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Après le Déluge (Illuminations,
1873-1875)
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Après le Déluge
N° d'alinéas
1
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Aussitôt que l'idée du Déluge se fut
rassise,
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2
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Un lièvre s'arrêta dans les
sainfoins
et les clochettes mouvantes et dit
sa prière à l'arc-en-ciel à travers
la toile de l'araignée.
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3
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Oh ! les pierres précieuses qui se
cachaient, −
les fleurs qui
regardaient déjà.
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4
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Dans la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les
barques vers la mer étagée
là-haut comme sur les
gravures.
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5
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Le sang coula, chez Barbe-Bleue,
− aux
abattoirs,
− dans les
cirques, où
le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait
coulèrent.
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6
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Les castors bâtirent. Les
"mazagrans" fumèrent dans les
estaminets.
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7
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Dans la grande maison de vitres encore ruisselante les enfants en deuil
regardèrent les
merveilleuses
images.
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8
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Une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses
bras,
compris des girouettes et des coqs des clochers de partout, sous l'éclatante
giboulée.
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9
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Madame*** établit un piano dans les Alpes. La messe et les premières
communions se célébrèrent aux cent mille autels de la cathédrale.
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10
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Les caravanes partirent. Et le
Splendide-hôtel
fut bâti dans le chaos de
glaces et de nuit du pôle.
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11
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Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de
thym, − et les églogues en sabots grognant dans le verger. Puis, dans la
futaie violette, bourgeonnante, Eucharis me dit que c'était le printemps.
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12
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− Sourds, étang,
− Écume, roule sur le pont, et par dessus les bois;
−
draps noirs et orgues, − éclairs et tonnerres − montez et roulez; − Eaux
et tristesses, montez et
relevez les Déluges.
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13
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Car depuis qu'ils se sont dissipés, − oh les pierres précieuses
s'enfouissant, et les fleurs ouvertes, ! − c'est un ennui ! et la Reine,
la Sorcière qui allume sa braise dans le pot de terre, ne voudra jamais
nous raconter ce qu'elle sait, et que nous ignorons.
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Lexique |
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arc-en-ciel
:
De nombreux récits mythiques racontant la
création du monde (cosmogonies babyloniennes, gréco-latines, ...)
contiennent un épisode du déluge. A la fin du déluge, tel qu'il est
raconté par la Bible (Genèse, VI à IX) Yahvé, le dieu personnel de la
tradition judéo-chrétienne, propose aux hommes un Pacte d'Alliance, dont
l'arc-en-ciel sera le symbole. Aux termes de cette alliance, Dieu s'engage
à ce qu'il n'y ait pas de nouveau déluge. C'est pourquoi la prière du
lièvre s'adresse à l'arc en ciel. 
les étals
:
Ce mot désigne la table sur laquelle un marchand étale sa
marchandise. Par restriction de sens : boutique de boucherie. Dans le
contexte du poème, l'hésitation est permise. La plupart des
commentateurs comprennent : les marchands ouvrent leurs boutiques, les
commerces recommencent à fonctionner. 
"mazagrans"
: "café noir, chaud ou froid, mêlé d'eau et de sucre, additionné
ou non d'eau-de-vie, servi dans un verre profond" (Trésor de la
Langue Française). Le verbe accompagnant ce mot dans le texte
("fumèrent") laisse supposer qu'un "mazagran"
désignait couramment à la fin du dix-neuvième siècle un café noir
servi chaud. Le nom désignait indifféremment la boisson ou son
contenant (aujourd'hui le terme désigne essentiellement un type
particulier de verre, profond, à pied et à forme évasée). Son origine est le nom d'un village algérien où les troupes
coloniales françaises accomplirent un de leurs exploits en 1840. 
estaminets
: petits cafés. 
dans la futaie violette
:
Futaie : forêt de grands arbres. Rimbaud use
fréquemment de la couleur violette pour évoquer l'ombre des bois. Cf.
"Les loups vont répondant des forêts violettes" (Bal des
pendus); "Quelles violettes frondaisons vont descendre ?" (Phrases,
Illuminations); "et les talus de gauche tiennent dans leur ombre violette les mille rapides ornières de la route
humide" (Ornières, Illuminations). 
Sourds
: le verbe "sourdre" se dit d'une source, du jaillissement de
l'eau hors de la terre ou du roc. 
relevez
: "relever" signifie remonter, mais aussi se remettre debout
(antithèse exacte de "rassise" dans le premier alinéa), mais
aussi prendre la relève. 
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Interprétations |
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La mention "op.
cit." renvoie à la bibliographie proposée en fin de page.
Déluge
:
Deux interprétations s'affrontent autour du sens
à donner à ce terme, c'est à dire au poème, et même dans une certaine
mesure, aux Illuminations dans leur ensemble. Les uns prônent une
lecture mythique ou mythocritique, qui perçoit surtout dans la
fascination omniprésente de Rimbaud pour "l'idée du déluge" une fascination
de poète, un projet essentiellement esthétique visant à se faire le
démiurge d'un monde de mots construit sur les ruines du nôtre. Les autres défendent une lecture socio-politique
fondée sur la conviction que le mot "déluge" désigne ici la
"Commune de Paris" (18
mars-28 mai 1871) et attribuent l'inspiration du
poème aux sympathies avérées de l'auteur pour les théories socialistes
visant la transformation révolutionnaire du monde réel. C'est,
semble-t-il, Antoine Adam qui a proposé le premier cette glose
dans son article de 1950 : "L'Énigme des
Illuminations".
Représentant de cette dernière conception, Antoine
Fongaro (op.cit.1994, p.33-34) argumente sa thèse en montrant que la métaphore du
"déluge" employée pour caractériser l'activité
révolutionnaire des masses ouvrières est un véritable cliché tout au
long du XIXe siècle, tant dans la littérature (de Chateaubriand à
Hugo) que dans le discours journalistique. Parmi beaucoup d'autres, il
cite cet exemple déjà signalé par Yves Denis (op.cit. p.1276), emprunté à l'épilogue du recueil de poésie que
Victor Hugo a consacré aux événements de 1871 : L'Année terrible.
Épilogue
DANS L'OMBRE
LE VIEUX MONDE
O flot, c'est bien. Descends maintenant. Il le faut.
Jamais ton flux encor n'était monté si haut.
Mais pourquoi donc es-tu si sombre et si farouche ?
Pourquoi ton gouffre a-t-il un cri comme une bouche ?
Pourquoi cette pluie âpre, et cette ombre, et ces bruits,
Et ce vent noir soufflant dans le clairon des nuits ?
Ta vague monte avec la rumeur d'un prodige !
C'est ici ta limite. Arrête-toi, te dis-je.
Les vieilles lois, les vieux obstacles, les vieux freins,
Ignorance, misère et néant, souterrains
Où meurt le fol espoir, bagnes profonds de l'âme,
L'ancienne autorité de l'homme sur la femme,
Le grand banquet, muré pour les déshérités,
Les superstitions et les fatalités,
N'y touche pas, va-t'en ! ce sont les choses saintes.
Redescends, et tais-toi ! j'ai construit ces enceintes
Autour du genre humain et j'ai bâti ces tours.
Mais tu rugis toujours ! mais tu montes toujours !
Tout s'en va pêle-mêle à ton choc frénétique.
Voici le vieux missel, voici le code antique.
L'échafaud dans un pli de ta vague a passé.
Ne touche pas au roi ! ciel ! il est renversé.
Et ces hommes sacrés ! je les vois disparaître.
Arrête ! c'est le juge. Arrête ! c'est le prêtre.
Dieu t'a dit : Ne va pas plus loin, ô flot amer !
Mais quoi ! tu m'engloutis ! au secours, Dieu ! la mer
Désobéit ! la mer envahit mon refuge !
LE FLOT
Tu me crois la marée et je suis le déluge.
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Les adversaires de cette lecture la considèrent
comme une interprétation forcée, que rien ne motive explicitement dans
le texte de Rimbaud. Ils ont tendance à l'attribuer à un effet de mode.
Voici ce qu'écrit par exemple Pierre Brunel, dans son ouvrage : Eclats de la violence (2004), page 56, note 1, au sujet
de l'article d' Yves Denis qui, le premier, donna un développement
systématique à la thèse du "caractère marxiste du morceau"
(l'expression est de P.B. pour désigner la thèse adverse) : " La
date, 1968, l'orientation idéologique de la revue (Les Temps modernes)
permettent de rendre compte d'une telle tentative de sociocritique. Encore
approuvé par Antoine Adam dans la seconde Pléiade (1972), ce type de
commentaire ne convainc plus guère aujourd'hui". 
se fut
rassise :
Un esprit rassis est un esprit calme, réfléchi; un pain
rassis est un pain qui n'est plus frais sans être encore dur, nous dit le
Petit Larousse. Sans
doute faut-il donc comprendre : lorsque l'idée du Déluge (l'intention de
Dieu, son but : la destruction de l'humanité corrompue) fut accomplie et
que sa colère se fut calmée, apaisée. Yves Denis, l'un des
commentateurs qui, à la suite d'Antoine Adam (op. cit.), estiment
que le déluge n'est pour Rimbaud qu'une allégorie désignant
l'insurrection populaire de la "Commune", paraphrase ainsi
ce début de poème : "Dès que se fut affaissé le spectre de la
Révolution sociale surgi à l'avènement de la Commune, etc..." (op.
cit. p.1262). C'est l'idée d'un assagissement forcé ou d'un épuisement
de la vigueur révolutionnaire qui passerait alors à travers le verbe
"rasseoir" (se rasseoir après s'être mis debout). 
Un lièvre
:
Les commentateurs se sont demandé s'il fallait
donner un sens précis au choix d'un lièvre pour représenter le
recommencement de la vie "après le déluge". Albert Henry, op.
cit. p.27, y décèle une intention anthropomorphique : "le lièvre à
l'arrêt plie les pattes arrière (celles de devant, beaucoup plus
courtes, se plaçant un peu comme des bras) et il peut ainsi apparaître
en position d'orant". Yves Denis, creusant son sillon
d'interprétation, explique le choix du lièvre par sa "couardise
légendaire" et en fait le symbole du bourgeois effrayé par la
Commune (op. cit. p.1262). Il signale que la représentation du bourgeois
en lièvre prompt à s'effrayer se trouve dans un recueil de Hugo publié
en 1872 : Toute la lyre (op.cit. p.1275). Antoine Fongaro,
op.cit.1994, p.91, mobilise La Fontaine et sa fable du Lièvre et les
grenouilles : "Cet animal est triste et la crainte le ronge. /
"Les gens d'un naturel peureux / Sont, disait-il, bien
malheureux"", et conclut : " Rimbaud ne pouvait ignorer le
sens que TOUS les lecteurs donneraient au mot lièvre". 
sainfoins
:
Le sainfoin est une plante fourragère (utilisée
pour l'alimentation des animaux). Pour Antoine Fongaro, Rimbaud
exploite ici un calembour "anti-religieux" qu'il a trouvé chez
Hugo, en même temps que l'image d'un animal disant sa prière : "Le
mouton disait : Notre père, / Que votre sainfoin soit béni !" (L'Église,
dans Les Chansons des rues et des bois, 1865). 
la toile de l'araignée :
Yves Denis (op. cit. p.1262), filant la
métaphore politique, construit l'interprétation suivante : "Trop
humble pour s'adresser directement à la Divinité, il fait passer son
action de grâce par la voie hiérarchique des pouvoirs civils et
religieux ("la toile d'araignée"). Antoine Fongaro
étaye et précise cette lecture en montrant que chez Hugo, l'araignée
sert fréquemment à l'évocation métaphorique de l'idée de piège, de
noirceur. Il cite notamment un passage de L'année terrible (1872)
où l'araignée désigne l'hypocrisie religieuse incarnée par le
fondateur des Jésuites "Loyola" (surnom que - par parenthèse -
Rimbaud attribuera à Verlaine après leur rupture de 1873 pour
stigmatiser la duplicité de sa bigoterie). Hugo accuse en somme le
laxisme jésuite de fermer les yeux sur l'immoralisme des riches et de
bénir le vice. Voici le texte : "Avec cette morale où tout
est vie et grâce / Avec ces dogmes pris au plus serein des cieux / Loyola
construisit son piège monstrueux; / Sombre araignée à qui Dieu, pour
tisser sa toile / Donnait des fils d'aurore et des rayons d'étoile."
(poème V de la division Février du long poème intitulé : Loi
de formation du progrès). Ce qui permet à Antoine Fongaro de
conclure : "Voilà qui confirme l'interprétation d'Yves Denis : la
portée socio-politique de cette image de la prière dite à travers la
toile de l'araignée est ici d'ordre anti-clérical". 
Oh ! les pierres précieuses qui se
cachaient, -- les fleurs qui
regardaient déjà :
L'accord est à peu près unanime parmi les
commentateurs sur la première partie de la phrase : les "pierres
précieuses" désignent ce à quoi l'Homme n'a pas accès parce que
Dieu, ou les dieux, ou la sorcière (alinéa 13), ou son essentielle
incomplétude le lui cachent. Motif prométhéen, expression d'une
révolte métaphysique contre les limites du pouvoir humain qui, chez les
poètes, se décline volontiers sous le thème de l'inaccessible Beauté.

Antoine Fongaro
(op.cit.1990, p.46-49) démontre la récurrence de ce thème dans Les
Fleurs du Mal de Charles Baudelaire, à travers cette même métaphore
des pierres précieuses cachées dans le sol :
"Dans Les Litanies de Satan on lit :
"Toi qui sais en quels coins des terres envieuses / Le Dieu jaloux
cacha les pierres précieuses". Là, l'occultation des pierres
précieuses est le fait du "Dieu jaloux", c'est à dire du Dieu
de la Bible : c'est donc une punition divine frappant l'humanité
coupable. Nous sommes bien dans l'atmosphère d' Après le déluge
(...) Mais si Rimbaud est impliqué, c'est qu'il s'agit de poésie (...)
Les pierres précieuses qui s'enfouissent et se cachent, c'est la
disparition de la véritable poésie ..."
Il cite encore le poème de Baudelaire intitulé Le
Guignon "où, après deux quatrains exprimant le découragement
du poète devant la difficulté de l'art, les tercets disent : "-
Maint joyau dort enseveli / Dans les ténèbres de l'oubli, / Bien
loin des pioches et des sondes; // Mainte fleur épanche à regret / Son
parfum doux comme un secret / Dans les solitudes profondes/".
Poussant l'analyse à partir de ce dernier exemple,
Antoine Fongaro constate la divergence entre Rimbaud et Baudelaire. Alors
que l'auteur des Fleurs du Mal utilise fleurs et pierreries comme
des symboles jumeaux, Rimbaud suggère que les secondes s'offrent
facilement à l'homme (elles "regardaient déjà" au premier
alinéa; elles sont "ouvertes" au dernier). Le critique en
déduit que les fleurs symbolisent pour Rimbaud la mièvrerie poétique,
la poésie facile qu'il rejette. Il rejoint sur ce point la glose d'Yves
Denis qui écrivait (op.cit. p.1263) : "Déjà aussi les fleurs
(...) recommencent d'apparaître et d'exercer leurs décevants sortilèges
: les hommes vont retourner aux vains plaisirs des amours vénales ou
clandestines, du vin dans les tavernes, du jeu dans les tripots, des
flonflons de l'opérette et de la fête foraine, et même des fleurs de
rhétorique." 
étagée
là-haut :
Suzanne Bernard commente de la façon
suivante dans son édition des Classiques Garnier, p.480 (1961) :
"Exemple remarquable de la vision originale de Rimbaud : il
"voit" la mer s'étageant en hauteur suivant une perspective de
gravure (de gravure ou d'enluminure ancienne, qui ne respecterait pas les
règles de la perspective albertienne)." Antoine Fongaro (op.cit.
1985, pages 23-24) défend lui aussi la lecture littérale du passage
contre Yves Denis tenté d'y voir une évocation métaphorique de
la ceinture rouge des collines dominant Paris. Il rappelle deux autres
textes des Illuminations (Mystique et Villes - Ce
sont des villes...) où la mer est ainsi présentée comme "une bande
en haut du tableau". 
Barbe-Bleue
:
Personnage d'un conte de Perrault, que l'on dit
inspiré du maréchal Gilles de Rais, compagnon d'armes de Jeanne d'Arc,
et auteur de nombreux crimes sur des enfants qui entraînèrent son
exécution en 1440. Yves Denis (op.cit. pages1263-1264) y voit un
symbole des chefs versaillais (pendant la Commune, le gouvernement
officiel avait élu domicile à Versailles, à partir d'où il organisait
la contre-révolution avec la bénédiction de l'occupant prussien). Steve
Murphy (op. cit. p.142) a découvert une caricature de l'époque
représentant Adolphe Thiers, chef du gouvernement de Versailles, armé
d'un cimeterre devant une femme assassinée, une autre femme étant pendue
derrière lui. Le dessin est accompagné de la légende : "L'Exécutif
ou le Barbe-bleue de 1871". Pour ce critique, la preuve est ainsi
administrée que c'était en 1872 un véritable lieu commun, dans les
milieux socialistes, de désigner les massacreurs de communards sous le
nom de Barbe-bleue. 
abattoirs
:
Pour Pierre Brunel (op.cit; p.54), le mot
doit semble-t-il être pris au sens littéral : "Rimbaud se rappelle
en effet l'interdiction divine de répandre le sang, de consommer la chair
humaine ou animale. Le retour des étals, des abattoirs, de la pêche,
contrevient à cet ordre". Pierre Brunel situe l'enjeu du passage
dans un lointain passé mythique et suppose que le texte flétrit le
"retour de la cruauté" envers les animaux. Et de citer le
passage de la Genèse (IX, 3-6) interdisant à l'homme de manger la viande
avec son sang, et aux animaux de manger la chair humaine!
Yves Denis (op. cit. p. 1264), par contre,
cite un extrait du Journal d'un Communard, de Maxime Vuillaume,
afin de prouver que le terme abattoirs était communément utilisé à
l'époque des Illuminations pour désigner les hauts lieux de la
répression, pendant la "semaine sanglante" (du 22 au 28 mai) :
"Autour des grands abattoirs - le Luxembourg, l'École Militaire, la
caserne Lobau, Mazas, le Parc Monceau, La Roquette, le Père Lachaise, les
Buttes-Chaumont - d'autres encore "travaillaient" sourdement,
avec moins d'étalage et de gloire, d'innombrables boucheries de minime
importance". 
cirques
:
Pour Antoine Fongaro (op.cit. 1994 p.89)
Rimbaud emploie le mot "cirque" en souvenir des cirques romains
où furent sacrifiés les martyrs chrétiens. D'où l'emploi de ce terme
pour désigner allusivement les lieux où venaient d'être sacrifiés, en
1871, ces autres martyrs qu'étaient les communards. Yves Denis (op.cit.
p.1264), pour son compte, pense que les cirques "ne peuvent être que
les églises où l'on entassait les morts et les blessés pendant la
bataille. 
le
sceau de Dieu :
Pierre Brunel, op. cit. p.54 commente :
"Devant le retour de la cruauté, "le sceau blêmit les
fenêtres", comme si le sceau de l'Alliance devenait déjà l'un des
sceaux de l'Apocalypse". Pour ce critique, donc, le "sceau de
Dieu" du 5° verset est encore l'arc-en-ciel par lequel s'annonçait
la nouvelle alliance. Mais c'est aussi en même temps un des sept sceaux
qui dans l'Apocalypse retiennent les fléaux préparés par Dieu pour
provoquer le châtiment final de l'humanité.
Yves Denis, op. cit. p.1265 construit une glose
en accord avec son interprétation de "cirques" (= églises)
: la lumière de l'arc-en-ciel pénètre faiblement
("blêmit") par les vitraux des églises où l'on massacre les
communards, apportant au crime la bénédiction de Dieu (comme dans le
sonnet de 1870 : Le Mal). Bruno Claisse (op. cit. p.151)
rappelle à propos du verbe "blêmit" le poème Les Pauvres
à l'église, où le "vitrail" est dit "livide". 
le
lait :
Conformément à son interprétation du mot
"abattoirs", Pierre Brunel entend ici une condamnation par
Rimbaud de l'exploitation des animaux : "Pour se nourrir, ne va-t-il
pas falloir tuer les animaux (la boucherie, la pêche, les abattoirs, le
sang, les barques) ou les exploiter (le lait)? " op. cit. p.48.
La plupart des commentateurs rappellent à ce
propos l'utilisation fréquente du mot "lait", avec une valeur
emphatique, dans la symbolique mythique ou religieuse, souvent associé au
miel ("ruisseaux de lait et de miel"). Symboles de pureté, de
fécondité, de douceur. Certains envisagent la glose : on tua femmes et
enfants (notamment Yves Denis, op. cit. p. 1264). D'autres élaborent
des exégèses plus complexes (voir notamment Bruno Claisse (op. cit.
p.151). 
castors
:
Tous les commentaires s'accordent sur la valeur
allégorique - classique - de cette espèce animale : les castors sont des
bâtisseurs. Rimbaud signifie donc ici que les hommes ont entrepris de
construire de nouvelles maisons.
Les partisans de l'interprétation communarde
voient là malgré tout une allusion plus contemporaine : le second Empire,
sous l'impulsion du baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, a
développé une politique de grands travaux d'architecture et d'urbanisme
qui transformèrent Paris. Cette modernisation de la capitale s'accompagna
d'une frénétique spéculation immobilière, dénoncée par les milieux
d'opposition et par la littérature (Zola : La curée). Steve
Murphy a d'ailleurs retrouvé et publié (op. cit. p.140) une caricature de
l'époque (dans la série célèbre de Hadol La Ménagerie impériale)
représentant le Baron Haussmann en un castor à la taille
monstrueuse, aux griffes menaçantes. 
la grande maison de vitres
:
Pour Yves Denis, c'est l'école. "Vue
de l'extérieur, elle frappe les petits par le nombre de ses fenêtres; et
à l'intérieur, elle est l'enclos surveillé où l'enfant, derrière les
vitres qui l'isolent de l'univers des adultes, s'applique et rêve à la
découverte du monde" (op.cit. p.1265).
Pierre Brunel (op. cit. pages 44 et 48)
met surtout l'accent sur le caractère fantastique de cette maison toute
de verre, création utopique qui semble née des eaux du déluge
("encore ruisselante"). 
Les
enfants en deuil :
Pour Pierre Brunel (op. cit. pages 44) les
enfants ont perdu leurs parents dans le déluge. Le monde semble donc se
reconstruire à partir d'une "humanité enfante", contrairement à
ce qui se produit dans le récit biblique. Il y reconnaît la valeur (de
pureté) que Rimbaud accorde toujours à l'enfance.
Pour Yves Denis (op.cit. p.1265) les enfants sont
en deuil de leurs parents assassinés. 
les
merveilleuses
images
Les commentaires hésitent en général entre
deux solutions sensiblement différentes. Pour les uns : ce que les enfants
voient à travers les vitres, le renouveau de la vie, tout ce qui précède
(Brunel, op.cit. p.44). Pour les autres : les mensonges que la
société apprend aux enfants, les images pieuses, la confiance naïve dans
le Progrès, la mièvrerie poétique, les jolies images des livres pour
enfants qui embellissent la vie, etc... (Denis, op. cit. p.1265). 
Une porte claqua, et sur la place du hameau, l'enfant tourna ses
bras :
Peu de divergences sur ce passage : tous les
commentateurs analysent ici une mise en scène de Rimbaud par lui-même;
la plupart signalent la confrontation à faire avec Aube : pouvoirs
magiques de l'enfant, prise de possession de l'espace ... 
Madame*** :
Tous les commentateurs sont d'accord pour voir dans
cette Madame *** une allégorie du
snobisme bourgeois. Pierre Brunel évoque ce "piano mondain
artificiellement établi par Madame*** dans les Alpes (op. cit. p.57). Bruno
Claisse (op. cit. p.150) analyse les trois croix de Madame ***
comme un pastiche des potins mondains, ces articles révélant dans les
journaux les rumeurs croustillantes agitant le Tout-Paris. Les trois croix y
étaient en effet habituelles, affichant une feinte discrétion pour couvrir
de respectabilité bourgeoise un exercice journalistique fondé en réalité
sur l'indiscrétion et le viol de la vie privée.
Suzanne Bernard, dans son édition des Classiques Garnier, p.480 (1961),
écrivait : "Je me demande si l'idée du piano n'a pu être
suggérée à Rimbaud par la lecture de Madame Bovary (II,2) ..." Antoine Fongaro
(op.cit. 1985, p.28) reprend cette
thèse de façon plus affirmative : "Il n'y a, selon moi, aucun
doute, écrit-il; cette Madame *** qui "établit
un piano dans les Alpes" dans Après le Déluge, c'est Madame
Bovary, c'est Emma en tant qu'elle représente toutes les petites
bourgeoises romantiques du monde, celle à qui le clerc de notaire Léon
déclare : "J'ai un cousin qui a voyagé en Suisse l'année dernière
et qui me disait qu'on ne peut se figurer la poésie des lacs, le charme
des cascades, l'effet gigantesque des glaciers (...). Ces spectacles
doivent enthousiasmer, disposer à la prière, à l'extase! Aussi je ne
m'étonne plus de ce musicien célèbre qui, pour exciter mieux son
imagination, avait coutume d'aller jouer du piano devant quelque site
imposant"." 
Et
le Splendide-hôtel fut bâti dans le chaos de glace et de nuit du pôle
Michael Pakenham (op.cit) raconte la
construction et la destruction par le feu d'un hôtel de ce nom situé à
Paris, à l'angle de l'Avenue de l'Opéra et de la Rue de la Paix. Cet
hôtel de grand luxe recevant notamment une clientèle britannique avait
été construit en 1864. Sa disparition dans un incendie, en 1872 fit grand
bruit.
Sergio Sacchi illustre un courant critique
qui conteste l'interprétation allégorique du poème : "L'allégorie
ne peut pas vraiment lire le texte qu'elle affronte, puisqu'elle se doit
(statutairement) de le remplacer par un autre texte, plus essentiel"
(p.50). Pour lui, il faut accepter que le poème ne soit qu'une succession
sans trame narrative de "merveilleuses images", "fragments
du spectacle universel", réalisant une "véritable
transfiguration des choses", expulsant du réel le temps qui
"entraîne toute chose dans un mouvement invincible de
dégénérescence" et renvoyant in fine à la façon naïve dont les
enfants regardent le monde sans en comprendre toujours le sens. Il
regrette notamment que la lecture allégorique "politique" du
poème tende à privilégier la charge satirique des
"tableautins" qui se succèdent dans le poème au détriment de
leur valeur lyrique. Cette démarche de Sergio Sacchi se concrétise ainsi
concernant le passage qui nous intéresse : "Le Splendide Hôtel
du verset suivant, bâti dans le chaos de glaces et de nuit du pôle,
pourrait être également [dans le cadre d'une interprétation
allégorique] une pointe dirigée contre le dynamisme obtus d'une
bourgeoisie qui exporte partout et toujours, aveuglément, son modèle
d'existence [...]. Et pourtant, lisons aussi l'image en elle-même - union
vertigineuse des contraires, où le Splendide Hôtel s'oppose à la
nuit par sa luminosité, au chaos par l'ordre luxueux qu'il
évoque -, en faisant surgir de ce chaos et de cette nuit l'éclat d'une
lumière fantastique. Cette image est-elle donc vraiment et uniquement
polémique, caricaturale?" (op. cit. p.43) 
Depuis lors, la Lune entendit les chacals piaulant par les déserts de
thym, -- et les églogues en sabots grognant dans le verger
Antoine Fongaro est revenu à
plusieurs reprises sur l'analyse de cette phrase, et notamment sur
"les chacals piaulant". Voir ses ouvrages de 1985 page 22, 1989
: pages 49-50 et de 1994 : pages 38-40 et 93-97.
Il écrit (op. cit. 1994, page 93) : "Il y a
donc dans "les chacals piaulant" une satire d'un résidu du
romantisme". De la même façon les églogues sont ridiculisées par
le verbe "grognant" (c'est le cochon, sale et vorace, qui
grogne) et par le complément "en sabots" marque de
grossièreté."
Il considère que le thème unificateur du verset
11 est la problématique littéraire après la Commune : "Du point de
vue littéraire (c'est bien de littérature qu'il s'agit dans le verset
11) les chacals constituent le symbole d'une forme de poésie qui fait sa
réapparition "après le Déluge", c'est à dire après la
Commune. L'autre forme de poésie qui revit "après le Déluge"
est l'églogue. De même que Rimbaud raille l'églogue qui ne sait plus
que grogner dans le verger, il raille le chacal, bête féroce et
dégénérée, espèce de chien, qui ne sait plus que piauler, c'est à
dire pousser des cris plaintifs, dans les "déserts de thym".
Ces derniers paraissent s'opposer aux cités populeuses où les chacals
n'ont pas le courage d'entrer; ils symbolisent l'acceptation de
l'impuissance réelle de la part des poètes, qui se limitent à gémir et
se plaindre dans le vide et la solitude au lieu d'agir au milieu des
hommes" (op. cit. 1994, page 95).
Yves Denis (op.cit. page 1270) voit dans
les chacals une allégorie des voyous de banlieue : "le Chacal me
paraît représenter le Voleur et l'Escarpe, produits vénéneux, mais
naturels, d'une société fondée sur la force et sur le vol
légalisé". 
Eucharis
:
Allusion très probable au personnage portant ce nom dans le Télémaque
de Fénelon (1699), dont la lecture et l'étude détaillée ont longtemps
fait partie du programme des classes de collège. Télémaque, le fils d’UIysse, a quitté sa mère Pénélope et l'île d’Ithaque, dont il est le Prince héritier, pour aller à la recherche de son père en compagnie de son tuteur Mentor. Il aborde dans l’île où règne la déesse Calypso et s’éprend de la nymphe
Eucharis. Devant la déesse Calypso, furieuse et jalouse, Télémaque avoue sans retenue son amour pour la nymphe
Eucharis. Dans sa folie, il va jusqu'à refuser de quitter l'île et
s'apprête à laisser Mentor poursuivre seul la recherche d'Ulysse. Mais
Minerve, sous les traits de Mentor, parvient à l’arracher à cette dangereuse
passion, en le précipitant dans la mer du haut d'un rocher.
Plusieurs commentateurs signalent que ce nom, par
son étymologie, signifie : Grâce.
Dans une note de son édition de 1986 chez GF, Jean-Luc
Steinmetz propose cette interprétation : "Avec le retour d'Eucharis,
Rimbaud voit se reconstituer la "belle poésie", celle des
idylles dont il s'est moqué dans Mes petites amoureuses (après y
avoir consenti dans ses premiers poèmes). La réapparition d'Eucharis
marque un comble et provoque l'appel conjuratoire du poète féroce."
Yves Denis (op.cit.
page 1271) écrit : "Ici, pour la première fois, Rimbaud entre
personnellement dans son poème. (...) Qui donc est cet(te) Eucharis,
porteur de grâce? - La nymphe de Calypso, qui symboliserait la beauté et
l'amour? ... Un être de chair que Rimbaud a connu? ... Il est difficile
de se prononcer. Pourtant j'incline à croire qu'il s'agit de Germain
Nouveau, dont on sait par Richepin qu'Arthur l'"enleva", et
qu'il passa le printemps de 1874 à Londres en compagnie de Rimbaud." 
Eaux
et tristesses
La plupart des commentateurs
rappellent ici le goût de Rimbaud pour une métaphore héritée de Victor
Hugo (et probablement de plus loin encore) fondée sur la comparaison
entre l'eau de la mer (Enfance II) ou de la rivière (Mémoire)
et les larmes : "Les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une
éternité de chaudes larmes" (Enfance II). 
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Commentaire |
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Première lecture
Après le Déluge
se
présente sous la forme de courts alinéas, au nombre de treize, ne
contenant jamais plus de deux phrases. La
première phrase du texte, même, est répartie sur deux alinéas. Il est
donc difficile de les considérer comme des "paragraphes" au sens
habituel du
terme (nous verrons cependant qu'on peut déceler dans chacun d'entre eux une véritable unité
de sens). On
appelle parfois "versets" ce genre de petits
"paragraphes" de prose poétique tendant à imiter les versets
numérotés des grands livres sacrés (la Bible, le Coran ...). Michel
Murat, qui préfère le terme "alinéa", fait remarquer dans son
Art de Rimbaud (José Corti, 2002, pages 314-318) la valeur
rythmique des alinéas de ce poème, conséquence du retour périodique
d'une même structure binaire :
Un lièvre s'arrêta
[...] et dit sa prière [...]
[...] les pierres précieuses qui se cachaient,
les fleurs qui regardaient [...]
[...] les étals se dressèrent, et l'on tira les
barques [...]
Le sang coula [...]. Le sang et le lait
coulèrent.
Les castors bâtirent. Les "mazagrans"
fumèrent [...]
Une porte claqua, et [...] l'enfant tourna ses
bras [...]
À partir de ce "schéma binaire à
membres parallèles, utilisé comme forme de base", le paragraphe
s'amplifie, "le second membre variant le premier en le développant
(c'est le cas le plus fréquent), ou au contraire le récapitulant dans
une sorte de clausule" (Michel Murat).
Cas n°1 : Dans
la grande rue sale les étals se dressèrent, et l'on tira les
barques vers la mer étagée là-haut comme sur les gravures (le
second membre de phrase détaille la description et la développe au
delà du groupe sujet-verbe-complément, jusqu'aux dimensions d'un petit
tableau).
Cas n°2 : Le sang coula, chez Barbe-Bleue,
−
aux abattoirs, −
dans les cirques, où
le sceau de Dieu blêmit les fenêtres. Le sang et le lait coulèrent (c'est
la première phrase du paragraphe qui assure la variation du thème
central par l'adjonction du groupe ternaire des circonstanciels de lieu,
dont le dernier est encore prolongé d'une relative introduite par
"où"; la seconde phrase n'est qu'une reprise jouant le rôle
d'une brève formule conclusive ou clausule).
Le texte offre l'apparence extérieure d'un récit : les verbes sont en
général au passé simple, les actions sont données comme successives
jusqu'au verset n°12 où le narrateur prend la parole (apparition de la première personne à la fin du verset
n°11 : "Eucharis me dit"). Une trame principale est perceptible
dès la première lecture, celle qui est annoncée par le titre : le texte énumère une
série d'événements qui ont suivi le Déluge, ce qui justifie à la rigueur un
certain éclatement du récit. On peut identifier d'emblée quelques-uns de ces
événements : retour aux activités d'avant le déluge (la pêche, le
commerce, l'abattage des animaux, la construction de maisons); retour de
la violence ("le sang coula"). Une idée d'ensemble se dégage :
le mal se réinstalle dans le monde. Dans son
discours final, le narrateur appelle de ses voeux de nouveaux déluges
("montez et relevez les déluges"), car pour lui le Déluge a
été inutile et il faut tout recommencer. Voilà qui pourrait ressembler
à la moralité finale d'une fable.
Mais cette moralité reste bien abstraite et
générale, en l'absence d'une compréhension plus précise de l'histoire
qui l'illustre et la justifie. Or, cette histoire nous semble le plus souvent
fort
énigmatique. Le titre annonce le thème biblique du Déluge, mais les
protagonistes traditionnels de cet épisode de la Genèse, Noé
et son Arche, sa femme et ses fils, les nouveaux hommes − premiers
échantillons d'une humanité régénérée −, en sont absents. Les
personnages apparaissant dans le texte sont disparates et anachroniques :
Barbe-Bleue, une Sorcière, une certaine Madame***, une certaine Eucharis,
des enfants, un enfant; quelques éléments inanimés personnifiés : les
pierres précieuses, les fleurs, la Lune; des animaux :un lièvre, des
castors, des chacals. Tout au
plus reconnaît-on dans ce bric-à-brac quelques ingrédients évoquant la
tonalité merveilleuse et le "personnel" traditionnel des contes
et des fables. Les phrases s'enchaînent mal les unes
aux autres : jamais deux phrases successives ne se réfèrent à un même
lieu, jamais non plus à un même personnage, jamais une même action ne se
poursuit d'une phrase sur l'autre. Rares sont les indicateurs de
temps permettant de préciser la chronologie ("depuis lors",
"depuis
qu'ils se sont dissipés" − 11° et 13° alinéas − se contentent de
reprendre l'incipit; à quoi il faut ajouter "puis" au milieu du
11° alinéa). A
la première lecture, le texte paraît insolite et plutôt incohérent.
Donc,
si ce poème a un sens, et il DOIT en avoir un, ce ne peut
être qu'un sens symbolique. Nous avons affaire à un texte volontairement
hermétique, fonctionnant comme une devinette. Les mystérieux personnages
(ou, mieux dit, les "actants") qui s'y manifestent en sont comme
l'alphabet secret : ce sont des allégories dont nous devons tenter de
trouver la clé. Tel est le défi qu'il nous faut relever, vaillamment
mais modestement, sûrs que nous sommes par avance de l'extrême
subjectivité et fragilité des solutions que nous mettrons en oeuvre
pour pouvoir seulement "lire" le texte. Au sens le plus
élémentaire du verbe "lire". Pour cette étude, nous utiliserons les
outils dont nous disposons : la recherche du sens précis
des mots du texte
(le dictionnaire, tout simplement); notre connaissance de la vie et surtout de l'oeuvre de
Rimbaud (intertextualité interne); notre culture littéraire, car Rimbaud puisait dans ses lectures des références, des
allusions dont il n'avait pas à préciser le sens parce qu'il les
supposait
comprises des lecteurs auxquels il s'adressait (intertextualité
externe); notre connaissance du contexte historique; mais aussi notre
sensibilité et notre imagination.
Deuxième lecture
1° alinéa : l'idée du Déluge.
Confirmant le titre du poème, le premier
verset situe le début du récit au moment où se calme la colère divine.
Mais il est intéressant d'analyser en détail les mots inattendus choisis
par Rimbaud pour exprimer cette idée toute simple. Le verbe "se
rasseoir" signifie littéralement "s'asseoir à nouveau".
Pris au sens figuré, il exprime une idée de lassitude ou de
résignation. On est proche du sens de l'adjectif "rassis". Un esprit
"rassis" est un esprit réfléchi, calme ou plutôt devenu
calme, calmé. Il y a dans "rassis" l'idée d'une sagesse
conquise avec le temps ou due à l'usure. N'oublions pas qu'un pain rassis
est un pain qui a vieilli. Par ailleurs, pourquoi dire "l'idée du
déluge" au lieu de parler du déluge tout court? Sans doute pour indiquer au
lecteur que l'important ici n'est pas le fait mais l'idée, pas l'anecdote
du Déluge telle qu'elle est racontée par la Bible et bien d'autres
récits mythologiques, mais l'idée universelle que ces récits illustrent
: l'idée de la Révolte. Le Déluge est l'archétype de la table rase, de
la négation du passé. C'est la destruction pure, simple et totale du
vieux monde, dans l'espoir d'une régénération des hommes et d'une
refondation de la société. Dans la littérature du XIX° siècle,
l'idée et le mot du Déluge sont constamment mobilisés pour désigner
métaphoriquement l'activité révolutionnaire grandissante des masses
ouvrières et les nombreuses révolutions (1789, 1830, 1848, 1871). Au
moment où Rimbaud écrit ce texte (entre 1873 et 1875), la France vient
de connaître la plus radicale explosion révolutionnaire de toute son
histoire : la Commune de Paris, et la plus sanglante répression (20 000
morts). La sympathie du poète pour ceux qu'on appelait les Communards est
bien connue. A Londres, où il séjourne à quatre reprises dans ces années-là,
Rimbaud vit dans un milieu d'exilés communards qui ont trouvé refuge en
Angleterre. Il ne fait aucun doute que lorsqu'il emploie le terme
généralisant : "l'idée du Déluge", il pense à tous les
déluges révolutionnaires, à toutes les révoltes individuelles et
collectives, dont le mythe archaïque du Déluge est l'archétype. Nous
pourrions donc paraphraser ce début de texte de la façon suivante :
lorsque l'esprit de révolte se fut épuisé (dans le cœur du
Tout-Puissant aussi bien que dans Paris insurgé) ...
2° alinéa : Superstition.
Le premier verset ne contenait qu'une
proposition subordonnée, détachée par l'alinéa en raison de son
importance sémantique, que nous venons d'analyser. Le second amène la
proposition principale et lance le récit proprement dit. Rimbaud évoque
le recommencement de la vie par une de ces "merveilleuses
images" dont nous entendrons reparler dans le 7° verset. Image
d'aube campagnarde : les clochettes, le sainfoin, la sortie matinale d'un
lièvre, la toile d'araignée; et de fin d'orage : l'arc-en-ciel. Mais en
filigrane de ce tableau naïf, un ensemble cohérent de connotations
religieuses confère à ce second verset une signification satirique.
Comme dans les fables de La Fontaine, les animaux de Rimbaud sont des
personnages allégoriques : par sa physionomie qui lui donne l'apparence
d'un homme en prière lorsqu'il est dressé sur ses pattes arrières, le
lièvre incarne la foi naïve; Rimbaud le décrit faisant "sa prière
à l'arc en ciel". Sans doute remercie-t-il le Dieu des lièvres
d'avoir mis fin à la tempête et de lui accorder son saint-foin
("sainfoin") quotidien. L'arc-en-ciel est dans la Bible le signe
de l'Alliance entre Dieu et les Hommes. Cette alliance, pour Rimbaud,
équivaut à une soumission, ce que suggère la toile d'araignée,
métaphore hugolienne traditionnelle du piège et de l'obscurité,
allégorie possible de l'Église étendant ses ramifications dans le
monde. Le lièvre fait sa prière "à travers la toile
d'araignée". Avec le caractère craintif que lui attribue la
tradition, il est le symbole du croyant crédule et soumis, craignant Dieu
et ses prêtres. Si, comme il est vraisemblable, se superposent dans
l'esprit de Rimbaud la fin du déluge mythique et l'écrasement final du
déluge révolutionnaire qui vient de déferler sur la France, celui de la
Commune, le lièvre pourrait fort bien incarner aussi le bourgeois calotin
effrayé par "les événements", remerciant le Dieu des
bourgeois d'avoir mis un terme à la fureur des flots populaires.
Traduisons : lorsque l'idée du Déluge se fut rassise, la superstition
fit sa réapparition, plus forte que jamais, dans l'esprit des hommes.
3° alinéa : Séparation.
Au commencement fut donc la superstition. Et
simultanément se produisit pour l'homme l'originelle et tragique
séparation d'avec l'Essentiel, l'Absolu, la Nature dans sa vérité
première, ou quelque autre appellation qu'on voudra lui donner : "Oh
les pierres précieuses qui se cachaient". Les "pierres
précieuses" désignent ce à quoi l'Homme n'a pas accès parce que
Dieu, ou les dieux, ou la sorcière (alinéa 13), ou son essentielle
incomplétude le lui cachent. Motif prométhéen, expression d'une
révolte métaphysique contre les limites du pouvoir humain qui, chez les
poètes, se décline volontiers sous le thème de l'inaccessible Beauté.
Ce troisième verset est divisé en deux par un tiret, auquel il faut
donner un sens d'opposition : pendant que les pierres précieuses se
cachaient, les fleurs - elles - "regardaient déjà". Autrement
dit, elles s'ouvrent, et s'offrent au regard des hommes. Les fleurs, ce
thème poétique par excellence, apparaissent donc comme ce qui se
manifeste à l'homme au moment même où l'essentiel lui échappe, elles
symbolisent l'artifice, l'apparence, le mensonge; elles sont la mièvrerie
poétique, la part mauvaise du romantisme, le contraire de la
"voyance". Cette séparation entre fausse et vraie poésie n'est
pas uniquement pour Rimbaud un motif métaphysique : elle correspond à
une expérience vécue. On connaît son poème : "Ce qu'on dit au
poète à propos de fleurs", adressé à Théodore de Banville, acte
de rupture avec la poésie parnassienne attestant la volonté d'inventer
un nouveau style poétique, insolite et inventif, conformément au
programme fixé par la "lettre du voyant". Cette séparation est
aussi celle qui survient après la Commune de Paris à l'intérieur du
cercle des poètes parisiens (les "Vilains Bonshommes") entre
ceux qui, comme Verlaine et Rimbaud, ont choisi le camp de la Commune et
vont se retrouver dans le "Cercle zutique" et ceux qui ont
adopté une position lâche ou réactionnaire. Pour Rimbaud, choix
poétiques et choix politiques vont de pair. Traduisons : lorsque l'idée
du Déluge se fut rassise, la fausse poésie triompha et la véritable dut
s'enfouir dans le secret de la terre.
4° alinéa : Civilisation.
Encore une "merveilleuse image",
pour décrire la remise en marche des affaires des hommes : le commerce,
la pêche. La rue porte encore les traces de l'inondation (la boue). La
mer s'est retirée mais elle apparaît encore dominant le paysage
"comme sur les gravures". Rimbaud évoque ces dessins naïfs qui
ne connaissent pas les techniques de la perspective, et qui représentent
la mer comme "une bande en haut du tableau" (Mystique, dans
Illuminations). On se rappelle ce passage d'Alchimie du verbe, dans
Une saison en enfer, où Rimbaud écrit : "J'aimais les
peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques,
enseignes, enluminures populaires; la littérature démodée, latin
d'église, livres érotiques sans orthographe, romans de nos aïeules,
contes de fées, petits livres de l'enfance, opéras vieux, refrains
niais, rhythmes naïfs." C'est bien à une toile de théâtre, ou à
une de ces "enluminures" ornant les "petits livres de
l'enfance", que ressemble le décor choisi par Rimbaud pour évoquer
la reprise des activités humaines à la fin du Déluge. Mais aussi sans
doute, le retour à l'ordre, après la Commune. Sous la mignardise de
l'image, en effet, on sent toujours présente l'inlassable productivité
allégorique de l'écriture rimbaldienne. Les deux métiers choisis
illustrent les piliers de notre civilisation : travail et commerce,
exploitation de la nature et profit économique. La satire est
imperceptible, mais nous sommes obligés de lire le texte avec ce que nous
savons par ailleurs de la personnalité de son auteur et en tenant compte
du contexte, notamment de la phrase suivante, où la tonalité satirique
explose.
5° alinéa : Répressions.
Avec la civilisation revint la violence
criminelle ("le sang coula"), résumée dans la figure de
Barbe-bleue, ogre parmi les ogres, personnage généralement associé au
souvenir de Gilles de Rais, maréchal de France, massacreur de femmes et
dévoreur de petits enfants. Mais, à l'époque de Rimbaud, on pouvait
trouver dans les journaux, caricaturé en Barbe-bleue moderne, celui qu'on
appelait le "tombeur de la Commune" : Adolphe Thiers. A la suite de cette allégorie, Rimbaud
développe l'idée de la violence par le mot "abattoirs" qui
évoque simultanément l'abattage des bêtes (violence éternelle) et les
lieux où, pendant la bien nommée "Semaine sanglante", on
exécutait en masse les communards (violence actuelle); puis, par le mot
"cirques" qui évoque à la fois les jeux du cirque où les
romains martyrisaient hommes et animaux (violence éternelle) et les
églises où, pendant la Commune, les Versaillais entassaient leurs
prisonniers (violence actuelle). Cette dernière interprétation est
suggérée par la proposition relative qui suit : "où le sceau de
Dieu blêmit les fenêtres". Cette expression rappelle en effet un
vers de Rimbaud (dans Les Pauvres à l'église) décrivant un
Crucifix "Qui rêve en haut, jauni par le vitrail livide". Ici,
peut-on croire, la lumière de l'arc-en-ciel ("le sceau de
Dieu"), diffusant à travers les vitraux des églises sa pâle
lumière, favorise ou tout au moins tolère les crimes que l'on y commet
en son nom. On pense aussi à l'indifférence de Dieu aux victimes de la
guerre dans le poème Le Mal. Il est difficile de doter d'un sens
bien précis la reprise finale : "le sang et le lait coulèrent". Le lait est sans doute pour Rimbaud un symbole polysémique : innocence,
fécondité, féminité.
6° alinéa : (Re)construction.
Avec la fin du déluge vint aussi le temps de
la reconstruction : les ouvriers du bâtiment se mirent à la tâche,
incarnés par l'animal emblématique de leur art : le castor. Dans ce
sixième verset encore, il est possible de discerner la superposition
d'une fable à caractère général (une sorte de réécriture du mythe du
Déluge) et d'une allégorie plus actuelle. Le second Empire,
sous l'impulsion du baron Haussmann, préfet de la Seine de 1853 à 1870, a
développé une politique de grands travaux d'architecture et d'urbanisme
qui transformèrent Paris. Cette modernisation de la capitale s'accompagna
d'une frénétique spéculation immobilière, dénoncée par les milieux
d'opposition et par la littérature (Zola : La Curée). On a d'ailleurs retrouvé
une caricature de
l'époque représentant le Baron Haussmann en un castor à la taille
monstrueuse, aux griffes menaçantes.
Jusqu'ici, nous avons toujours trouvé une unité
thématique dans les versets analysés. En est-il encore de même ici ?
Peut-être, de façon plus indirecte : les estaminets sont les petits
cafés populaires où les ouvriers (du bâtiment entre autres) vont boire
leurs "mazagrans", cafés arrosés d'eau de vie qui rappellent
par leur nom les guerres coloniales du XIX° siècle (l'origine
de cette appellation est le nom d'un village algérien où les troupes
coloniales françaises accomplirent un de leurs exploits en 1840). Peut-être
l'allusion n'est-elle pas involontaire, dans cet inventaire masqué des
tares de l'humanité.
7° alinéa : Illusions.
Cet univers issu du déluge, que l'on croyait
nouveau mais qui retombe en réalité dans toutes les turpitudes du
passé, des yeux sont là qui le regardent. Comme toujours, et en tous
lieux, il y a des enfants qui observent et qui commencent à juger le
monde que les adultes leur ont légué. Les adultes ne sont plus là : les
enfants sont en deuil; sans doute parce que leurs parents ont péri dans
le Déluge, peut-être aussi parce qu'ils ont été assassinés par les
Versaillais. Mais surtout : parce que les parents - et plus spécialement,
pour Rimbaud, les pères - ne sont jamais là lorsqu'il
s'agit de répondre aux questions que les enfants se posent. Tous les enfants sont orphelins. Ils regardent le monde
à travers une
vitre, car ils habitent une "maison de vitres". Il n'est pas
utile de chercher une référence réaliste derrière cette expression qui
est avant tout une belle allégorie de l'enfance. On dira si l'on veut que
c'est la maison familiale, ou l'école aux larges baies. Ces parois de
verre protègent les enfants de l'extérieur (elles sont "encore
ruisselante(s)" de la tempête) mais elles les enferment aussi dans
un cocon qui les sépare du réel. Les enfants ne connaissent ce réel que
par les "merveilleuses images" qu'on leur en montre :
illustrations des livres et catéchismes, représentations embellies des
contes et des poèmes, d'où proviennent aussi d'ailleurs ces images
d'après le déluge qui défilent devant nous depuis le début du texte.
Mais, comme nous l'avons bien compris, les "merveilleuses
images" sont trompeuses et cachent souvent d'atroces réalités. Ce
septième alinéa dénonce les illusions dans lesquelles on entretient
l'enfance des hommes.
8° alinéa : Évasion.
Cependant, il arrive qu'un enfant "claque la
porte" de sa maison de verre. Maintenant, il est décidé à
affronter la vie, dont l'épineuse et toutefois fascinante réalité est
symbolisée par une "éclatante giboulée" printanière. Le 8°
alinéa met en scène un départ. Un départ qui est aussi un envol,
suggéré par le geste des bras et par le mouvement ascensionnel qui
emporte l'image vers les "girouettes" et "les coqs de
clocher de partout". Le complément de lieu ("de partout")
ajoute à l'idée d'envol celle d'une extension indéfinie des horizons
qui s'ouvrent maintenant pour l'enfant. Ce motif rappelle beaucoup cette autre prose
des Illuminations intitulée Aube. Comme dans ce dernier
texte, on voit l'enfant déployer ses bras et prendre possession de
l'espace pour y exercer ses pouvoirs magiques. Dans Aube, il
s'agit d'enlever un à un les voiles de "la déesse" : l'enfant
se découvre le pouvoir de faire lever le jour. Ici, il se découvre une
mystérieuse complicité avec les "girouettes" et les "coqs
des clochers de partout". Cette intelligence secrète avec la nature
ou les objets inanimés est le
privilège des poètes, grâce à leurs facultés d'imagination et de
création. Nul doute qu'ici comme dans Aube, ce poète est Rimbaud
lui-même. Il n'est pas nécessaire d'accorder à ce récit d'évasion une
signification étroitement autobiographique. Mais ce n'est pas interdit
non plus, vu l'usage que le Poète lui même fait volontiers de sa propre
légende (cf. par exemple l'allusion à l'auberge verte dans Comédie
de la soif). La porte qui claque devient alors celle d'une certaine maison de
Charleville. Ce "printemps" est peut-être celui de 1870 où
Rimbaud commence la rédaction du Recueil de Douai, bientôt
suivie de sa première fugue. Ou encore cet autre printemps de 1871, année
de la Commune, où il décide de ne plus jamais retourner au collège, où
il fugue pour la troisième fois en direction de Paris, où il rédige -
dit-on - un "projet de constitution communiste" et où il écrit
"Merde à Dieu", à la craie, sur les bancs verts du square de
Charleville.
9° alinéa : Mystifications.
L'enfant, quoiqu'il en soit, a tout loisir
d'observer maintenant la société qui l'entoure. Le 9° et le 10°
alinéas sont consacrés à une satire des mœurs bourgeoises. Deux
thèmes distincts sont abordés par ce 9° verset.
La première phrase semble épingler le romantisme
conventionnel et, plus précisément sans doute, le bovarysme. Il est
possible que sa Madame ***, qui se donne le ridicule de
transporter son piano dans les Alpes pour y élever son âme, soit la Madame Bovary de Flaubert, archétype
de la petite-bourgeoise romanesque (voir rubrique "interprétations"). Admirable trouvaille que cette phrase
lapidaire, qui semble mimer une locution comme "bâtir des châteaux en
Espagne" ! Admirables, le choix du verbe "établir" qui laisse imaginer toute une
expédition, le télescopage insolite de ses deux substantifs
("Alpes" et "piano") qui génère un
véritable gag surréaliste avant la lettre, et les trois petites étoiles
de Madame *** parodiant malicieusement la fausse discrétion des potins
mondains !
La deuxième phrase est une charge
anti-cléricale qui rappelle le poème de 1871 intitulé Premières
communions. On peut y voir le monde prendre les proportions d'une
immense cathédrale, où se célèbrent partout la messe et les premières
communions, vision d'épouvante traduite par l'hyperbole des "cent
mille autels". La valeur dépréciative du passage n'est pas du tout
inscrite dans la littéralité de la phrase, qui pourrait parfaitement
être interprétée dans un autre contexte comme une description épique
et positive du triomphe de la foi. Mais le sens ironique ressort à la
fois de ce que nous avons compris dans le reste du poème et de ce que
nous savons de l'œuvre de Rimbaud : il s'agit d'une critique de la
mystification religieuse.
Au total, nous pouvons trouver dans ce verset une
certaine unité : la dénonciation du faux idéalisme bourgeois, qui se
manifeste aussi bien dans le domaine de l'art que dans celui de la
religion.
10° alinéa : Expéditions.
Une autre caractéristique du bourgeois : le sens
du commerce et la volonté d'étendre sa zone d'influence aux lointaines
contrées du monde. C'est pourquoi, "aussitôt que l'idée du déluge
se fut rassise", "les caravanes partirent". Les caravanes
évoquent les anciennes routes commerciales, la "route de la
soie", les chameaux traversant les déserts. Mais elles peuvent
désigner aussi les opérations militaro-financières de la 3°
République, qui n'attendirent pas longtemps pour se développer,
notamment en Afrique du nord, aussitôt après que la Commune eut été
démantelée. Un autre poème des Illuminations, Mouvement, évoque
non sans ironie un paquebot transportant des colons, ces nouveaux "conquérants du
monde", vers des pays lointains.
Parallèlement à l'expansion coloniale se
développa en occident la fascination de l'exotisme et du tourisme de
luxe. Ce thème est souvent présent dans les Illuminations .
Promontoire, par exemple, est la description de deux palaces
modernes réservés au luxe cosmopolite. Nous retrouvons exactement ce
thème dans la deuxième phrase du verset n°10. Un palace pour
millionnaires anglais, portant le nom de Splendide Hôtel avait été
construit à Paris en 1864 et fut détruit dans un incendie en 1872. C'est
ce nom que choisit Rimbaud - petit clin d'œil aux lecteurs de l'époque -
pour l'Hôtel qu'il imagine de construire "dans le chaos de glaces et
de nuit du pôle", c'est à dire en plein pôle nord. Façon de
raillerie à l'égard du goût contemporain pour les expéditions
exotiques. Comme pour le piano alpin de Madame Bovary soulignons la
cocasserie de l'idée, mise en valeur par le contraste stylistique entre
la platitude hyperbolique du nom de l'hôtel (Splendide) et la réellement
splendide métaphore qui l'accompagne (le "chaos de glace et de
nuit").
11° alinéa : Inversion.
Cet alinéa n'a reçu à notre connaissance
aucune interprétation convaincante. C'est donc avec une pleine conscience
de l'extrême difficulté, et en avertissant le lecteur, que nous risquons
la nôtre.
L'enfant a grandi, peut-être. En tout cas, le thème unificateur de ce verset
paraît être celui de l'amour. Plusieurs indices attirent l'exégèse dans cette
direction : la seconde phrase tout entière, avec Eucharis (la nymphe
aimée de Télémaque) et l'expression : "c'était le
printemps"; dans la première phrase, la présence du mot
"églogue" : une
églogue est un genre de poésie amoureuse naïve prenant pour héros des
bergers et des bergères (synonyme de pastorale).
Envisageons d'abord le début de la première phrase :
"Depuis lors, la Lune entendit ... " Il s'agit d'une
évocation nocturne, d'un clair de lune, poncif de la littérature
amoureuse romantique.
Notons ensuite l'absolue symétrie syntaxique de la
phrase : un unique groupe sujet-verbe ("la Lune entendit") commandant
deux groupes grammaticaux compléments d'objet direct à la construction
rigoureusement parallèle (nom + participe présent + complément de
lieu). Remarquons aussi que les deux groupes sont séparés
par un tiret, ce qui tend à les situer en opposition. Qui peuvent être ces "chacals piaulant (au clair de lune) par
les déserts de thym"? Et qui, ou quoi, ces "églogues en sabot
grognant (au clair de lune) dans le verger"?
Le second de ces compléments est le plus clair : les compléments
"en sabots" et "dans le verger" confirment le sens
bucolique du mot "églogue". Le verbe "grogne" indique sans hésitation possible
la tonalité satirique du passage : Rimbaud se moque des amours
prosaïques ("en sabots") et quelque peu bestiales
("grogne" évoque tout à fait le cochon). On connaît par
ailleurs la mièvrerie du genre pastoral.
Dans le premier complément, le verbe
"piauler" s'oppose par son sens au verbe "grogner" :
"piauler" se dit d'un animal qui pousse des cris aigus et
plaintifs. Poursuivons la méthode des allégories
animales, à la manière de La Fontaine, utilisée plus haut pour le
lièvre et les castors : de quel type d'humains le verbe piauler
pourrait-il fournir
l'allégorie ? À l'amour prosaïque oppose-t-il le crime vulgaire, comme
pourrait le faire penser le rapprochement avec Ville qui, après
avoir évoqué l'"amour désespéré", se termine sur le syntagme : "et
un joli Crime piaulant dans la boue de la rue". C'est la solution
proposée par Yves Denis. Antoine Fongaro voit par contre dans ce passage
une allusion littéraire. Si nous le suivions, en nous appuyant sur le contexte amoureux de la phrase, nous pourrions
voir dans ce "chacal piaulant"
l'amant délaissé exprimant sa souffrance. Rimbaud en outre l'imagine errant dans
un "désert de thym" (paysage oriental mais surtout désolé) et
le peint sous les traits d'un "chacal", animal mal-aimé s'il en
est, sorte de chien du désert doté par la nature d'un jappement
pitoyable dont les voyageurs décrivent unanimement l'effet lugubre. Rimbaud
pourrait donc se moquer ici de ces héros
souffreteux comme les a produits le romantisme, atteints par le "mal du siècle",
et qui pleurent leur
solitude et leurs déconvenues amoureuses à longueur de poèmes.
La première phrase du 11° verset récuse
donc à la fois deux styles poétiques et surtout deux attitudes
amoureuses représentant les deux pôles opposés de la conception
traditionnelle de l'amour : la sexualité triviale et la passion
romantique, malheureuse et sublimée.
Un adverbe de temps : "Puis" assure la
liaison avec la phrase suivante, ce qui suggère - pour la première fois
dans ce texte - une chronologie interne de l'histoire racontée.
Peut-être deux étapes d'une initiation amoureuse. Or, c'est aussi à ce moment précis du poème
qu'apparaît la première personne du singulier, le "je lyrique"
désignant le poète, signe possible d'une implication plus personnelle de
l'auteur ("Eucharis me dit").
Qui est donc Eucharis ?
Le
nom d'Eucharis constitue certainement une allusion au personnage portant ce nom dans le Télémaque
de Fénelon (1699), dont la lecture et l'étude détaillée ont longtemps
fait partie du programme incontournable des classes de collège.
Télémaque, fils d'Ulysse, étant parti à la recherche de son père,
s'éprend de la nymphe Eucharis,
compagne de Calypso, au point d'en oublier toute piété filiale et
d'abandonner la mission qui est la sienne. C'est le type de l'amour fou aux effets
dévastateurs. Par ailleurs, le décor de cette seconde phrase est tout
vibrant de sensualité printanière
(l'ombre violette des bois, la végétation bourgeonnante) et le discours
d'Eucharis est sans ambiguïté : "c'est le printemps" veut dire
: "c'est le temps de l'amour".
Tout laisse donc à penser que le narrateur vient
de faire la découverte de la véritable passion amoureuse, après avoir
été déçu par les deux formes ridicules de
l'amour évoquées dans la phrase précédente. Mais quelle est cette
passion décisive? Yves Denis propose Germain Nouveau (voir rubrique
"interprétations"). Pourquoi pas tout simplement Verlaine, dont
la rencontre en août 1871 coïncide avec les lendemains immédiats de la
Commune (18
mars-28 mai 1871) ? L'interprétation est certes hasardeuse. Pour la défendre, indiquons
toutefois : 1) que ce ne serait pas la première fois que Rimbaud aurait
déguisé sa liaison avec Verlaine sous l'apparence d'une relation
hétérosexuelle (Vierge folle, etc...); 2) qu'il n'y aurait rien
d'illogique à ce que Rimbaud -Télémaque, parti à la recherche d'un
père absent, ait cru trouver son Eucharis en Verlaine. Si cette hypothèse était la
bonne, il serait intéressant d'interpréter la place occupée par ce
verset dans la progression du texte juste avant l'appel final à la table
rase.
12° alinéa : Révolution.
Le verset 12 ne pose que peu de problèmes d'interprétation.
Il est surtout remarquable par sa belle facture oratoire, destinée à
mimer la montée de la colère parallèle à celle des eaux,
l'identification du narrateur aux éléments naturels qu'il commande
(verbes à l'impératif), et entraîne à la manière de l'enfant au 8°
verset. C'est, plus que tout, une étude rythmique. La phrase est fondée
sur une juxtaposition de groupes binaires, dynamisés par des anaphores et
des rythmes ascendants (on parle de rythme ascendant, lorsqu'une phrase
est composée de groupes grammaticaux de longueurs croissantes). Des
tirets marquent plus fortement que ne le feraient des signes de
ponctuation ordinaires les scansions principales définies pars
l'orateur.
"Sourds, étang," : la première
proposition est très brève (3 syllabes); le verbe sourdre, qui se dit
d'une source, du jaillissement de l'eau hors de la terre ou du roc, fait
contraste avec le destinataire de l'apostrophe, l' "étang", qui
est une étendue d'eau stagnante. Il s'agit bien sûr d'une allégorie de
la passivité, et donc aussi du peuple quand il accepte avec résignation
le sort qui lui est réservé, du peuple vaincu au moment de la Commune,
qui doit se relever et préparer une nouvelle Révolution.
"Écume, roule sur le pont et par dessus les
bois;" : le deuxième membre de phrase, plus long que le précédent,
est lui-même marqué par un allongement progressif de ses groupes
constituants (3/5/6); le "pont" et "les bois" sont
peut-être la vision d'un bateau submergé par la houle, l'arche du
Déluge; moins vraisemblablement les éléments d'un paysage recouverts
par l'inondation.
" draps noirs et orgues, − éclairs et
tonnerres, − montez et roulez;" : la troisième proposition est
séparée en trois sections par les tirets de manière à séparer les
quatre apostrophes en deux groupes binaires; le premier de ces groupes
développe l'idée de la mort et des destructions dues au déluge, le
second propose une image de l'orage; le verbe est lui-même dédoublé :
"monter" évoque la montée des eaux, "rouler" évoque
les vagues.
"Eaux et tristesses, montez et relevez les
Déluges" : encore un rythme ascendant (5/9); les noms en apposition
évoquent le lien de causalité entre le déluge et les
"tristesses" qui l'ont provoqué. Rimbaud nous a habitués à
cette comparaison
entre l'eau de la mer (Enfance II) ou de la rivière (Mémoire)
et les larmes. Voir par exemple : "Les nuées s'amassaient sur la haute mer faite d'une
éternité de chaudes larmes" (Enfance II). Le choix du verbe
"relevez", avec sa richesse de sens : remonter, mais aussi se
remettre debout, mais aussi prendre la relève, est une idée
particulièrement brillante ("relever" semble répondre à
"rassise" : Rimbaud joue sur la même ambivalence − physique/moral − dans Délires I : "Il
relevait les ivrognes dans les rues noires" et dans Génie :
"tous les agenouillages anciens et les peines relevés à sa
suite"). Le pluriel de "Déluges"
s'explique, dès lors qu'on substitue au fait du déluge, comme nous y
invite l'incipit du poème, "l'idée du déluge", c'est à dire
l'idée de la Révolte, c'est à dire toutes les révoltes concrètes,
individuelles et touchant à des domaines différents, englobées dans ce
concept à portée générale.
13° alinéa : Déréliction.
Le dernier verset s'annonce comme la suite
logique du discours du narrateur commencé dans le verset précédent. En
effet, il est − chose rare dans le texte − relié par un connecteur de
cause ("car") à la phrase du 12° alinéa. L'auteur va donc
justifier son appel au renversement du vieux monde. La répétition, dans
une incise, d'une phrase du début du texte ("− oh les pierres
précieuses s'enfouissant, et les fleurs ouvertes") vise d'abord un
effet de "bouclage" : le texte se termine comme il a commencé.
On remarque toutefois une infime variation : les fleurs qui
"regardaient déjà" sont maintenant "ouvertes",
preuve que du temps a passé et que l'"ennui" (au sens
baudelairien du terme) s'est installé. Par ailleurs, cette reprise
ramène l'idée du "trésor perdu", annonce la Sorcière,
détentrice d'un secret qu'elle refuse de révéler, et confirme
l'importance accordée par Rimbaud à cette thématique d'ordre
métaphysique. La sauvegarde ou le vol du feu est un poncif des mythes et
des vieilles légendes. La braise symbolise la Vérité, le secret détenu
par les dieux sur la signification de la création. Le pot de terre
protégeant son noyau de braise est peut-être une représentation
symbolique de la planète. La Sorcière, avec les pouvoirs surnaturels que
lui confèrent les contes enfantins, est une des multiples incarnations
possibles de l'idée de transcendance.
Le plus significatif, dans cette morale finale
c'est son apparente contradiction interne : en effet, le verset 13 affirme sans
discussion possible que les hommes ("nous") ne connaîtront
jamais le secret que leur dissimule la Sorcière; et c'est justement pour
cette raison ("car") qu'il faudrait que nous nous révoltions.
Or, à quoi bon se révolter, si cela même que nous cherchons à
atteindre est, à tout jamais, irrémédiablement perdu? Dans cette
apparente contradiction réside l'ambiguïté de la révolte rimbaldienne.
Comme Sisyphe, l'homme semble être contraint à remonter sans cesse le
rocher de la révolte, sans promesse de salut. Nul doute que Rimbaud ait
souhaité sincèrement, au moment où il écrit ce texte, une révolution
politique et sociale inspirée des thèses anarchistes ou marxistes.
Cependant, l'optimisme révolutionnaire semble incapable de contrebalancer
dans son for intérieur le sentiment
d'une irrémédiable déréliction.
Mais faut-il prendre au sérieux cette
métaphysique? Le stéréotype enfantin (la "sorcière") choisi
par Rimbaud pour décliner le thème du "Manque" indiquerait
plutôt de sa part une intention ludique et auto-ironique : frustrer le
lecteur d'un dénouement trop clair, le laisser sur une question sans
réponse, finir en pirouette, comme il en a l'habitude.
Bilan de lecture :
Après le Déluge est une forme d'apologue sur le thème de la révolte. Sa
morale, sisyphéenne, est simple : révoltons-nous, encore et toujours, et
même si le succès est improbable, tant que nous n'aurons pas découvert
le secret douloureux qui nous empêche d'être heureux. De la part de
Rimbaud, ce discours n'est pas inattendu. Dans Après le Déluge, le
poète semble s'interroger sur l'origine de sa propre révolte. Il y
découvre des causes socio-politiques (Barbe-bleue), psychologiques
(l'enfance en deuil, la maison de vitres), et métaphysiques (la
Sorcière).
La fable chargée d'illustrer cette morale
repose sur l'enchevêtrement de trois histoires :
− l'histoire du Déluge, c'est à dire l'Histoire
universelle, l'histoire de la civilisation depuis ses origines telle que la
racontent les mythes.
− l'histoire de la Commune, c'est à dire pour
Rimbaud l'histoire immédiate.
− l'histoire personnelle de l'auteur, sous la
forme stylisée et elle aussi quelque peu mythique qu'il a façonnée de
texte en texte : thèmes de l'enfance, du départ, du vagabondage,
réinvention de l'amour, etc...
Ces trois
histoires sont toutes trois des histoires de révoltes, de ruptures entre
l'ancien et le nouveau, ce
qui assure l'unité profonde du texte. Nous avons essayé de montrer
comment Rimbaud les articule soit en les alternant, soit en
les faisant avancer d'un même pas grâce à la polysémie des allégories
utilisées.
Reste
toutefois un mystère à éclaircir : comment un texte si difficile
parvient-il à intéresser et à plaire dès la première lecture et si
unanimement?
1) Notons d'abord un paradoxe : ce texte
hermétique possède en réalité une trame logique forte et, au
fond, d'une grande simplicité. Le lecteur est perdu dans le cheminement
de détail mais pas dans la ligne générale. Il en saisit dès la
première lecture les principales articulations : "quand le déluge
eut détruit le vieux monde, le nouveau se remit à tourner aussi mal
qu'avant, et il faut tout recommencer. Révoltons-nous! " Or, ce
qu'on comprend en premier et le plus facilement constitue, quoiqu'on en
pense, le plus important message du texte. Si bien que même le lecteur
qui dit : "je n'y comprends rien", en réalité, a fort bien
compris l'essentiel.
2) Rimbaud,
pour confectionner ce que nous avons appelé en introduction son alphabet
symbolique sélectionne des images fortes qui, même incomprises
dans leur valeur allégorique, séduisent le lecteur par leur beauté
plastique (la gravure du 4° alinéa); leur humour (des objets improbables
et cocasses comme le piano alpin de Madame X ou l'hôtel du pôle); leur
qualité poétique (des métaphores très visuelles, comme la grande
maison de vitres des enfants; et le superbe verset n°8 décrivant son
geste des bras lors de son "envol"); leur familiarité et leur
simplicité (stéréotypes du conte ou de la fable : Barbe-bleue, les
castors, le lièvre; la sorcière avec son pot de terre où elle abrite le
feu).
3) Le caractère
décousu du discours, dû à la juxtaposition sans enchaînements logiques
apparents d'allégories condensées au maximum, dépouillées de tout
développement explicatif ou descriptif, produit sur le lecteur une
séduisante impression de rapidité, de légèreté, de constantes
ruptures de ton, et il devine dans cet insolite montage un
hermétisme ludique qui, finalement, pique la curiosité plutôt qu'elle
ne décourage.
Le lecteur est
alors prêt pour une "seconde lecture", qui nécessitera
un véritable travail d'exégèse consistant à restituer la logique
secrète du récit et à redéployer les "textes" antérieurs
(symboles universels, poncifs contemporains, références littéraires,
auto-citations, etc...) dont le texte rimbaldien est en partie la réécriture. Mais
cela, c'est une toute autre affaire, comme le montre la diversité des
gloses proposées et l'accumulation des documents et des preuves versés
au dossier, des années durant, par une émérite critique rimbaldienne
(voir la rubrique "interprétations"). 
|
Bibliographie |
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L'Énigme des Illuminations, par Antoine Adam, dans la Revue
des Sciences Humaines, pages 221-245, octobre-décembre 1950. |
Rimbaud par lui-même, par Yves Bonnefoy, pages 153-156,
1961.
|
Glose d'un texte de Rimbaud : Après le
Déluge, par Yves
Denis, dans Les Temps modernes n° 260, pages 1261-1276, janvier
1968. |
Le Thème de la voyance dans Après
le Déluge, Métropolitain et Barbare, par Margaret
Davies, dans La Revue des lettres modernes, n°323-326, Série
Arthur Rimbaud, Minard, pages 19-39, 1972. |
Poème en prose et écriture parodique, par Martine
Bercot, dans
Minute d'éveil - Rimbaud maintenant, SEDES, pages 91-97, 1984. |
Pour l'exégèse d'Illuminations, par Antoine Fongaro,
dans Studi francesi sept.-déc.1969, repris dans dans Lire Illuminations,
Publications de l'Université de Toulouse-le-Mirail, pages 21-30, 1985. |
Après le Déluge, par André
Guyaux, dans Illuminations, texte établi et commenté par
André Guyaux, Á la Baconnière, pages 235-240, 1985. |
Après le Déluge : l'écriture
des êtres de rêverie et la parodie, par Jean-Pierre Giusto, dans Parade
sauvage, n°2, pages 72-79, 1985. |
Après le Déluge
: une lecture, par Jacques Plessen, dans Parade sauvage
n°4, pages 11-21, avril 1986. |
Dans les marges historiques d'une Illumination, par Steve Murphy, dans Littératures
n°14, pages 140-143, printemps 1986. |
Des Castors et des Hommes, par Antoine Fongaro, dans Littératures
n°8, automne 1983, repris dans dans Lire Illuminations,
Publications de l'Université de Toulouse-le-Mirail, pages 49-53, 1985.
Voir aussi : pour les castors , dans "fraguemants"
rimbaldiques, Presses universitaires de Toulouse-Mirail, pages 14-15, 1989. |
"Un
déluge doublement symbolique", par Claude Zissmann, Parade
sauvage, Colloque n°3, 5-10 septembre 1991, p.180-187,
Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, 1992. |
"Blake,
Rimbaud, Marx : d'Après le Déluge à Soir historique",
par Edward J. Ahearn, Parade sauvage, Colloque n°3, 5-10
septembre 1991, p.170-179, Musée-Bibliothèque Arthur Rimbaud, 1992. |
Après le Déluge, par Albert Henry, dans Contributions
à la lecture de Rimbaud, Académie royale de Belgique, pages 17-40,
1998 (Reprise augmentée de Lecture de quelques Illuminations,
1989). |
Sur les vers mesurés dans Illuminations, par
Antoine Fongaro, dans "fraguemants" rimbaldiques, Presses
universitaires de Toulouse-Mirail, page 24, 1989 (sur une rature du
manuscrit d'Après le Déluge). |
Après le
Déluge et la poétique, par Antoine Fongaro, dans Matériaux
pour lire Rimbaud, Presses Universitaires du Mirail - Toulouse, pages
46-52, 1990. |
Rimbaud et les poncifs du jour (Notes sur Après le
Déluge),
par Bruno Claisse, dans Parade Sauvage, Colloque n°2, Rimbaud "à
la loupe", pages 149-156, 1990. |
Et le Splendide Hôtel fut bâti dans le chaos de glaces et de nuit
du pôle ..., par Michael Pakenham, dans Parade Sauvage, Colloque n°2,
Rimbaud "à la loupe", pages 157-163, 1990. |
Déluges avant Aprés le Déluge (pages 33-37); Les
chacals piaulant (pages 38-40); Un lièvre, l'araignée, les
castors, les chacals (pages 86-97), par Antoine Fongaro, dans Rimbaud,
texte, sens et interprétations, Presses Universitaires du Mirail -
Toulouse, 1994. |
Une lecture de Après le Déluge, par Christophe Chabbert,
dans Arthur Rimbaud, Oeuvres poétiques, Parcours de lecture,
Bertrand-Lacoste, pages 108-118, 2000. |
Trois notes pour Illuminations,
par Antoine Fongaro, dans Parade Sauvage n° 17-18, août 2001
(première partie de cet article, "Les mazagrans
fumèrent", pages 174-175). |
Après le Déluge,
par Sergio Sacchi, dans Études sur les Illuminations de
Rimbaud, pages 41-63, Presses de l'Université de Paris-Sorbonne, 2002. |
Après le Déluge, par Pierre Brunel, dans
Éclats de
la violence, Pour une lecture comparatiste des Illuminations, Corti,
pages 39-61, 2004.
|
Lecture fragmentée
d'Après le Déluge, par Antoine Fongaro, pages 63 à 107
de De la lettre à l'esprit. Pour lire Illuminations,
Champion, 2004. Reprise de l'ensemble des articles signalés
ci-dessus.
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