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Une préface signée Arthur Rimbaud

 
 

Consignes pour la préparation du devoirPréfaces de recueils poétiques
Sommaires de recueils poétiques
 | Travaux d'élèves 

 

Sujet d'invention :           
         
Vous supposerez que Paul Demeny, le poète et éditeur rencontré par Rimbaud à Douai par l’intermédiaire de son ancien professeur Georges Izambard, accepte de publier à La Librairie artistique les vingt-deux poèmes qu’Arthur vient de lui confier. Dans cette intention, il demande au jeune auteur un titre et une préface justifiant leur publication sous forme de recueil. Vous pouvez donner à votre préface la forme d'une lettre de dédicace au personnage de votre choix (à l'éditeur Paul Demeny, à l'ancien professeur Georges Izambard, à Théodore de Banville ou à un autre poète de l'époque, à Nina, à une servante d'auberge, à sa mère ... pourquoi pas).

          Vous rédigez cette Préface.

 

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Consignes pour la préparation du devoir :


Les attentes du correcteur : 

1)  Il est demandé une « préface ». Vous devez donc avoir une petite idée de ce qu’on pouvait trouver dans la préface d’un recueil de poèmes au XIX° siècle. On pourra lire notamment les préfaces de Victor Hugo pour Les Contemplations et de Charles Baudelaire pour Le Spleen de Paris. Comme Baudelaire dans Le Spleen de Paris, vous pourrez concevoir votre préface comme une lettre de dédicace. 

2)  Il est demandé que cette préface « justifie » la publication des 22 poèmes « sous forme de recueil ». Il s’agit donc partiellement d’une argumentation. Si Paul Demeny exige une telle « justification » de la part de son auteur, c’est qu’il considère qu’un recueil de poèmes doit répondre à certaines règles de contenu et de composition. Vous devrez donc vous demander : qu’est-ce qu’un recueil de poèmes au XIX° siècle ? Pour en avoir une idée plus précise, vous pourrez observer les sommaires respectifs de deux recueils célèbres : Les Contemplations et Les Fleurs du mal.

3)  Il est demandé un texte en prose signé Arthur Rimbaud : il s’agit donc d’un exercice de pastiche, exigeant de vous une connaissance minimum du style de l’auteur dans ses textes en prose : ses lettres de 1870 notamment. 

4) Il est demandé un titre : choisissez avec soin un titre qui puisse accrocher le lecteur, suggérer l’originalité et la thématique de l'œuvre. Vous pouvez éventuellement choisir comme titre une expression de Rimbaud lui-même, tirée d'un de ses poèmes ou d'une de ses lettres, bien caractéristique de ses idées, de son ton ou de son style en cette année 1870. Votre texte devra inclure ce titre et le justifier d’une façon directe ou indirecte.

5)  Il est demandé de se projeter par l’imagination dans une période précise de l’histoire littéraire, mettant en scène des personnages ayant réellement existé. Vous devrez veiller à respecter ces données : éviter les anachronismes, tenir compte de la psychologie des personnages (ce que nous savons de Rimbaud notamment) et de la situation d'énonciation proposée par le sujet (situation non conforme à la réalité historique mais correspondant à une éventualité plausible).

6)  Enfin, au delà des ces contraintes, vous n'oublierez pas que le premier souci d’un auteur dans une préface, c’est de plaire et de donner envie de lire. Il faudra donc faire preuve d’originalité, de spontanéité, d’humour peut-être, et mettre habilement en valeur l’intérêt de l’œuvre sans indisposer le lecteur par « des airs de réclame », comme dit Rimbaud dans A la Musique.

 

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Préfaces de recueils poétiques au XIX° siècle

 

           QUESTIONS.

1) Le thème et le titre du recueil. Relevez dans chacun des documents un ou plusieurs passages justifiant indirectement le titre et définissant le thème principal du recueil.
2) Le plan du recueil . Quelle différence constatez-vous dans la façon dont ces deux préfaces présentent le plan du recueil ?
3) Le destinataire. Repérez dans chacune des préfaces les marques du destinataires.
4) La mise en valeur des qualités de l’ouvrage : Quels arguments ou quelles stratégies de persuasion utilise chacun des deux auteurs pour persuader son destinataire de l’intérêt de l’ouvrage ?

 

Document 1

VICTOR HUGO (1802-1885)
Les Contemplations, 1856.

Préface


        Si un auteur pouvait avoir quelque droit d'influer sur la disposition d'esprit des lecteurs qui ouvrent son livre, l'auteur des Contemplations se bornerait à dire ceci : Ce livre doit être lu comme on lirait le livre d'un mort.
        Vingt-cinq années sont dans ces deux volumes. Grande mortalis aevi spatium. L'auteur a laissé, pour ainsi dire, ce livre se faire en lui. La vie, en filtrant goutte à goutte à travers les événements et les souffrances, l'a déposé dans son cœur. Ceux qui s'y pencheront retrouveront leur propre image dans cette eau profonde et triste, qui s'est lentement amassée là, au fond d'une âme.
        Qu'est-ce que les Contemplations? C'est ce qu'on pourrait appeler, si le mot n'avait quelque prétention, les Mémoires d'une âme.
        Ce sont, en effet, toutes les impressions, tous les souvenirs, toutes les réalités, tous les fantômes vagues, riants ou funèbres, que peut contenir une conscience, revenus et rappelés, rayon à rayon, soupir à soupir, et mêlés dans la même nuée sombre. C'est l'existence humaine sortant de l'énigme du berceau et aboutissant à l'énigme du cercueil; c'est un esprit qui marche de lueur en lueur en laissant derrière lui la jeunesse, l'amour, l'illusion, le combat, le désespoir, et qui s'arrête éperdu "au bord de l'infini". Cela commence par un sourire, continue par un sanglot, et finit par un bruit du clairon de l'abîme.
        Une destinée est écrite là jour à jour.
        Est-ce donc la vie d'un homme? Oui, et la vie des autres hommes aussi. Nul de nous n'a l'honneur d'avoir une vie qui soit à lui. Ma vie est la vôtre, votre vie est la mienne, vous vivez ce que je vis; la destinée est une. Prenez donc ce miroir, et regardez-vous-y. On se plaint quelquefois des écrivains qui disent moi. Parlez-nous de nous, leur crie-t-on. Hélas! quand je vous parle de moi, je vous parle de vous. Comment ne le sentez-vous pas? Ah! insensé, qui crois que je ne suis pas toi!
        Ce livre contient, nous le répétons, autant l'individualité du lecteur que celle de l'auteur. Homo sum. Traverser le tumulte, la rumeur, le rêve, la lutte, le plaisir, le travail, la douleur, le silence; se reposer dans le sacrifice, et, là, contempler Dieu; commencer à Foule et finir à Solitude, n'est-ce pas, les proportions individuelles réservées, l'histoire de tous?
        On ne s'étonnera donc pas de voir, nuance à nuance, ces deux volumes s'assombrir pour arriver, cependant, à l'azur d'une vie meilleure. La joie, cette fleur rapide de la jeunesse, s'effeuille page à page dans le tome premier, qui est l'espérance, et disparaît dans le tome second, qui est le deuil. Quel deuil? Le vrai, l'unique: la mort; la perte des être chers.
        Nous venons de le dire, c'est une âme qui se raconte dans ces deux volumes. Autrefois, Aujourd'hui. Un abîme les sépare, le tombeau.

 

V. H. Guernesey, mars 1856.

 Document 2

CHARLES BAUDELAIRE (1821-1867)
Le Spleen de Paris,1869.


Á  ARSÈNE HOUSSAYE*


     Mon cher ami, je vous envoie un petit ouvrage dont on ne pourrait pas dire, sans injustice, qu'il n'a ni queue, ni tête, puisque tout, au contraire y est à la fois tête et queue, alternativement et réciproquement. Considérez, je vous prie, quelles admirables commodités cette combinaison nous offre à tous, à vous, à moi et au lecteur. Nous pouvons couper où nous voulons, moi ma rêverie vous le manuscrit, le lecteur sa lecture. Enlevez une vertèbre, et les deux morceaux de cette tortueuse fantaisie se rejoindront sans peine. Hachez-la en nombreux fragments, et vous verrez que chacun peut exister à part. Dans l'espérance que quelques-uns de ces tronçons seront assez vivants pour vous plaire et vous amuser, j'ose vous dédier l'ensemble du serpent tout entier.
     J'ai une petite confession à vous faire. C'est en feuilletant, pour la vingtième fois au moins, le fameux Gaspard de la nuit d'Aloysius Bertrand (un livre connu de vous, de moi, et de quelques-uns de nos amis, n'a-t-il pas tous les droits d'être appelé fameux ?), que l'idée m'est venue de tenter quelque chose d'analogue, et d'appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d'une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu'il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.
     Quel est celui de nous qui n'a pas, dans ses jours d'ambition, rêvé le miracle d'une prose poétique, musicale sans rythme et sans rime, assez souple et assez heurtée pour s'adapter aux mouvements lyriques de l'âme, aux ondulations de la rêverie, aux soubresauts de la conscience?
     C'est surtout de la fréquentation des villes énormes, c'est du croisement de leurs innombrables rapports que naît cet idéal obsédant. Vous-même, mon cher ami, n'avez-vous pas tenté de traduire en une chanson le cri strident du Vitrier, et d'exprimer dans une prose lyrique toutes les désolantes suggestions que ce cri envoie jusqu'aux mansardes, à travers les plus hautes brumes de la rue?
     Mais, pour dire le vrai, je crains que ma jalousie ne m'ait pas porté bonheur. Sitôt que j'eus commencé le travail, je m'aperçus que non seulement je restais bien loin de mon mystérieux et brillant modèle, mais encore que je faisais quelque chose (si cela peut s'appeler quelque chose) de singulièrement différent, accident dont tout autre que moi s'enorgueillirait sans doute, mais qui ne peut qu'humilier profondément un esprit qui regarde comme le plus grand honneur du poëte d'accomplir juste ce qu'il a projeté de faire.
     Votre bien affectionné,

                                                        C.B.

 

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* Arsène Houssaye était poète et directeur de revues. Cette dédicace avait été placée par Baudelaire en tête de ses Petits poèmes en prose ( premier titre du Spleen de Paris ), lorsqu’il les avait publiés, en 1862, dans l’une des revues d’Arsène Houssaye. Elle a été ensuite conservée en guise de Préface dans toutes les éditions ultérieures de l’œuvre.

 

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Un recueil de poésie au XIXe siècle

       Qu’est-ce qu’un recueil de poésie ? En observant le sommaire (non détaillé) des recueils « Les Contemplations » de Victor Hugo et « Les Fleurs du Mal » de Charles Baudelaire, précisez quelles sont les caractéristiques habituelles d’un recueil de poésie au XIXe siècle :

 

LES CONTEMPLATIONS

AUTREFOIS (1830-1843)

LIVRE I : AURORE 19
LIVRE II : L’ ÂME EN FLEUR 95
LIVRE III : LA LUTTE ET LES RÊVES 149

AUJOURD’HUI (1843-1855)

LIVRE IV : PAUCA MEAE  253
LIVRE V : EN MARCHE 295
LIVRE VI : AU BORD DE L’ INFINI 375

LES FLEURS DU MAL

 

SPLEEN ET IDÉAL 7
TABLEAUX PARISIENS 89  
LE VIN 117  
FLEURS DU MAL 127  
RÉVOLTE 141

LA MORT

149