"Enfance II"
est une variation poétique sur le thème du passé perdu
et du souvenir. Or, face à la perte, la nostalgie peut
s'exprimer de différentes façons :
- par la dénégation : ce qu'on croyait perdu
est toujours là, vivant, sous nos yeux (registre
du fantastique ou, du moins, de l'étrange, § 1) ;
- par la déploration : la perte laisse au
narrateur le sentiment d'un vide irrémédiable (registre pathétique, §
2-3) ;
- par la sublimation : le passé, embelli,
apparaît comme un paradis perdu dont le souvenir illumine encore la vie
du poète (registre merveilleux, § 4).
Probablement Rimbaud a-t-il séparé les paragraphes 2 et 3 parce
qu'ils appliquent le sentiment du vide l'un à des lieux bâtis
(maison, auberge, château, église), l'autre à la campagne. Ce
qui permet d'établir le plan suivant : §1-les chers disparus ;
§2-les maisons abandonnées ; §3-les paysages déserts ; §4-le
narrateur lui-même, l'enfant qu'il a été, son paradis perdu.
Les évocations
d'"Enfance II" avaient-elles vraiment pour Rimbaud
une valeur autobiographique comme la critique rimbaldienne l'a
parfois supposé ? C'est difficile de l'affirmer.
Tout au plus peut-on estimer que les attitudes mentales
illustrées par
le poème correspondent
assez bien à des sentiments que Rimbaud, enfant, a sans doute
éprouvés, d'après ce que nous savons de sa vie : la solitude, l'impression d'être abandonné, et cette approche anxieuse de
l'âge adulte comme s'il s'agissait d'une catastrophe annoncée, cette
certitude d'un avenir funeste, fait de souffrances et de révoltes, qui
s'expriment dans la
dernière phrase du poème.
Panorama
critique et commentaire
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