Rimbaud, le poète (accueil) > Bibliographie > Notes de lecture > Reboul, Réponse à la note sur « Barbare » : « Un adieu un drapeau ? »

 

Yves Reboul, « Barbare ou l'œuvre finale », Rimbaud dans son temps, Classiques Garnier, 2009, p. 360-378.

 

RÉPONSE À LA NOTE D'A. BARDEL
INTITULÉE : « UN ADIEU AU DRAPEAU ? »

PAR YVES REBOUL

 

[J’ai choisi dans le texte qui suit  de reprendre un certain nombre de phrases de la note d’A. Bardel pour y répondre point par point]

 

  •    Une remarque générale, pour commencer : mon analyse repose largement sur un parallélisme entre Barbare et la fin d’Enfance, la posture du locuteur me paraissant identique dans les deux cas. Or A. Bardel n’en dit pas un mot : tenir compte de ce rapprochement avec Enfance aurait pourtant respecté la logique de mon argumentation et lui aurait évité en prime l’hypothèse absurde que je serais « à deux doigts de vouloir corriger le texte ». A deux doigts! Ce déni implicite me semble essentiel et révélateur.
     

  •     « Mais cela ne règle pas la question de sa valeur symbolique [celle du drapeau] qui dépend du sens donné par chacun au texte dans son ensemble ».

       On ne peut pas, il me semble, accepter un tel raisonnement. Je n’imagine évidemment pas qu’A. Bardel veuille réactiver les mondanités intellectuelles du temps des sixties, genre « le texte a le sens qu’on lui donne » etc.  Néanmoins, il s’autorise là clairement à donner au poème un sens qui lui convienne, lequel à son tour entraîne le « sens symbolique » attribué au drapeau (le mot « dépend » dans sa phrase montrant bien la réalité de cette démarche). Mais dans un énoncé comme « le pavillon en viande saignante », la dérive du sens, toujours possible et potentiellement infinie, ne peut trouver sa limite que dans une prise en compte de la pratique langagière des locuteurs contemporains : que pouvait évoquer cet énoncé pour le lecteur éventuel de 1873 ou 1874 ? Or comme pour les pontons du Bateau ivre, il me semble que poser ainsi la question, c’est y répondre : ce pavillon ne peut être que le drapeau rouge, saignant du sang du peuple. Si j’ai cité Vallès (Le Cri du peuple), c’est précisément dans cette perspective ; on pourrait aussi penser à la clausule de L’Insurgé, où est évoquée une blouse sanglante et non un drapeau, mais dont le fonctionnement est le même. Rimbaud, je crois, aurait été lisible pour le contemporain des Illuminations. Le sens de ce « pavillon », en tout cas, aurait été largement compris.

     

  •    « Cette hypothèse [celle d’un « poème de clôture pour les Illuminations »] découlerait des observations faites par Steve Murphy concernant la numérotation des 24 feuillets confiés par Rimbaud à Verlaine lors de leur rencontre de février 1875 à Suttgart [...] Cependant [...] un grand nombre d’Illuminations [...] ne sont pas incluses dans cette pagination alors qu’elles existaient déjà, très probablement [...] On peut donc penser que Rimbaud aurait placé ces feuillets [...] à la suite de Barbare, s’il avait mené jusqu’au bout la préparation de son manuscrit. En tout cas, il paraît opportun de rester prudent [...]».

    Le conditionnel « découlerait » est étrange. Pour l’ensemble de poèmes figurant sur ces 24 feuillets manuscrits (ms. NAF 14123 de la BN) – ensemble qui s’ouvre sur Après le Déluge et se clôt, effectivement, sur Barbare –, l’argumentation de Murphy est en effet imparable : la pagination est de la main de Rimbaud, elle impose donc l’idée d’un ordre conçu par lui. Or je n’ai pas évoqué l’idée d’« un poème de clôture pour les Illuminations », mais seulement pour cet ensemble de proses. Pour les autres poèmes aujourd’hui rangés dans les Illuminations, il convient de s’en tenir à la prudence qu’A. Bardel préconise, mais n’observe pas : de quel droit pose-t-il que ces proses « existaient déjà »? On peut accorder, si l’on veut, que c’est probable, mais le ms. NAF 14123 date au plus tard de mai 1874 (puisqu’on y découvre la main de Nouveau et que celui-ci quitte Rimbaud en juin). Cela laisse encore huit mois avant la rencontre de Suttgart – largement le temps d’écrire d’autres poèmes. Et même si la totalité des textes des Illuminations existaient déjà, comment exclure l’hypothèse que cet ensemble de 24 feuillets puisse être né d’une sélection faite par Rimbaud, à un moment donné, au sein de sa production en prose – par exemple dans la perspective d’une brève plaquette? A tout prendre, il n’est guère plus déraisonnable de tenir ce ms. NAF 14123, tel qu’il est, avec l’ordonnance qu’il révèle, pour la trace d’un projet éditorial de sa part (à un moment donné, bien sûr) que de poser comme principe qu’il convient d’éditer le recueil Demeny ou le « cahier Verlaine » comme tels. En réalité, seul le témoignage verlainien ultérieur nous assure de l’existence en tant qu’ensemble des Illuminations que nous connaissons ; comment se présentaient les choses dans les premiers mois de 1874, on n’en sait en définitive rien. Pourquoi, dès lors, cette insistance de la part d’A. B ardel? C’est que, visiblement, l’idée que Barbare puisse être ce que j’ai nommé une « œuvre finale » le gêne: le lien avec son refus d’admettre ce qu’il désigne comme « l’adieu au drapeau » est évident.

     

  •    « Claisse[...] y voit une nappe de sang de baleine [...] Steinmetz pense au pavillon des explorateurs polaires britanniques [...] Brunel y verrait plutôt une oriflamme [...] Richard reste dans le vague [...] »

    Que Jean-Pierre Richard se taise sur ce « pavillon en viande saignante », je le crois volontiers : c’est plus pratique ! Les hypothèses de B. Claisse et de J.-L Steinmetz, elles, me paraissent peu défendables. L’idée de Claisse me paraît même plutôt farfelue et je me demande s’il la soutiendrait encore aujourd’hui : avec ces surprenantes baleines, il tend, me semble-t-il, des bâtons pour se faire battre à ceux qui en pofitent pour traiter par le mépris l’ensemble de sa contribution à la critique rimbaldienne, pourtant loin d’être négligeable.
    Pour ce qui est de Steinmetz, je ne sais plus d’où il sort cette référence, mais elle me rappelle quelque peu le type qui avait écrit tout un livre pour démontrer que Rimbaud s’expliquait entièrement par les récits de voyage du capitaine Cook. Il n’y a que Brunel dont je reconnaisse, bien que je sois pas d’accord avec lui, qu’il essaie de trouver une logique à ce « pavillon ». Qu’A. Bardel puisse prendre en compte l’ensemble de ces hypothèses, j’avoue donc que j’en reste pantois. Mais il est vrai qu’il a intérêt, puisqu’il a posé que le dernier mot sur ce poème n’était pas dit (les « divergences persistantes » !), à collationner ces interprétations contradictoires sans les dévaluer. Cela lui permet d’affirmer ensuite qu’elles  « ne sont pas absolument inconciliables »... dans la perspective qui est la sienne, évidemment.

     

  •    « Ces différents drapeaux ont en commun de symboliser une disposition héroïque à la lutte, à l’aventure, à la conquête, au sacrifice. »

        D’où A. Bardel tire-t-il cela ? Et pourquoi ces drapeaux seraient-ils alors « en viande saignante » ? D’ailleurs, où est passée cette fameuse viande à ce stade de son discours ? Pfuitt!!!! Disparue!!!!

     

  •    « Sans compter que le thème du sacrifice est fréquemment associé à des évocations sodomitiques chez Verlaine et Rimbaud. »

        Je n’en suis pas sûr du tout. Le martyre est bien métaphore de la sodomie chez Verlaine, mais pour des raisons à la fois iconiques et blasphématoires. La sodomie en elle-même n’est pas liée chez lui à l’idée de sacrifice, mais à celle d’une nouvelle liberté. J’ai rapidement évoqué cette question dans le quatrième chapitre de mon livre (« Assassins ? »).

     

  •    « Rimbaud pourrait avoir conçu cette image du “pavillon en viande saignante” comme un symbole polyvalent de la quête périlleuse de l’Inconnu ».

       Symbole « polyvalent » parce que compatible, paraît-il, avec une série d’interprétations pourtant contradictoires (voir ci-dessus). A. Bardel a bien raison d’utiliser ici une forme prudemment hypothétique : cette hypothèse est absolument gratuite, sans aucun argument véritable pour la soutenir. Pas étonnant qu’il se sente obligé d’écrire que cette contradiction entre les exégèses qu’il retient lui paraît [...] relativement surmontable. Que de relativité !

     

  •    « Mais faut-il en conclure que le « pavillon », c’est- à-dire le rêve ancien et morbide du locuteur, n’exerce plus aucun attrait sur lui ? Ou qu’il n’exerce plus qu’un attrait très affaibli ? »

        Je n’ai jamais dit ça. Je lis le texte, tout de même : « qui nous attaquent encore le cœur et la tête » ! Mais en même temps que le texte dit cela, il dit aussi remis et loin.

     

  •    « Arguments contre la thèse de l’adieu au drapeau [...] On constatera d’abord  l’absence totale de ponctuation à la fin du quatrième alinéa [...] »

       Là-dessus, il faut être très prudent : Barbare est, de ce point de vue, un texte tourmenté, sans doute novateur (voir Michel Murat, L’Art de Rimbaud, p. 361-362), mais qui a peut-être aussi quelque chose d’un work in progress. Soit par exemple l’alinéa 2, avec son étrange point final à l’intérieur de la parenthèse : il se pourrait que ces parenthèses, justement, aient été ajoutées, n’importe quel fac-similé montre que c’est possible ; et dans ce cas, ce point si surprenant est peut-être un oubli ou une inadvertance de Rimbaud... comme peut l’être, précisément, l’absence de ponctuation à la fin de l’alinéa 4. Peut-être ! Impossible d’en dire plus, sans compter que la parenthèse est l’objet dans le poème d’un traitement tout à fait original, avec un rôle de césure évident. Mais admettons même que le manque de ponctuation à la fin de l’alinéa 4 soit voulu et qu’il fasse sens : en toute rigueur, l’exclamation Douceurs ! devra porter alors sur la parenthèse (c’est-à-dire sur l’énoncé « elles n’existent pas »), puisque s’il n’y a pas de ponctuation après celle-ci, il y en a bel et bien une (point-virgule) avant. On aurait alors un parallélisme parfait entre « ; (elles n’existent pas.) / Remis [...] » et « ; (elles n’existent pas / Douceurs ! », parallélisme induisant l’idée que le surgissement des Douceurs dans le texte pourrait obéir à la même logique que l’apparition de l’énoncé remis des vieilles fanfares : une sorte de relation de cause à effet. Il est donc au minimum aventuré d’écrire, comme le fait A. Bardel, que « c’est l’apparition (ou la réapparition) du “pavillon en viande saignante” qui suscite dans l’esprit du rêveur un soudain sentiment d’euphorie ». Tout porte à croire, en réalité, que c’est tout simplement faux.

     

  •    « Ce schéma en antithèse ne correspond pas au scénario réel du texte. »

        A. Bardel tire, bien sûr, cette conclusion de son raisonnement sur l’absence de ponctuation à la fin de l’alinéa 4, lequel me semble erroné (cf. ci-dessus) : tout naturellement, je ne l’accepte donc pas. D’ailleurs l’« antithèse » est, dès le début, au cœur du texte – contenue qu’elle est, par exemple, dans le sémantisme même de remis.

     

  •    « L’apparition spectaculaire du “pavillon en viande saignante” dans le cerveau halluciné du locuteur [...] »

       Qu’est-ce que c’est que cette vieille lune ? Halluciné, le Rimbaud des Illuminations ? On croirait lire Berrichon, ou encore Suzanne Bernard qui écrivait, lorsqu’elle ne comprenait goutte à un poème, qu’il était « à base d’images hallucinatoires ». À moins qu’A. Bardel n’assimile la rêverie (fictionnelle) à l’hallucination ?

     

  •     « Il ne soupçonne pas que les trois petites propositions relatives en incise [...] pourraient avoir pour unique fonction etc. »

        Je ne sais pas si je soupçonne ou pas (j’apprends d’ailleurs que oui, quelques lignes plus bas). Mais ce que je sais, c’est que la « fonction » attribuée par A. Bardel à ces incises est une pure pétition de principe. J ai parfaitement tenu compte de ces incises dans mon texte, mais je maintiens que, du point de vue logique, elles ont une valeur de modulation. A l’inverse, A. Bardel choisit, dans le binôme « Remis / Qui nous attaquent encore », de faire porter le sens principal à « qui nous attaquent... » (voir, un peu plus loin, l’usage de rhéteur, un vrai tour de passe-passe, qu’il fait des mots « essentiel » et « essentiellement »). Pur acte de foi, qui le conduit à tordre la logique du texte.

     

  •     « C’est peut-être l’impression que Rimbaud a voulu donner ».

        Là, les choses sont claires : j’ai eu franchement tort d’écrire cela. Dont acte et mea culpa.

     

  •    « Il dit,  il affirme que c’est la fin des temps, qu’il voit la fin du monde [...] »

        Quelques lignes plus haut (dans « Quelques convergences rassurantes »), A. Bardel semble pourtant m’approuver d’avoir considéré que jours, saisons, êtres et pays renvoyaient à la dimension autobiographique du poème : d’autres l’ayant dit avant moi, il écrit même que mon ralliement à cette lecture « en conforte l’autorité ». Or cette lecture implique qu’on n’est pas du tout dans la « fin du monde », mais dans ce que j’ai désigné comme une logique de congé. Cette difficulté oblige d’ailleurs A. Bardel à affirmer ensuite, sans le moindre argument, que « les deux sens coexistent ». Sans compter qu’il assimile, pour finir, orgasme et fin du monde...

     

  •    « Il me paraît suspect que Reboul ne retienne pas cette interprétation. »

        Suspect... Voyez moi ça ! Un mot qu’on connaît bien. Je n’en dirai pas plus mais, en bon français, ça s’appelle le bout de l’oreille.

     

  •    « C’est aussi une sorte de fin du monde : le ou les corps semblent flotter dans l’espace, réduits à des “ formes”, morcelés, comme démantelés. »

        À qui A. Bardel compte-t-il faire croire cela ? D’abord, il fait l’impasse sur « Et là », non sans raison, car cet énoncé indique on ne peut plus clairement dans quelle logique on se trouve : celle d’une rêverie, érotique en l’occurrence. Et les corps n’y sont pas « réduits » à des formes, comme il l’écrit, encore moins « démantelés » : ces formes polarisent en fait le désir, comme les chevelures et les yeux, flottant dans l’espace de la rêverie érotique. Où est dans tout cela la « sorte de fin du monde » ?

     

  •    « Tandis que, par son autre aspect (son versant érotique), la vision ultime de Barbare fait plutôt penser à ces « bravoures » amoureuses qui concluent Dévotion ou Métropolitain [...] Or ces deux pistes métaphoriques ne sont pas du tout incompatibles. L’une et l’autre ont en commun une idée de bataille ou de révolte [...] on peut aller jusqu’à y voir des allégories de la révolution, de l’émeute et de sa répression. »

        « O Douceurs, ô monde, ô musique ! ». Je devrais me contenter en guise de réponse de cette citation.... Je ferai quand même remarquer qu’avec Barbare, on n’est pas du tout  dans la même logique qu’avec Métropolitain, par exemple : rêverie et plaisir d’un côté, affirmation violente de l’autre (« ta force »). « O Douceurs, ô monde, ô musique ! » : l’émeute et sa répression ? Allons donc !

     

  •    « Il est un autre texte avec lequel Barbare paraît entretenir une affinité secrète :  “Qu’est-ce pour nous mon cœur”...  »

        Si affinité il y avait, je ne vois pas ce qu’elle aurait de « secrète ».. Mais en fait, l’idée d’une affinité particulière entre Barbare et « Qu’est-ce pour nous.. » me paraît tout à fait contestable. Par exemple : rien ne correspond dans Barbare au mouvement « Mais si, toute encore, nous la voulons » de « Qu’est-ce pour nous... ». Et si, comme l’écrit A. Bardel, les personnages évoqués dans ce dernier poème « sont engloutis par une planète en fusion », c’est le contraire dans Barbare : le « cœur terrestre éternellement carbonisé » y est métonyme d’une Terre nourricière et christique.

     

  •     Barbare serait le poème du « congé » [...] à l’hétérodoxie sexuelle [...]

         Nulle part je n’ai écrit cela. En fait, je n’en sais rien.

 

   
   

   

Bref, ni les critiques d’A. Bardel ni la lecture qu’il propose pour Barbare ne me semblent acceptables. Ce qui est le comble et qui, je crois, situe parfaitement le débat, c’est que sur des points essentiels, nous ne sommes pourtant pas si éloignés que cela. Je suis d’accord avec lui, par exemple, sur l’idée d’un retour (cyclique) de la tentation révolutionnaire dans le poème : le texte le dit, il n’y a pas à revenir là-dessus. Mais si cette tentation des « vieilles flammes » subsiste, Rimbaud écrit aussi qu’il en est remis, qu’il en est loin (par deux fois, et à deux endroits du texte). Cela est donc tout à fait clair, mais j’ai bien l’impression – et c’est là le point – qu’A. Bardel fait des efforts désespérés pour ne pas le voir. Le locuteur du poème se déclare clairement « remis » des « vieilles fanfares », lesquelles lui « attaquent » néanmoins encore « le cœur »: on ne se déprend pas aisément d’une illusion lyrique. Cela n’empêche pas A. Bardel de lui faire dire que ces « vieilles fanfares » sont toujours l’essentiel pour lui, ou même qu’elles sont de sa part l’objet d’une foi persistante. Au point que les éléments « orgastiques » du texte en seraient en dernière analyse la métaphore !

A. Bardel a publié récemment (dans Europe et aux Presses Universitaires de Rennes) deux articles rimbaldiens qui ont de réelles qualités, mais qui ont aussi, à mes yeux, un défaut rédhibitoire : c’est qu’ils présentent un Rimbaud révolutionnaire édifiant, propre à exalter le lecteur. Avec Rimbaud, conservons notre foi dans le Grand Soir ! Qu’après cela, l’idée que le même Rimbaud puisse, dans Barbare, dire adieu à la croyance révolutionnaire lui soit insupportable, on le comprend aisément (d’où le point d’interrogation de son titre : « L’adieu au drapeau ? »). Je ne méconnais pas chez Rimbaud l’importance de cette inspiration révolutionnaire, c’est le moins qu’on puisse dire. Dans la critique rimbaldienne, je pense même être, avec Steve Murphy, celui qui a le plus insisté là-dessus. J’ai par exemple écrit tout à fait clairement (dans un article sur Bonne pensée du matin qui est repris dans mon livre) que « Rimbaud fut donc partisan de la Commune, demeura fidèle à ses idées longtemps après qu’elle ait échoué » : je ne m’en dédis pas. Mais j’ai nommé aussi cette inspiration subversive de ce que je crois être son véritable nom : le romantisme révolutionnaire. Non le catéchisme marxien (ou plus exactement à la Engels) des années 1890, mais un monde riche et divers, qui s’était édifié en France autour de 1840. Et quand j’écris « longtemps après », cela ne signifie pas « à jamais », sans compter que dans une carrière fulgurante comme celle de Rimbaud, ce « longtemps » se mesure en mois, ou en peu d’années. La déprise a fini par venir, non sans nostalgie certainement et Barbare en porte le témoignage. Qu’A. Bardel (et d’autres, assurément) se refuse à le voir, c’est sans nul doute de sa part affaire de foi. Laquelle, comme on sait, ne fait pas toujours bon ménage avec la vérité.