Peintures
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Le
premier des trois tableaux que nous avons de Rimbaud est le célèbre Coin de table de Fantin-Latour
(1872). La toile évoque un dîner de poètes. De
gauche à droite : P. Verlaine, A. Rimbaud, P.Elzéar, L. Valade, E. Blémont,
J. Aicard, E. d'Hervilly, C. Pelletan. Ce dernier paraît bien
solitaire, peut-être parce que le voisin qui lui était d'abord
destiné, Albert Mérat, refusa de siéger à côté de Verlaine et
Rimbaud. L'un venait de le menacer d'un duel à cause de propos
indiscrets sur ses relations avec Rimbaud ; l'autre avait presque
trucidé Carjat au cours d'un dîner des Vilains-Bonshommes. Aussi le
peintre dût-il remplacer Albert Mérat par un pot de géraniums dont la
présence ne laisse d'être incongrue. Le couple Verlaine-Rimbaud se
détache au premier plan. Rimbaud, qui ne concéda au
peintre qu'une seule et unique pose, tourne ostensiblement le dos à
tout le monde et semble fasciné par l'auteur des Poèmes saturniens.
Le peintre a dû apprécier le piquant de la situation, ainsi que la
tête de Chérubin et les cheveux fous du jeune inconnu. La composition
du tableau place en son centre un roux barbu posant dans une attitude
napoléonienne : Émile Blémont. Ce jeune poète, qui bénéficiait
d'une fortune personnelle, était sur le point de lancer, en ce
printemps 1872, une nouvelle revue : La Renaissance littéraire et
artistique. C'est sans doute cette double qualité de mécène
potentiel et de directeur de revue qui a incité le peintre à le
représenter ainsi, en chef d'école. L'atmosphère
paraît sinistre ... et ce n'est pas seulement dû au port de cet
uniforme mondain qu'était la redingote noire au XIXe
siècle. Fantin-Latour a aussi exécuté ce que Berrichon appelle, dans
Jean-Arthur Rimbaud, le Poète, "une répétition à la gouache" de son
Rimbaud du Coin de table. L'œuvre est datée de 1872. Elle a été
reproduite par Berrichon en tête de son édition des œuvres complètes de
Rimbaud, en 1898, au Mercure de France. D'après J.-J. Lefrère,
cette œuvre serait en réalité de Berrichon (cf. Lefrère, Face à
Rimbaud, Phébus, 2006, p.168).
Un artiste mal identifié, qui signe "A.Garnier",
nous a laissé un portrait en buste (ci-contre) montrant un Rimbaud insolite (plus vieux que
dans son iconographie habituelle) et pourtant ressemblant :
"Garnier, écrit Lefrère dans sa biographie (p.429), n'a gommé ni
les lèvres épaisses, ni les boursouflures et les méplats du bas du
visage des Rimbaud : la 'marque de famille' selon Julien Gracq (En
lisant, en écrivant, Corti, 1981)". Il s'agit d'une huile sur
carton. Une inscription, au dos du
tableau, précise : "Portrait du poète Arthur Raimbaut. Je l'ai
fait en 1872 à Paris, Boulevard d'Enfer, en face la porte du cimetière
Montparnasse".
Nous avons enfin une peinture à
l'huile sur panneau d'acajou due au belge Jef Rosman, intitulée
"Épilogue à la française". Le tableau représente Rimbaud alité
après avoir été blessé par Verlaine, en juillet 1873.
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