Rimbaud, le poète (accueil)  > Bibliographie > Notes de lecture > Le Cercle zutique


 

LE CERCLE ZUTIQUE

Un ouvroir de poésie libertaire au lendemain de la Commune

Bernard Teyssèdre, Arthur Rimbaud et le foutoir zutique, Éditions Léo Scheer, 2011.
Seth Whidden (dir.), La Poésie jubilatoire. Rimbaud, Verlaine et l'Album zutique, Classiques Garnier, Collection "Études rimbaldiennes", 2011.


   Exception faite de quelques pièces d'accès relativement facile et à l'audace réjouissante telles que le Sonnet du trou du cul ou Les Remembrances du vieillard idiot, l'Album zutique a longtemps opposé au lecteur des obstacles décourageants. Allez saisir le sel de textes qu'on dit truffés de plaisanteries à usage privé, de sous-entendus égrillards ou politiques, destinés pour beaucoup d'entre eux à la parodie de poètes que personne ne lit plus, sauf les spécialistes. Mais les choses sont en train de changer grâce aux progrès de l'édition et de la critique, et l'on peut dire que le lecteur curieux de ces textes a désormais quelques bons outils à sa disposition.
 

   Les études zutiques se sont multipliées ces dernières années sur la lancée des travaux de Steve Murphy. L'Album zutique dans sa totalité a été réédité en avril 2008 par les Éditions du Sandre, sous forme de fac-similé de l'édition savante procurée par Pascal Pia en 1962. Les appareils de notes des éditions courantes se font plus consistants grâce aux apports de chercheurs comme, notamment, David Ducoffre. Certains textes ont fait l'objet d'exégèses particulièrement éclairantes. Le poème intitulé Paris, par exemple, a inspiré coup sur coup quatre microlectures (de Steve Murphy, Yves Reboul, Bernard Teyssèdre, Robert St. Clair) dévoilant sa visée politique et montrant sa profonde originalité. Enfin, l'essai de Bernard Teyssèdre (désormais B.T.) et l'ouvrage collectif publié chez Garnier sous la direction de Seth Whidden (désormais S.W.), premières études de cette ampleur qui aient été consacrées au livre d'or du Cercle zutique, viennent d'accroître d'un coup, considérablement, la bibliographie disponible. On peut les compter d'ores et déjà parmi les indispensables du rimbaldisme.


Deux indispensables du rimbaldisme
  
   Le génial bouquin paru récemment chez Garnier explore l'Album zutique sous tous les angles. Certains articles tentent de mettre au point l'historique de sa création et la chronologie interne des textes (ceux de Rimbaud surtout). Plusieurs auteurs analysent ce qui constitue le groupe en tant que groupe, son éthique collective, sa place dans le champ littéraire au XIXe siècle, certaines caractéristiques communes de son écriture. La plus grande partie des contributions s'attache à éclairer le sens des textes : microlectures de poèmes, recherche des sources littéraires parodiées, élucidation des références musicales, la vieille romance, l'opérette, le répertoire du café-concert, la chanson de salle de garde constituant des sources d'inspiration privilégiées pour cet "ouvroir" de parapoésie que fut le Cercle zutique (je prends évidemment le mot "ouvroir" au sens de l'Oulipo).

                  Philippe Lecrenier 
        

   L'essai de Bernard Teyssèdre étudie un à un les textes de Rimbaud, mais pas du tout comme dans les habituels recueils de commentaires. Il suit presque jour après jour la vie du Cercle pendant les cinq à six semaines qu'ont duré, d'après l'auteur, sa cohésion et son activité effective (du 15 octobre à la fin novembre 1871 tout au plus). Les pages où Teyssèdre expose les résultats de son enquête sur ces questions de chronologie, tant dans l'ouvrage collectif Garnier (S.W. p.33-52) que dans son propre bouquin (B.T. p.117-131, 493-506) sont d'ailleurs parmi les plus passionnantes de l'ensemble. En tentant de restituer autour des textes la vie même du Cercle, en prenant en compte la dynamique de groupe qui s'y développe et se reflète dans le travail de création, il parvient à éclairer de façon nouvelle et très intéressante beaucoup de ces textes. Il met en évidence la fonction stratégique dévolue par Verlaine au Sonnet du trou du cul pour sélectionner au sein de la mouvance parnassienne les esprits les plus libres susceptibles d'appartenir au groupe zutique. Il analyse dans Jeune goinfre et quelques autres textes le reflet des agaceries de Rimbaud à l'égard de Verlaine (et les réactions irritées de ce dernier sur l'Album). Il suggère que dans Les Remembrances du vieillard idiot, Rimbaud, en même temps que Coppée, chambre le "vieux" (38 ans) Cabaner qui lui a fait des propositions malhonnêtes dans le fameux À Paris, que fais-tu poète, / De Charleville s arrivé ? L'auteur cherche à resituer l'expérience zutique de Rimbaud dans le cadre de sa biographie. Il y a quelque chose du roman dans la façon dont il raconte l'histoire du zutisme (ce qui contribue au charme et à la fécondité de sa démarche mais n'est pas toujours sans inconvénient : une tendance à l'approximation, voire à l'invention dans les références biographiques). Teyssèdre montre aussi la répercussion dans les textes de l'actualité littéraire et politique. Il y relève des allusions aux manœuvres restaurationnistes des monarchistes et des bonapartistes dans les mois qui ont suivi la Commune, aux campagnes de Monseigneur Dupanloup contre la laïcisation de l'enseignement, aux compromissions de certains collègues parnassiens avec l'Empire ou avec Versailles, aux succès faciles remportés par Coppée sur les scènes parisiennes avec ses pièces d'un moralisme affligeant. Et comme, en outre, l'entreprise est véritablement encyclopédique (775 pages) et que le bouquin est truffé d'informations historiques, de références critiques, d'hypothèses d'interprétation, la lecture est toujours suggestive et enrichissante, même quand, parfois, les thèses défendues peuvent paraître contestables.

   

Une existence à la fois très brève et très intense

   Michael Pakenham, dans un exposé extrait de sa thèse de doctorat (Une revue d'avant-garde au lendemain de 1870 : La Renaissance littéraire et artistique), démontre que les productions littéraires consignées dans l'Album zutique émanent en fait de deux groupes distincts agissant à deux moments différents.

   Le premier était constitué d'une quinzaine de personnages dont le nom apparaît dans le texte Propos du cercle (feuillet 2, recto) qui sert en quelque sorte d'introduction au recueil :
 

Propos du Cercle

(Mérat)       Cinq sous ! C'est ruineux ! Me demander cinq sous ?
                 Tas d'insolents !... (Penoutet) Mon vieux ! je viens du café Riche ;
                 J'ai vu Catulle... (Keck) Moi, je voudrais être riche. —
(Verlaine)    Cabaner, de l'eau d'aff !... (H. Cros) Messieurs, vous êtes saoûls !

(Valade)      Morbleu, Pas tant de bruit ! La femme d'en dessous
                 Accouche... (Miret) Avez-vous vu l'article sur l'Autriche
                 Dans ma revue ?... (Mercier) Horreur ! Messieurs, Cabaner triche
                 Sur la cantine ! (Cabaner) Je ... ne .. pu..is répondre à tous !

(Gill)           Je ne bois rien, je paye ! Allez chercher à boire,
                 Voilà dix sous ! (Ane Cros) Si ! Si ! Mérat, veuillez m'en croire,
                 Zutisme est le vrai nom du cercle ! (Ch. Cros) En vérité,

                 L'autorité, c'est moi ! C'est moi l'autorité...
(Jacquet)    Personne au piano ! C'est fâcheux que l'on perde
                 Son temps, Mercier, jouez le Joyeux Viv....... (Rimbaud) Ah ! merde !

Léon Valade    J.Keck           

Il faut ajouter à ces noms celui de Camille Pelletan. Ce premier groupe a créé l'album en octobre 1871 et, d'après Pakenham, a cessé d'être actif au plus tard en décembre 1871 (S.W. p.23-24). Bernard Teyssèdre, dont l'article est consacré à une enquête minutieuse sur la datation des contributions de Rimbaud propose une chronologie "hypothétique" plus resserrée encore, allant du 15 (ou 16) octobre (Sonnet du trou du cul) au 17 (ou 18) novembre (Ressouvenir). Nous y reviendrons.

   Le second groupe, "le groupe de Richepin" (S.W. p.23), incluant Nouveau, Bourget et Ponchon, aurait ajouté ses contributions à l'album au cours de l'hiver 1872-1873, à une époque où Rimbaud et Verlaine ne se trouvaient plus à Paris (depuis juillet 72). C'est Charles Cros qui le leur aurait prêté, nous apprend Denis Saint-Amand (S.W. p.67). Les membres de ce deuxième groupe, outre les feuillets 27 à 30, auraient utilisé pour y déposer leurs œuvres quelques blancs disponibles parmi les feuillets 1 à 26 ayant servi aux initiateurs de l'album, ce qui a pu faire croire de façon erronée que certains d'entre eux avaient participé aux séances de 1871. 

   Bernard Teyssèdre (B.T. p.117-131, 493-506 et S.W. p.33-52)  parvient à reconstituer l'enchaînement chronologique des contributions rimbaldiennes à l'Album zutique en s'appuyant sur quelques principes de méthode qui paraissent assez rigoureux :

  • une fois écartés les textes insérés après coup en 1872-1873 dans les blancs disponibles, on fera l'hypothèse que les textes de l'Album s'enchaînent chronologiquement, c'est-à-dire que les membres ont utilisé l'Album à la manière d'un carnet de bord, inscrivant leurs productions à la suite les unes des autres, se répondant parfois les uns aux autres, inscrivant leurs avis de passage sur la dernière page noircie ... hypothèse qui se confirme lorsqu'on croise les critères ci-après mentionnés ;

  • certains textes datés sur les manuscrits fournissent un premier point d'ancrage ;

  • plusieurs textes font allusion à des circonstances biographiques ou à des événements extérieurs à la vie du Cercle dont on connaît la date (l'auteur les a repérés et/ou contrôlés en dépouillant minutieusement deux journaux : Le Figaro et Le Rappel).
     



Vignette de l'Hôtel des Étrangers figurant sur la couverture de l'Album.
Les Zutistes s'étaient aménagé un local (avec bar et piano) dans une chambre du 3e étage
de cet établissement situé à l'angle de la rue Racine et de la rue de l'École de médecine.


Ces éléments permettent, de proche en proche, d'esquisser une chronologie hypothétique (comme l'a rappelé David Ducoffre, plusieurs de ces éléments avaient déjà été signalés par lui-même dans son article "Rimbaud, vilain bonhomme et poète zutique". Cf. Réponse de David Ducoffre à Bernard Teyssèdre, blog Rimbaudivre, 2 avril 2011).

   Voici à titre d'exemple le faisceau d'indices que mobilise Bernard Teyssèdre pour dater l'installation des Zutistes dans leur local, dont il suppose qu'elle a correspondu avec la mise en service de l'Album (j'espère ne pas trop trahir la pensée de l'auteur en tentant de résumer en quelques lignes une démonstration complexe étalée sur une bonne dizaine de pages) :

  • Valade a inscrit sur le feuillet 10 un poème qu'il a daté du 22 octobre ; Sivry a griffonné sur le feuillet 9 un bref message faisant allusion au drame de Coppée Fais ce que dois donné le 21 octobre à l'Odéon. À cette date connue (21-22 octobre), le Cercle est donc déjà installé et de nombreux poèmes ont été inscrits sur les feuillets 1 à 9 de l'Album.

  • Or, Mercier, un des membres fondateurs dont le nom apparaît dans Propos du Cercle, a déclaré dans une interview avoir reçu chez lui le 17 octobre Arthur Rimbaud qu'on lui avait présenté chez Antoine Cros "quelques jours" avant ; à cette autre date connue, donc ("quelques jours" avant le 17 octobre), la séance décrite dans Propos du cercle, où Mercier et Rimbaud assistaient de concert, n'avait pas encore eu lieu.

  • Il est probable, pense l'auteur, que le local de l'Hôtel des Étrangers était loué au mois où à la quinzaine et que son inauguration évoquée dans Propos du Cercle a eu lieu un week-end : sans doute le samedi 15 ou le dimanche 16 octobre (car si Mercier a situé sa première rencontre avec Rimbaud chez Cros "quelques jours" avant le 17 octobre, on peut difficilement situer la création du Cercle au 1er octobre, ce qui reporterait la dite rencontre au mois de septembre).

  • Enfin l'intervalle temporel entre le 15-16 et le 21 octobre, bien que fort bref, paraît suffisant pour justifier le grand nombre des poèmes inscrits dans les 9 premiers feuillets. Les poètes ont apparemment inscrit à tour de rôle dans les premières pages de leur livre d'or des textes préparés à l'avance à cet effet, ce qui explique l'exceptionnelle productivité de ces premiers jours d'existence du Cercle.

   Tout cela reste sans doute un peu aléatoire, mais le raisonnement paraît solide. Je ne tente pas de résumer une démonstration d"ensemble par trop complexe. Mais voici les conclusions qu'en tire l'auteur (je m'appuie sur son propre tableau, B.T. p.506 et S.W. p.51-52) concernant la chronologie des inscriptions rimbaldiennes :
 

DATES PRÉSUMÉES

TITRES

FEUILLETS
15 (ou 16) octobre Sonnet du trou du cul
Lys
2 verso
16 octobre Vu à Rome
Fête galante
"J'occupais un wagon..."
"Je préfère sans doute..."
"L'Humanité chaussait..."
3 recto
18 octobre Jeune goinfre
Paris
6 v°
19 (ou 20) octobre Cocher ivre 8 v°
21 (ou 20) octobre Vieux de la vieille ! 9 r°
21 octobre État de siège ? 9 r°
22 octobre Le balai 9 v°
1er novembre Exil 12 r°
2-4 novembre L'Angelot maudit
"Mais enfin, c.."
"Les soirs d'été..."
Bouts-rimés
"Aux livres de chevet..."
12 v°
13 r°
13 r°
14 v°
15 r°
Entre le 7 et le 10 novembre Hypotyposes saturniennes 22 r°
Entre le 13 et le 16 novembre Les remembrances du vieillard idiot 25 r°
17 ou 18 novembre Ressouvenir 25 v°


   L'activité du Cercle zutique (le premier, celui auquel Rimbaud a participé) a donc été à la fois très brève et très intense, comme en témoigne le nombre impressionnant des textes émanant des deux principaux contributeurs : Rimbaud et Valade ("vingt-quatre chacun", dit Pakenham, S.W. p.28, vingt-deux pour Rimbaud, corrige David Ducoffre, op.cit. 2 avril 2011).


Qu'est-ce que le zutisme ?

   "Le cercle zutique, écrit Michael Pakenham, fut la cristallisation, à l'arrivée de Rimbaud à Paris, d'un groupement — la faction Verlaine, Valade, Cros et Cabaner, née de la dissolution du Parnasse et de la Commune [...]. Le Cercle zutique n'existait pas avant l'arrivée de Rimbaud à Paris mais fut formé aussitôt après sa venue" (S.W. p.25 & 28).   

Verlaine, Valade et Mérat au dîner des Vilains-Bonshommes (dessin de Verlaine). On lit distinctement dans la bulle : "merde alors".

   Denis Saint-Amand et Lionel Cuillé analysent l'Album zutique en sociologues. Saint-Amand dégage les caractéristiques communes qui ont pu contribuer à l'unité de ce "groupuscule littéraire". Mis à part Cabaner et Antoine Cros, plus âgés, et Rimbaud, nettement plus jeune, ils appartiennent tous à une même génération littéraire (ils sont nés entre 1839 et 1850). Parisiens de longue date pour la plupart d'entre eux, ils connaissent les règles du milieu littéraire et plus largement d'une capitale dont ils ont fréquenté en commun certains lieux de sociabilité (le salon d'Antoine Cros, celui de Nina de Villard, les dîners des Vilains Bonshommes ...). Ceci dit, ils ne vivent pas de leur art. Ils ont un métier à côté, au revenu modeste, qui leur assure la subsistance. Ils viennent presque tous d'une classe moyenne au statut social instable ("en voie de déclassement ou de reclassement") ce qui a pu "faciliter une tendance à l'anticonservatisme" qui s'est manifestée par "une attitude réfractaire partagée à l'égard de l'institution scolaire" (S.W. p.82) et dans la contestation de l'autorité politique.   

   Ainsi, selon Pakenham, le regroupement est né avant tout de la volonté de se retrouver entre soi de personnages qui se trouvaient désormais en porte-à-faux, en tant que sympathisants de la Commune, dans le milieu artiste plus large que regroupaient les "Vilains Bonshommes". Bernard Teyssèdre, dans le second chapitre de son livre raconte en détail toute cette préhistoire du Cercle Zutique et en présente, un à un, les protagonistes, avec une érudition sans égale (B.T. 73-114).  Au-delà de leur complicité politique, ces futurs Zutistes avaient été séduits, selon Pakenham, par le projet rimbaldien de "dérèglement de tous les sens" et de "liberté libre"  : liberté au sens politique, bien sûr, mais aussi liberté sexuelle, homophilie, propension à l'ivrognerie et intérêt pour les psychotropes (cf. dans un dessin de Valade, feuillet 19 verso,  l'admonestation en direction de Verlaine prêtée à Albert Mérat). Or, ces attitudes libertaires les coupaient inévitablement du Parnasse, dont les représentants les plus en vue s'étaient clairement rangés du côté de l'Ordre au moment de la Commune et dont la pratique poétique obéissait à des canons nettement plus formalistes (pour ne pas dire conventionnels).

   Lionel Cuillé, contrairement à Michael Pakenham, doute que la lettre dite "du Voyant" puisse être considérée "comme une sorte de manifeste théorique ou comme un texte susceptible de donner une direction au groupe zutique dont [Rimbaud] aurait pu apparaître comme le chef de file" (S.W. p.92). "Ce qui frappe en revanche dans l'Album, ajoute-t-il, c'est que Rimbaud ne laisse pas de vouloir occuper le terrain : par le nombre de ses interventions, par les thèmes abordés — l'anticléricalisme scatologique, l'attirance incestueuse (pour le "bout noir" du père), l'emblème pornographique (le fameux Sonnet du Trou du Cul) — le jeune poète ne cesse d'accentuer sa différence." (ibid.) Son "Merde" retentissant, à la pointe du sonnet liminaire du recueil (Propos du Cercle), traduit cette radicalité dans le refus et révèle la place éminente reconnue au proférateur du juron au sein du groupe.

   Cette volonté de se différencier caractérise l'attitude de Rimbaud dans le groupe mais elle caractérise aussi, dit Lionel Cuillé, la position du groupe dans le champ littéraire : "l'Album zutique s'accommode d'une approche en termes de champ : objet circonscrit, il délimite un cercle d'écrivains qui affirment leur cohésion en opposition différentielle à une cohorte d'autres noms évoqués implicitement ou non" (p.98). De cette cohésion témoigne particulièrement, comme le note Arnaud Bernadet (S.W. p.122), les nombreux poèmes exhibant une double signature ou relevant implicitement d'une écriture à quatre mains, preuve que les membres du groupe sont unis par une "axiologie collective" qui "déborde l'identité des auteurs et la formalité des styles" (S.W. p.124 et 122). C'est cette éthique collective éminemment marginale et subversive qui justifie sans doute le frontispice d'inspiration carnavalesque, voire tératologique, dessiné par Antoine Cros sur le premier feuillet de l'Album (ci-contre).

   La règle du jeu, pour les membres du Cercle, consistait donc à affirmer collectivement ce qu'Arnaud Bernadet appelle "un esprit d'anarchie" (S.W. p.124) les caractérisant en tant que groupe tout en affirmant chacun sa différence par rapport aux autres membres du groupe. Ces jeunes gens, de fait, affectionnaient par dessus tout de se parodier mutuellement (c'est-à-dire d'écrire à la manière de ... tout en imposant chacun sa propre manière au détriment du camarade parodié) et de se gausser les uns des autres, avec un sens certain de l'autodérision mais sans être toujours bien conscients des limites à ne pas franchir. L'exercice était difficile et il tourna court. Nous l'avons vu. Peut-être, surtout, à cause des débordements de Verlaine et Rimbaud qui tendaient à perturber la cohésion d'un groupe moins homogène qu'il pouvait y paraître et sans règles de conduite suffisamment définies (cf. l'article en ligne de Denis Saint-Amand, 2006). D'où la brouille rapide avec Mérat (qui refusera de siéger au Coin de table aux côtés de Verlaine et Rimbaud) et sans doute d'autres, moins connues.
 

Leçons de lecture

   L'avouerai-je ? Malgré l'intérêt et le plaisir que j'ai pris à lire les commentaires de textes procurés par ces deux volumes, j'ai éprouvé parfois une impression pénible de gauloiserie obsessionnelle, de délire exégétique, de surinterprétation. Aussi ai-je été reconnaissant à Bernard Teyssèdre d'exprimer à son propre compte des doutes comparables aux miens : "Le plus osé n'est pas toujours sûr", p.231 ; "le risque de surinterpréter, dès lors qu'il s'agit des poèmes zutiques de Rimbaud est omniprésent", p.538 ; "souvent je serais bien en peine de dire si l'interprétation est vraie ou fausse", p.537. Conscient d'avoir à affronter chez son lecteur d'inévitables réticences et incompréhensions, il déploie dans la dernière partie de son livre (chapitre XVII, notamment) un remarquable effort pédagogique pour expliquer et justifier la méthode qu'il vient d'utiliser. Je me contenterai ici, en suivant étroitement les propres réflexions de l'auteur, d'aborder deux questions touchant aux difficultés d'interprétation propres à la littérature zutique :

1) La question du destinataire (du lectorat ou du "public" ciblé).
2) La question des "blagues érotiques".
 

 La question du destinataire (du lectorat ou du "public" ciblé)

   Est-il légitime d'établir le sens d'un texte sur des intentions supposées de l'auteur quand le texte, manifestement, ne contient pas les indices suffisants pour y faire penser son lecteur ?

   Cette première question en amène immédiatement une seconde : à quel(s) lecteur(s) un poème zutique est-il destiné ? Quand on étudie un texte de Rimbaud, autre que zutique, même si l'on sait bien qu'il n'a pas été publié, on suppose ce texte destiné à la publication, c'est-à-dire rédigé de manière à être compris par le lecteur lambda de l'époque ou, du moins, par tout lecteur baignant dans le même contexte culturel que l'auteur. Mais en ce qui concerne les textes zutiques, les choses sont moins claires.

   Certains des poèmes inscrits dans l'Album ne se distinguaient pas pour leurs auteurs de ceux qu'ils destinaient à la publication. Plusieurs, d'ailleurs, ont inséré tels quels dans des recueils ultérieurs des pièces d'abord consignées dans l'Album zutique (pièces qu'ils avaient aussi, dans certains cas, probablement composées avant même que le Cercle ne soit constitué). De tels textes ont donc été rédigés en vue d'être lus par un lecteur standard. Mais d'autres poèmes, c'est certain, ne furent destinés, dans l'esprit de leurs auteurs, qu'au groupe lui-même, c'est-à-dire à un "public" extrêmement restreint, aux compétences optimales, complice, et dont chacun pouvait supposer être compris à demi-mot. Ce qui justifie qu'on puisse y rechercher des significations hors de portée de compréhension pour tout lecteur extérieur au groupe. Certains sous-entendus, selon Teyssèdre, pouvaient même n'être destinés qu'à un seul membre du groupe. Ce serait particulièrement le cas de certains textes de Rimbaud visant Verlaine.
 


Album zutique
, feuillet 12 verso
La lettrine ornée de rinceaux végétaux et le dessin en vis-à-vis qui semble
représenter la plume (acérée) de l'écrivain sont probablement dus à Antoine Cros.
 

   L'Angelot maudit, par exemple, pour Teyssèdre, ciblerait secrètement Verlaine, selon un schéma comparable (quoique nettement moins explicite) à celui que l'on peut observer dans Jeune goinfre. Rimbaud y parodierait Le Gourmand de Ratisbonne, où le jeune Paul est puni par des coliques de ses goinfreries (de pommes) et de ses méprises (il prend pour des bonbons les pilules de sa mère). Mais, dans la pièce zutique, l'indigestion de pilules et de pommes serait remplacée, en apparence, par l'abus de "jujube" et, en réalité, par une allusion à l'attirance excessive et précoce du jeune Paul (Verlaine) pour des gourmandises ... particulières, au temps où il était en pension du côté de la Rue Blanche. Mais qui pouvait posséder ce type d'informations sur le lieu de scolarisation et les premières expériences sexuelles de Verlaine, même parmi les membres du Cercle zutique ?

"Supposons que [l'Angelot maudit] est Verlaine, écrit Teyssèdre. Il sera certes identifiable, mais seulement à l'intérieur d'un tout petit cercle d'amis. La notion de "public" reçoit un sens différent. Le message à décoder devient ésotérique." (p.544).

L'Angelot maudit reçoit un sens tout à fait suffisant (inversion satirique  — et satyrique  — de la représentation angélique de l'enfance) sans qu'il soit nécessaire de faire appel à une "clé", par exemple à une glose biographique. Dans des cas de ce genre, je le reconnais, mon premier (et bête) réflexe est de m'agacer contre le critique qui cherche midi à quatorze heures (qui voit dans l'Angelot une représentation du Prince impérial, de Louis Veuillot, du Docteur Véron, etc. cf. B.T.541-544 et Murphy, S.W.292-294). Pourtant, je finis par m'en convaincre, plusieurs niveaux de lecture sont également légitimes. Certes, comme Teyssèdre le reconnaît, le risque de surinterprétation est considérable. Mais il vaut mieux, pour le critique, prendre délibérément ce risque que de rester l'arme au pied, crainte de se tromper.


 

 Ratisbonne, La Comédie enfantine
Les angelots de la vignette de titre.

 

La question des blagues érotiques

   Est-il légitime d'inclure dans la signification du texte des allusions, des connotations supposées (notamment des "blagues érotiques" p.529), n'entrant pas de façon satisfaisante dans une cohérence narrative et/ou discursive ?

   Si manque de cohérence il y a, dans des cas comme ceux que l'on va envisager maintenant, ce n'est pas la faute du critique. C'est le texte lui-même qui présente de brusques perturbations logiques qui correspondent à des changements d'aiguillages, à des disruptions allusives. Le poème intitulé Le Balai (feuillet 9, verso) évoque comme on sait "un humble balai de chiendent" qui n'est autre que celui des chiottes.
 


La thèse de Teyssèdre est qu'aux vers 5-6, le "manche" "rougi" par la "canicule" (où l'on entend le "chien" de "chiendent" et le latin "caniculus" : petit chien) n'est rien d'autre qu'une image phallique. Or, "si le manche du balai a blanchi, il ne ressemble pas au bois d'île que la canicule a rougi !" (B.T. p.529). Aucune logique là-dedans, donc, mais une simple blague se greffant sur la description à l'occasion d'un jeu de mots. 

   Autre exemple : le poème commençant par J'occupais un wagon de troisième...

"Nous sommes en chemin de fer. Un militaire qui voyage en troisième classe est abordé par un vieux prêtre qui, après avoir fumé son brûle-gueule à la fenêtre du wagon, s'est retourné vers lui pour lui demander une petite chique de tabac de caporal. Malaxer cette chique l'aidera, dit-il, à passer le temps au moment où le train va traverser un ennuyeux tunnel près de Soissons. Le lecteur se rend vite compte que ce récit en apparence coppéen, d'un réalisme sans prétention, ne tient pas debout [...] On peut enfourner du caporal dans une pipe, mais pas une chique. Le lecteur mis en éveil se dit qu'il ne s'agit pas de ça. En grattant un peu il va déboucher d'un côté sur des obscénités, de l'autre sur une bataille politique." (B.T. 526-527)

Mais ces images graveleuses ne sont pas cohérentes entre elles ni ne forment un récit acceptable : "Un vieux prêtre ne peut pas mettre à la fenêtre tout à la fois sa pipe et son derrière" (B.T. 529).


Album zutique, feuillet 3, recto (détail : colonne de droite). Dessins de Rimbaud.
 Selon B.T., dans le dessin médian, le personnage de droite "tend son bras droit au-dessus
 du crâne chauve (décalotté) du prêtre sur lequel il paraît verser une pincée de poudre" (BT.204).

 

   Conclusion (je la laisse à Bernard Teyssèdre) :

"Certains commentateurs se sont évertués à chercher l'unité où elle n'est pas, dans la cohérence d'un spectacle. S'ils avaient abouti à cette cohérence, ne serait-elle pas en contradiction avec le caractère allusif que prend quelquefois l'obscénité chez Rimbaud ? Ne serait-ce pas une régression vers le style descriptif-narratif de Coppée qu'il ridiculisait ? Le spectacle cohérent de l'obscénité, cela s'appelle la pornographie." (B.T. p.529). "Trop de cohérence ressasse le déjà vu. Il est ridicule et ennuyeux de filer les métaphores. Vive plutôt la signification un peu flottante, le dérapage imparfaitement contrôlé, l'approximation distanciatrice, le lapsus labile !" (B.T. p.530).

  

09/03/11                     
              

 

Bernard Teyssèdre, Arthur Rimbaud et le foutoir zutique, Éditions Léo Scheer, 2011.

        Table des matières :

Première partie

I.   Le poète à Paris "de Charleville s arrivé"
II.  Un almbum zutique et même merdique

Deuxième partie : l'album au fil du temps

III.  14-18 octobre 1871. Cinq jours dans la vie
      d'Arthur Rimbaud
IV.   L'œillet et le lys
V.    Le folio 3r de l'Album
VI.   Un cahier tout nouveau tout beau
VII.  Conneries
VIII. Drôle d'ambiance autour des 20 et 21 octobre
IX.   Zut du 2 au 6 novembre
XII.  Métembrouilles (du 6 au 11 novembre)
XIII. Le membre se remémore et se remembre
XIV. Fin de partie (13-18 novembre)
XV.  Zut après le 18 novembre

Troisième partie : vue panoramique avec effets de zoom

XVI.   Questions de datation
XVII.  Questions d'interprétation
XVIII. Le sexe entre Erôs et Hybris
XIX.   L'adolescent et l'insertion sociale
XX.    Parallèlement

Dossier

1. Que sont les Zutistes devenus ?
2. Curiosités littéraires
3. Quatre poètes considérables
4. Figurines de passage 

 

   Seth Whidden (dir.), La Poésie jubilatoire. Rimbaud, Verlaine et l'Album zutique, Classiques
  Garnier, 2011.

        Table des matières :

        Seth WHIDDEN (Villanova University)
        « "J’aime de cet objet la saveur désolée" :
        goûts et dégoûts zutiques »

* * *

Michael PAKENHAM (University of Exeter; chercheur honoraire), « Une revue d'avant garde au lendemain de 1870. La Renaissance littéraire et artistique, dirigée par Emile Blémont. Chapitre IV : "Bonshommes et Zutistes" »

Bernard TEYSSÈDRE (Université Paris I Panthéon–Sorbonne; professeur émérite), « Essai de chronologie des textes de Rimbaud dans l'Album zutique »

---, « Appendice sur la méthode microcontextuelle. L’exemple du Petit
Ramponneau »

* * *

Denis SAINT-AMAND (FNRS - université de Liège), « Genèse du Zutisme »

Lionel CUILLÉ (Washington University in St. Louis) « Album de table et coin zutique : sur les stratégies de légitimation »

David DUCOFFRE (Collège Pierre-Bonnard, Le Cannet), « Anthologie de textes utiles à la compréhension des parodies zutiques »

Arnaud BERNADET (Université McGill / Polart - poétique et politique de l'art), « Manières zutistes. La signature au pluriel : Valade, Cros, Rimbaud et cie »

Alain CHEVRIER (Chercheur indépendant), « Musique et chansons dans l’Album zutique »

* * *

Philippe ROCHER (Université de Nantes) « Le Sonnet du Trou du Cul et la poétique de l'obscène »

Alain VIALA (University of Oxford), « Remarques sur la Fête galante de Rimbaud »

Seth WHIDDEN (Villanova University), « Sur la parodie en expansion du zutiste Rimbaud. Le contraste entre Vu à Rome et Fête galante »

Robert ST.CLAIR (University of Minnesota), « "Soyons chrétiens !" ? Mémoire, anticapitalisme et communauté dans Paris »

Bruno CLAISSE (Professeur honoraire de Première Supérieure [Douai]), « Le "zut" à Louis-Xavier de Ricard. Un prélude aux Illuminations ? »

Steve MURPHY (Université Rennes II), « L’angelot maudit ou comment ratisbonifier des vers profondément nuls »

Benoît de CORNULIER (Laboratoire de Linguistique de Nantes) « Post-scriptum : Où l’ange fait caca »

* * *

Cyril LHERMELIER (Université Rennes II), « "Elle met à la bouche une saveur étrange"… Germain Nouveau, le Sonnet de la langue »

David DUCOFFRE (Collège Pierre Bonnard, Le Cannet), « Coppée, Rimbaud et puis Verlaine »

Jean-Louis AROUI (Université Paris VIII Vincennes–Saint-Denis, UMR 7023) « Métrique et intertextes dans le Pantoum négligé »

 

 

Album zutique, feuillet 38.
Rimbaud dans son bateau ivre.
Dessin non signé attribué à Gill.

 

 


BIBLIOGRAPHIE


Pascal Pia, Album zutique, introduction, notes et commentaires de P.P., Cercle du livre précieux, 1961 ; rééd. Jean-Jacques Pauvert, 1962 ; réédité en fac-similé aux Éditions du Sandre, 2008 (jaquette ci-contre).

Jean-Pierre Chambon, "Six contributions à l'exégèse zutique et para-zutique", Parade sauvage n°2, avril 1985, p.55-65.

Steve Murphy, Le premier Rimbaud ou l'apprentissage de la subversion, Presses Universitaires de Lyon, 1990, p.249-267 (Le sonnet du trou du cul).

Alain Borer et alii, Œuvre-vie, édition du centenaire, Arléa, 1991. Notes de Michael Pakenham pour les pièces de l'Album zutique, p.1104 à 1131.

Steve Murphy, Rimbaud et la ménagerie impériale, Presses Universitaires de Lyon, 1991, p.127-158 (Lys, Exil, Hypotyposes saturniennes).

Steve Murphy, Arthur Rimbaud, Œuvres complètes, tome I, Poésies, introduction et notes de S.M., Champion, 1999, p.591-661.

Steve Murphy, Stratégies de Rimbaud, Champion, 2004, p.189-242 (Jeune goinfre, Paris).

Yves Reboul, "Rimbaud devant Paris : deux poèmes subversifs", Littératures n°54, Rimbaud dans le texte, PUM, 2006, p.95-132 ; "Faites vos Paris ?", Rimbaud dans son temps, Classiques Garnier, Études rimbaldiennes, 2009, p.265-287 (refonte du précédent).

Denis Saint-Amand, "François Coppée ou les inimitiés électives", COnTEXTES [En ligne], Varia, http://contextes.revues.org/index4328.html

Denis Saint-Amand et David Vrydaghs, "La biographie dans l’étude des groupes littéraires. Les conduites de vie zutique et surréaliste",  COnTEXTES [En ligne], n°3 | juin 2008 : http://contextes.revues.org/index2302.html

Seth Whidden, "Les transgressions de Rimbaud dans l'Album zutique", Parade sauvage, Hommage à Steve Murphy, Charleville-Mézières, 2008, p.404-413.

David Ducoffre, "À propos de l'Album zutique", Europe, 966, octobre 2009, p.121-129.

David Ducoffre, "Rimbaud, vilain bonhomme et poète zutique", Rimbaud vivant n°49, juin 2010, p.31-54.

David Ducoffre, "Belmontet, cible zutique", Histoires littéraires n°41, janvier-mars 2010, p.59-78.

Philippe Lecrenier, "Quand les poètes disaient merde à leurs contemporains" (d'après les travaux de Denis Saint-Amand), Réflexions, site de vulgarisation de l'Université de Liège, 12 octobre 2010 :
http://reflexions.ulg.ac.be/cms/c_29472/quand-les-poetes-disent-merde-a-leurs-contemporains?part=1

Seth Whidden (dir.), La Poésie jubilatoire. Rimbaud, Verlaine et l'Album zutique, Classiques Garnier, Études rimbaldiennes, 2011.

Bernard Teyssèdre, Arthur Rimbaud et le foutoir zutique, Éditions Léo Scheer, 2011.

David Ducoffre, "Compte rendu du livre Arthur Rimbaud et le foutoir zutique", blog Rimbaudivre, 5 mars 2011 : http://rimbaudivre.blogspot.com/2011/03/compte-rendu-du-livre-arthur-rimbaud-et.html
"Petit retour d'actualité sur le livre de Bernard Teyssèdre Arthur Rimbaud ou le foutoir zutique", 29 mars 2011 : http://rimbaudivre.blogspot.com/2011/03/petit-retour-dactualite-sur-le-livre-de.html
"Réponse de Bernard Teyssèdre au compte rendu de David Ducoffre", 2 avril 2011 :
http://rimbaudivre.blogspot.com/2011/04/reponse-de-bernard-teyssedre-au-compte.html

"Réponse de David Ducoffre à Bernard Teyssèdre", blog Rimbaudivre, 2 avril 2011 :
http://rimbaudivre.blogspot.com/2011/04/reponse-de-david-ducoffre-bernard.html