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Les croquis satiriques de Forain et Régamey

   Parmi les fréquentations de Verlaine et Rimbaud, à Paris et à Londres, dans les années 1872-1873, se trouvaient deux dessinateurs professionnels qui nous ont laissé des croquis d'inspiration satirique des deux poètes.
   Jean-Louis Forain a un temps habité avec Rimbaud, rue Campagne-Première, en 1872. Il était suffisamment son ami pour que le poète se soit fait envoyer longtemps son courrier "chez Gavroche" (sobriquet du peintre), quand il n'avait pas lui-même de domicile fixe. Il lui confia plusieurs de ses manuscrits de l'année 1872, lorsqu'il s'envola pour l'Angleterre, en juillet de cette année-là, avec Verlaine. Cette complicité n'empêchait pas "Gavroche", apparemment, de porter un regard fort critique sur son compagnon de bohème. On connaît de lui une tête de Rimbaud, dont l'allure enfantine et angélique contraste avec la légende manuscrite : "Qui s'y frot[te s'y pique !]". Berrichon, lorsqu'il publia ce dessin dans un article en 1919, le data d'"un jour de l'hiver 1871-1872". Une autre pièce montre Rimbaud de profil, marchant, un drôle de galurin sur la tête, d'une démarche élastique que Lefrère caractérise de "simiesque" (ibid. p.427).
   Enfin, un très beau lavis au brun, signé Forain, a été récemment authentifié par J.-J. Lefrère comme étant un portrait de Rimbaud. C'est l'illustration qui figure sur la jaquette de sa Correspondance de Rimbaud (Fayard). On y voit un jeune homme mollement installé sur un canapé, enfoncé jusqu'aux oreilles dans le col de son manteau, les mains croisées derrière la nuque, un pied contre son cœur (ou presque). Sa crinière léonine rappelle le Rimbaud du tableau de Fantin-Latour. Les traits du visage n'apparaissent pas mais la pose et la facture du dessin dégagent une impression saisissante de naturel. Cependant, dans une analyse troublante publiée sur son blog Rimbaud ivre, Jacques Bienvenu écrit que "
le lavis de Forain est un portrait de Rimbaud dont l’authenticité laisse sérieusement à désirer".
   Verlaine était l'ami de longue date de Félix Régamey. Cet artiste vivait à Londres au moment où Verlaine et Rimbaud s'y installent, en 1873-1874. Un dessin à la plume et au crayon montre les deux poètes, nonchalants et bougons, déambulant dans une rue de Londres sous le regard en coin d'un policeman. Il a été exécuté pendant cette période-là sans qu'on puisse en préciser la date exacte. Un autre dessin de la même époque, fait au crayon fusain, représente Rimbaud assis sur une chaise, somnolant sous son gibus. Les deux œuvres suggèrent un Rimbaud lymphatique, voire avachi.