf. par exemple l'allusion à l'auberge verte dans Comédie de la soif). La porte qui claque devient alors celle d'une certaine maison de Charleville. Ce "printemps" est peut-être celui de 1870 où Rimbaud commence la rédaction du Recueil de Douai, bientôt suivie de sa première fugue. Ou encore cet autre printemps de 1871, année de la Commune, où il décide de ne plus jamais retourner au collège, où il fugue pour la troisième fois en direction de Paris, où il rédige - dit-on - un "projet de constitution communiste" et où il écrit "Merde à Dieu", à la craie, sur les bancs verts du square de Charleville. 

9° alinéa : Mystifications.
    
L'enfant, quoiqu'il en soit, a tout loisir d'observer maintenant la société qui l'entoure. Le 9° et le 10° alinéas sont consacrés à une satire des mœurs bourgeoises. Deux thèmes distincts sont abordés par ce 9° verset. 
     La première phrase semble épingler le romantisme conventionnel et, plus précisément sans doute, le bovarysme. Il est possible que sa Madame ***, qui se donne le ridicule de transporter son piano dans les Alpes pour y élever son âme, soit la Madame Bovary de Flaubert, archétype de la petite-bourgeoise romanesque (voir rubrique "interprétations"). Admirable trouvaille que cette phrase lapidaire, qui semble mimer une locution comme "bâtir des châteaux en Espagne" ! Admirables, le choix du verbe "établir" qui laisse imaginer toute une expédition, le télescopage insolite de ses deux substantifs ("Alpes" et "piano") qui génère un véritable gag surréaliste avant la lettre, et les trois petites étoiles de Madame *** parodiant malicieusement la fausse discrétion des potins mondains !
     La deuxième phrase est une charge anti-cléricale qui rappelle le poème de 1871 intitulé Premières communions. On peut y voir le monde prendre les proportions d'une immense cathédrale, où se célèbrent partout la messe et les premières communions, vision d'épouvante traduite par l'hyperbole des "cent mille autels". La valeur dépréciative du passage n'est pas du tout inscrite dans la littéralité de la phrase, qui pourrait parfaitement être interprétée dans un autre contexte comme une description épique et positive du triomphe de la foi. Mais le sens ironique ressort à la fois de ce que nous avons compris dans le reste du poème et de ce que nous savons de l'œuvre de Rimbaud : il s'agit d'une critique de la mystification religieuse. 
     Au total, nous pouvons trouver dans ce verset une certaine unité : la dénonciation du faux idéalisme bourgeois, qui se manifeste aussi bien dans le domaine de l'art que dans celui de la religion.

10° alinéa : Expéditions.
   
Une autre caractéristique du bourgeois : le sens du commerce et la volonté d'étendre sa zone d'influence aux lointaines contrées du monde. C'est pourquoi, "aussitôt que l'idée du déluge se fut rassise", "les caravanes partirent". Les caravanes évoquent les anciennes routes commerciales, la "route de la soie", les chameaux traversant les déserts. Mais elles peuvent désigner aussi les opérations militaro-financières de la 3° République, qui n'attendirent pas longtemps pour se développer, notamment en Afrique du nord, aussitôt après que la Commune eut été démantelée. Un autre poème des Illuminations, Mouvement, évoque non sans ironie un paquebot transportant des colons, ces nouveaux "conquérants du monde", vers des pays lointains.
    
Parallèlement à l'expansion coloniale se développa en occident la fascination de l'exotisme et du tourisme de luxe. Ce thème est souvent présent dans les Illuminations . Promontoire, par exemple, est la description de deux palaces modernes réservés au luxe cosmopolite. Nous retrouvons exactement ce thème dans la deuxième phrase du verset n°10. Un palace pour millionnaires anglais, portant le nom de Splendide Hôtel avait été construit à Paris en 1864 et fut détruit dans un incendie en 1872. C'est ce nom que choisit Rimbaud - petit clin d'œil aux lecteurs de l'époque - pour l'Hôtel qu'il imagine de construire "dans le chaos de glaces et de nuit du pôle", c'est à dire en plein pôle nord. Façon de raillerie à l'égard du goût contemporain pour les expéditions exotiques. Comme pour le piano alpin de Madame Bovary soulignons la cocasserie de l'idée, mise en valeur par le contraste stylistique entre la platitude hyperbolique du nom de l'hôtel (Splendide) et la réellement splendide métaphore qui l'accompagne (le "chaos de glace et de nuit"). 
     
 
11° alinéa : Inversion.
    
Cet alinéa n'a reçu à notre connaissance aucune interprétation convaincante. C'est donc avec une pleine conscience de l'extrême difficulté, et en avertissant le lecteur, que nous risquons la nôtre.
    
L'enfant a grandi, peut-être. En tout cas, le thème unificateur de ce verset paraît être celui de l'amour. Plusieurs indices attirent l'exégèse dans cette direction : la seconde phrase tout entière, avec Eucharis (la nymphe aimée de Télémaque) et l'expression : "c'était le printemps"; dans la première phrase, la présence du mot "églogue" : une églogue est un genre de poésie amoureuse naïve prenant pour héros des bergers et des bergères (synonyme de pastorale).
    Envisageons d'abord le début de la première phrase : "Depuis lors, la Lune entendit ... " Il s'agit d'une évocation nocturne, d'un clair de lune, poncif de la littérature amoureuse romantique. 
     Notons ensuite l'absolue symétrie syntaxique de la phrase : un unique groupe sujet-verbe ("la Lune entendit") commandant deux groupes grammaticaux compléments d'objet direct à la construction rigoureusement parallèle (nom + participe présent + complément de lieu). Remarquons aussi que les deux groupes sont séparés par un tiret, ce qui tend à les situer en opposition. Qui peuvent être ces "chacals piaulant (au clair de lune) par les déserts de thym"? Et qui, ou quoi, ces "églogues en sabot grognant (au clair de lune) dans le verger"?
    Le second de ces compléments est le plus clair : les compléments "en sabots" et "dans le verger" confirment le sens bucolique du mot "églogue". Le verbe "grogne" indique sans hésitation possible la tonalité satirique du passage : Rimbaud se moque des amours prosaïques ("en sabots") et quelque peu bestiales ("grogne" évoque tout à fait le cochon). On connaît par ailleurs la mièvrerie du genre pastoral. 
   
Dans le premier complément, le verbe "piauler" s'oppose par son sens au verbe "grogner" : "piauler" se dit d'un animal qui pousse des cris aigus et plaintifs. Poursuivons la méthode des allégories animales, à la manière de La Fontaine, utilisée plus haut pour le lièvre et les castors : de quel type d'humains le verbe piauler pourrait-il fournir l'allégorie ? À l'amour prosaïque oppose-t-il le crime vulgaire, comme pourrait le faire penser le rapprochement avec Ville qui, après avoir évoqué l'"amour désespéré", se termine sur le syntagme : "
et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue". C'est la solution proposée par Yves Denis. Antoine Fongaro voit par contre dans ce passage une allusion littéraire. Si nous le suivions, en nous appuyant sur le contexte amoureux de la phrase, nous pourrions voir dans ce "chacal piaulant" l'amant délaissé exprimant sa souffrance. Rimbaud en outre l'imagine errant dans un "désert de thym" (paysage oriental mais surtout désolé) et le peint sous les traits d'un "chacal", animal mal-aimé s'il en est, sorte de chien du désert doté par la nature d'un jappement pitoyable dont les voyageurs décrivent unanimement l'effet lugubre. Rimbaud pourrait donc se moquer ici de ces héros souffreteux comme les a produits le romantisme, atteints par le "mal du siècle", et qui pleurent leur solitude et leurs déconvenues amoureuses à longueur de poèmes. 
    
La première phrase du 11° verset récuse donc à la fois deux styles poétiques et surtout deux attitudes amoureuses représentant les deux pôles opposés de la conception traditionnelle de l'amour : la sexualité triviale et la passion romantique, malheureuse et sublimée. 
     Un adverbe de temps : "Puis" assure la liaison avec la phrase suivante, ce qui suggère - pour la première fois dans ce texte - une chronologie interne de l'histoire racontée. Peut-être deux étapes d'une initiation amoureuse. Or, c'est aussi à ce moment précis du poème qu'apparaît la première personne du singulier, le "je lyrique" désignant le poète, signe possible d'une implication plus personnelle de l'auteur ("Eucharis me dit").
     Qui est donc Eucharis ? Le nom d'Eucharis constitue certainement  une allusion au personnage portant ce nom dans le Télémaque de Fénelon (1699), dont la lecture et l'étude détaillée ont longtemps fait partie du programme incontournable des classes de collège. Télémaque, fils d'Ulysse, étant parti à la recherche de son père, s'éprend de la nymphe Eucharis, compagne de Calypso, au point d'en oublier toute piété filiale et d'abandonner la mission qui est la sienne. C'est le type de l'amour fou aux effets dévastateurs. Par ailleurs, le décor de cette seconde phrase est tout vibrant de sensualité printanière (l'ombre violette des bois, la végétation bourgeonnante) et le discours d'Eucharis est sans ambiguïté : "c'est le printemps" veut dire : "c'est le temps de l'amour". 
     Tout laisse donc à penser que le narrateur vient de faire la découverte de la véritable passion amoureuse, après avoir été déçu par les deux formes ridicules de l'amour évoquées dans la phrase précédente. Mais quelle est cette passion décisive? Yves Denis propose Germain Nouveau (voir rubrique "interprétations"). Pourquoi pas tout simplement Verlaine, dont la rencontre en août 1871 coïncide avec les lendemains immédiats de la Commune (18 mars-28 mai 1871) ? L'interprétation est certes hasardeuse. Pour la défendre, indiquons toutefois : 1) que ce ne serait pas la première fois que Rimbaud aurait déguisé sa liaison avec Verlaine sous l'apparence d'une relation hétérosexuelle (Vierge folle, etc...); 2) qu'il n'y aurait rien d'illogique à ce que Rimbaud -Télémaque, parti à la recherche d'un père absent, ait cru trouver son Eucharis en Verlaine. Si cette hypothèse était la bonne, il serait intéressant d'interpréter la place occupée par ce verset dans la progression du texte juste avant l'appel final à la table rase. 


12° alinéa : Révolution.
   
  Le verset 12 ne pose que peu de problèmes d'interprétation. Il est surtout remarquable par sa belle facture oratoire, destinée à mimer la montée de la colère parallèle à celle des eaux, l'identification du narrateur aux éléments naturels qu'il commande (verbes à l'impératif), et entraîne à la manière de l'enfant au 8° verset. C'est, plus que tout, une étude rythmique. La phrase est fondée sur une juxtaposition de groupes binaires, dynamisés par des anaphores et des rythmes ascendants (on parle de rythme ascendant, lorsqu'une phrase est composée de groupes grammaticaux de longueurs croissantes). Des tirets marquent plus fortement que ne le feraient des signes de ponctuation ordinaires les scansions principales définies pars l'orateur. 
     "Sourds, étang," : la première proposition est très brève (3 syllabes); le verbe sourdre, qui se dit d'une source, du jaillissement de l'eau hors de la terre ou du roc, fait contraste avec le destinataire de l'apostrophe, l' "étang", qui est une étendue d'eau stagnante. Il s'agit bien sûr d'une allégorie de la passivité, et donc aussi du peuple quand il accepte avec résignation le sort qui lui est réservé, du peuple vaincu au moment de la Commune, qui doit se relever et préparer une nouvelle Révolution. 
     "Écume, roule sur le pont et par dessus les bois;" : le deuxième membre de phrase, plus long que le précédent, est lui-même marqué par un allongement progressif de ses groupes constituants (3/5/6); le "pont" et "les bois" sont peut-être la vision d'un bateau submergé par la houle, l'arche du Déluge; moins vraisemblablement les éléments d'un paysage recouverts par l'inondation.
     " draps noirs et orgues, éclairs et tonnerres, montez et roulez;" : la troisième proposition est séparée en trois sections par les tirets de manière à séparer les quatre apostrophes en deux groupes binaires; le premier de ces groupes développe l'idée de la mort et des destructions dues au déluge, le second propose une image de l'orage; le verbe est lui-même dédoublé : "monter" évoque la montée des eaux, "rouler" évoque les vagues.
     "Eaux et tristesses, montez et relevez les Déluges" : encore un rythme ascendant (5/9); les noms en apposition évoquent le lien de causalité entre le déluge et les "tristesses" qui l'ont provoqué. Rimbaud nous a habitués à cette comparaison entre l'eau de la mer (Enfance II) ou de la rivière (Mémoire) et les larmes. Voir par exemple : "Les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une éternité de chaudes larmes" (Enfance II). Le choix du verbe "relevez", avec sa richesse de sens : remonter, mais aussi se remettre debout, mais aussi prendre la relève, est une idée particulièrement brillante ("relever" semble répondre à "rassise" : Rimbaud joue sur la même ambivalence physique/moral  dans Délires I : "Il relevait les ivrognes dans les rues noires" et dans Génie : "tous les agenouillages anciens et les peines relevés à sa suite"). Le pluriel de "Déluges" s'explique, dès lors qu'on substitue au fait du déluge, comme nous y invite l'incipit du poème, "l'idée du déluge", c'est à dire l'idée de la Révolte, c'est à dire toutes les révoltes concrètes, individuelles et touchant à des domaines différents, englobées dans ce concept à portée générale.
   

13° alinéa : Déréliction.
    
Le dernier verset s'annonce comme la suite logique du discours du narrateur commencé dans le verset précédent. En effet, il est  chose rare dans le texte relié par un connecteur de cause ("car") à la phrase du 12° alinéa. L'auteur va donc justifier son appel au renversement du vieux monde. La répétition, dans une incise, d'une phrase du début du texte (" oh les pierres précieuses s'enfouissant, et les fleurs ouvertes") vise d'abord un effet de "bouclage" : le texte se termine comme il a commencé. On remarque toutefois une infime variation : les fleurs qui "regardaient déjà" sont maintenant "ouvertes", preuve que du temps a passé et que l'"ennui" (au sens baudelairien du terme) s'est installé. Par ailleurs, cette reprise ramène l'idée du "trésor perdu", annonce la Sorcière, détentrice d'un secret qu'elle refuse de révéler, et confirme l'importance accordée par Rimbaud à cette thématique d'ordre métaphysique. La sauvegarde ou le vol du feu est un poncif des mythes et des vieilles légendes. La braise symbolise la Vérité, le secret détenu par les dieux sur la signification de la création. Le pot de terre protégeant son noyau de braise est peut-être une représentation symbolique de la planète. La Sorcière, avec les pouvoirs surnaturels que lui confèrent les contes enfantins, est une des multiples incarnations possibles de l'idée de transcendance.
     Le plus significatif, dans cette morale finale c'est son apparente contradiction interne : en effet, le verset 13 affirme sans discussion possible que les hommes ("nous") ne connaîtront jamais le secret que leur dissimule la Sorcière; et c'est justement pour cette raison ("car") qu'il faudrait que nous nous révoltions. Or, à quoi bon se révolter, si cela même que nous cherchons à atteindre est, à tout jamais, irrémédiablement perdu? Dans cette apparente contradiction réside l'ambiguïté de la révolte rimbaldienne. Comme Sisyphe, l'homme semble être contraint à remonter sans cesse le rocher de la révolte, sans promesse de salut. Nul doute que Rimbaud ait souhaité sincèrement, au moment où il écrit ce texte, une révolution politique et sociale inspirée des thèses anarchistes ou marxistes. Cependant, l'optimisme révolutionnaire semble incapable de contrebalancer dans son for intérieur le sentiment d'une irrémédiable déréliction. 
      Mais faut-il prendre au sérieux cette métaphysique? Le stéréotype enfantin (la "sorcière") choisi par Rimbaud pour décliner le thème du "Manque" indiquerait plutôt de sa part une intention ludique et auto-ironique : frustrer le lecteur d'un dénouement trop clair, le laisser sur une question sans réponse, finir en pirouette, comme il en a l'habitude. 

 

Bilan de lecture :

     Après le Déluge est une forme d'apologue sur le thème de la révolte. Sa morale, sisyphéenne, est simple : révoltons-nous, encore et toujours, et même si le succès est improbable, tant que nous n'aurons pas découvert le secret douloureux qui nous empêche d'être heureux. De la part de Rimbaud, ce discours n'est pas inattendu. Dans Après le Déluge, le poète semble s'interroger sur l'origine de sa propre révolte. Il y découvre des causes socio-politiques (Barbe-bleue), psychologiques (l'enfance en deuil, la maison de vitres), et métaphysiques (la Sorcière).
     
      La fable chargée d'illustrer cette morale repose sur l'enchevêtrement de trois histoires :
      l'histoire du Déluge, c'est à dire l'Histoire universelle, l'histoire de la civilisation depuis ses origines telle que la racontent les mythes.
     l'histoire de la Commune, c'est à dire pour Rimbaud l'histoire immédiate.
     l'histoire personnelle de l'auteur, sous la forme stylisée et elle aussi quelque peu mythique qu'il a façonnée de texte en texte : thèmes de l'enfance, du départ, du vagabondage, réinvention de l'amour, etc...

      Ces trois histoires sont toutes trois des histoires de révoltes, de ruptures entre l'ancien et le nouveau, ce qui assure l'unité profonde du texte. Nous avons essayé de montrer comment Rimbaud les articule soit en les alternant, soit en les faisant avancer d'un même pas grâce à la polysémie des allégories utilisées.

      Reste toutefois un mystère à éclaircir : comment un texte si difficile parvient-il à intéresser et à plaire dès la première lecture et si unanimement?
      
      1) Notons d'abord un paradoxe : ce texte hermétique possède en réalité une trame logique forte et, au fond, d'une grande simplicité. Le lecteur est perdu dans le cheminement de détail mais pas dans la ligne générale. Il en saisit dès la première lecture les principales articulations : "quand le déluge eut détruit le vieux monde, le nouveau se remit à tourner aussi mal qu'avant, et il faut tout recommencer. Révoltons-nous! " Or, ce qu'on comprend en premier et le plus facilement constitue, quoiqu'on en pense, le plus important message du texte. Si bien que même le lecteur qui dit : "je n'y comprends rien", en réalité, a fort bien compris l'essentiel.

      2) Rimbaud, pour confectionner ce que nous avons appelé en introduction son alphabet symbolique sélectionne des images fortes qui, même incomprises dans leur valeur allégorique, séduisent le lecteur par leur beauté plastique (la gravure du 4° alinéa); leur humour (des objets improbables et cocasses comme le piano alpin de Madame X ou l'hôtel du pôle); leur qualité poétique (des métaphores très visuelles, comme la grande maison de vitres des enfants; et le superbe verset n°8 décrivant son geste des bras lors de son "envol"); leur familiarité et leur simplicité (stéréotypes du conte ou de la fable : Barbe-bleue, les castors, le lièvre; la sorcière avec son pot de terre où elle abrite le feu).

     3) Le caractère décousu du discours, dû à la juxtaposition sans enchaînements logiques apparents d'allégories condensées au maximum, dépouillées de tout développement explicatif ou descriptif, produit sur le lecteur une séduisante impression de rapidité, de légèreté, de constantes ruptures de ton, et  il devine dans cet insolite montage un hermétisme ludique qui, finalement, pique la curiosité plutôt qu'elle ne décourage.

     Le lecteur est alors prêt pour une "seconde lecture",  qui nécessitera un véritable travail d'exégèse consistant à restituer la logique secrète du récit et à redéployer les "textes" antérieurs (symboles universels, poncifs contemporains, références littéraires, auto-citations, etc...) dont le texte rimbaldien est en partie la réécriture. Mais cela, c'est une toute autre affaire, comme le montre la diversité des gloses proposées et l'accumulation des documents et des preuves versés au dossier, des années durant, par une émérite critique rimbaldienne (voir la rubrique "interprétations"). 

 

 


 

Bibliographie

remonter   lexique   interprétations commentaire

L'Énigme des Illuminations, par Antoine Adam, dans la Revue des Sciences Humaines, pages 221-245, octobre-décembre 1950.
Rimbaud par lui-même, par Yves Bonnefoy, pages 153-156, 1961.
Glose d'un texte de Rimbaud : Après le Déluge, par Yves Denis, dans Les Temps modernes n° 260, pages 1261-1276, janvier 1968.
Le Thème de la voyance dans Après le Déluge, Métropolitain et Barbare, par Margaret Davies, dans La Revue des lettres modernes, n°323-326, Série Arthur Rimbaud, Minard, pages 19-39, 1972.
Poème en prose et écriture parodique, par Martine Bercot, dans Minute d'éveil - Rimbaud maintenant, SEDES, pages 91-97, 1984.
Pour l'exégèse d'Illuminations, par Antoine Fongaro, dans Studi francesi sept.-déc.1969, repris dans dans Lire Illuminations, Publications de l'Université de Toulouse-le-Mirail, pages 21-30, 1985.
Après le Déluge, par André Guyaux, dans Illuminations, texte établi et commenté par André Guyaux, Á la Baconnière, pages 235-240, 1985.
Après le Déluge : l'écriture des êtres de rêverie et la parodie, par Jean-Pierre Giusto, dans Parade sauvage, n°2, pages 72-79, 1985.
Après le Déluge : une lecture, par Jacques Plessen, dans Parade sauvage n°4, pages 11-21, avril 1986.
Dans les marges historiques d'une Illumination, par Steve Murphy, dans Littératures n°14, pages 140-143, printemps 1986.
Des Castors et des Hommes, par Antoine Fongaro, dans Littératures n°8, automne 1983, repris dans dans Lire Illuminations, Publications de l'Université de Toulouse-le-Mirail, pages 49-53, 1985. Voir aussi : pour les castors , dans "fraguemants" rimbaldiques, Presses universitaires de Toulouse-Mirail, pages 14-15, 1989.
"Un déluge doublement symbolique", par Claude Zissmann, Parade sauvage, Colloque n°3, 5-10 septembre 1991, p.180-187, Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, 1992.
"Blake, Rimbaud, Marx : d'Après le Déluge à Soir historique", par Edward J. Ahearn, Parade sauvage, Colloque n°3, 5-10 septembre 1991, p.170-179, Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, 1992.
Après le Déluge, par Albert Henry, dans Contributions à la lecture de Rimbaud, Académie royale de Belgique, pages 17-40, 1998 (Reprise augmentée de Lecture de quelques Illuminations, 1989).
Sur les vers mesurés dans  Illuminations, par Antoine Fongaro, dans "fraguemants" rimbaldiques, Presses universitaires de Toulouse-Mirail, page 24, 1989 (sur une rature du manuscrit d'Après le Déluge).
Après le Déluge et la poétique, par Antoine Fongaro, dans Matériaux pour lire Rimbaud, Presses Universitaires du Mirail - Toulouse, pages 46-52, 1990.
Rimbaud et les poncifs du jour (Notes sur Après le Déluge), par Bruno Claisse, dans Parade Sauvage, Colloque n°2, Rimbaud "à la loupe", pages 149-156, 1990.
Et le Splendide Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle ..., par Michael Pakenham, dans Parade Sauvage, Colloque n°2, Rimbaud "à la loupe", pages 157-163, 1990.
Déluges avant Aprés le Déluge (pages 33-37); Les chacals piaulant (pages 38-40); Un lièvre, l'araignée, les castors, les chacals (pages 86-97), par Antoine Fongaro, dans Rimbaud, texte, sens et interprétations, Presses Universitaires du Mirail - Toulouse, 1994.
Une lecture de Après le Déluge, par Christophe Chabbert, dans Arthur Rimbaud, Oeuvres poétiques, Parcours de lecture, Bertrand-Lacoste, pages 108-118, 2000.
Trois notes pour Illuminations, par Antoine Fongaro, dans Parade Sauvage n° 17-18, août 2001 (première partie de cet article, "Les mazagrans fumèrent", pages 174-175).
Après le Déluge, par Sergio Sacchi, dans Études sur les Illuminations de Rimbaud, pages 41-63, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2002.
Après le Déluge, par Pierre Brunel, dans Éclats de la violence, Pour une lecture comparatiste des Illuminations, Corti, pages 39-61, 2004. 
Lecture fragmentée d'Après le Déluge, par Antoine Fongaro, pages 63 à 107 de De la lettre à l'esprit. Pour lire Illuminations, Champion, 2004. Reprise de l'ensemble des articles signalés ci-dessus.