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Phrases (Illuminations, 1873-1875)
Quand le monde
sera réduit en un seul bois noir pour nos quatre yeux étonnés, — en
une plage pour deux enfants fidèles, — en une maison musicale pour
notre claire sympathie, — je vous trouverai.
Quand nous somme
très forts, — qui recule ? très gais, qui tombe de ridicule ? Quand
nous sommes très méchants, que ferait-on de nous ?
— Ma camarade,
mendiante, enfant monstre ! comme ça t'est égal, ces malheureuses et
ces manœuvres, et mes embarras. Attache-toi à nous avec ta voix
impossible, ta voix ! unique flatteur de ce vil désespoir.
x x x J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. x x x Le haut étang
fume continuellement. Quelle sorcière va se dresser sur le couchant
blanc ? Quelles violettes frondaisons vont descendre ? Pendant que les fonds publics s'écoulent en fêtes de fraternité, il sonne une cloche de feu rose dans les nuages. Avivant un agréable goût d'encre de Chine, une poudre noire pleut doucement sur ma veillée, — je baisse les feux du lustre, je me jette sur le lit, et tourné du côté de l'ombre je vous vois, mes filles ! mes reines !
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Phrases regroupe huit petits paragraphes que leur composition minutieuse recommande de ne pas considérer comme des notes éparses ou des ébauches mais, véritablement, comme l'expérimentation d'un genre nouveau de forme brève en poésie. Le dossier de vingt-quatre feuillets numérotés ayant servi à l'édition des Illuminations en 1886 répartit ces textes sur deux feuillets successifs. L'analyse philologique autant que celle des contenus font conclure à deux séries de poèmes ayant chacune sa spécificité. Les trois textes du feuillet 11 apparaissent unifiés par la présence d'un thème commun (l'« Amour », le couple), d'un dispositif d'énonciation similaire (une forme de dialogue matérialisée par le jeu des indices personnels : je, nous, vous, vos, toi, ta, etc.) et d'un modèle syntaxique récurrent (textes 1 et 2). Rien de tel dans les cinq poèmes du feuillet 12 qui relèvent davantage de la description et constituent ce qu'Ernest Delahaye, premier commentateur de ce texte en 1927, définissait non sans pertinence comme des "apparitions courtes", fondées sur le schéma "sensation-vision", de petites épiphanies en somme. Est-ce un
effet du thème abordé ? La série du feuillet 11 offre à
l'interprétation de grandes difficultés, dues à une expression
volontairement évasive : aucune information sur l'identité des
interlocuteurs, aucun lien perceptible entre phrases successives, si
ce n'est celui de leurs parallélismes de construction qui eux, par
contre, à grands renforts de tirets, sont affichés avec ostentation. Mais ceci ne compense pas
cela. Notre seul guide ou presque réside dans l'abondance d'un
vocabulaire rimbaldo-verlainien qui nous permet de lancer, à grand
péril, quelques hypothèses fragiles (voir notre panorama critique).
Comme dans la plupart des phrases du feuillet 11 (construites sur le modèle : longue subordonnée / brève principale) celles du feuillet 12 peuvent être décrites comme un mécanisme de retardement, préparant une conclusion en forme de révélation, un brusque éclair d'entrevision ou de joie. Dans sa première partie, la phrase pose les éléments d'une situation (en termes globalement réalistes). Elle fouille (en une ou plusieurs notations successives) une sensation : une journée humide de juillet, un haut étang qui fume (métaphore, peut être, d'un ciel nuageux), une chambre progressivement gagnée par l'obscurité, une atmosphère de fête. Dans la seconde partie, plus brève, parfois même lapidaire, elle décrit la prise en charge de la sensation par un mécanisme mental d'élucidation ou d'hallucination. Dans la phrase 1, c'est la mutation soudaine d'une impression diffuse en une vérité inattendue (on est en juillet et l'on se croirait à Noël). Dans la phrase 3, d'un brouillard bien réel, l'imagination s'empare pour susciter l'apparition d'une sorcière. Dans la phrase 5, idée très voisine, un fantasme érotique surgit de l'ombre. Dans la phrase 4, le soleil jouant parmi les nuages détourne des fastes de la fête officielle l'attention du poète, qui croit soudain voir-entendre dans le ciel une "cloche de feu rose". La phrase 2 présente un dispositif un peu différent au sens où l'on est dès le départ dans l'élaboration hallucinatoire des référents extérieurs mais on y repère la même structure binaire que celle que nous avons observée dans les autres phrases : l'imagination tire d'abord des fils entre clochers, fenêtres et constellations pour, dans une brève clausule à l'effet saisissant, susciter le portrait du poète en danseur de cordes. La scansion dynamique et ascendante ("des cordes" > "des guirlandes" > "des chaînes d'or") contribue à donner au poème l'allure d'un rêve d'envol. Mai 2014
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Santiago de Chile, septembre 2011.
A fin de noviembre, la majestuosa Casa Central, todavía ocupada por los estudiantes estaba cubierta de posters, graffiti y caricaturas que se burlaban de las figures del gobierno. Una bandera que colgaba a lo largo de la fachada rezaba, en letras mayúsculas: “La lucha es de toda la sociedad. Educación libre para todos”. Alguien había colocado una capucha sobre la estatua del fundador de la Universidad. Sobre un muro había una reproducción de tamaño real de una fotografía de Rimbaud, junto a una cita, en caracteres negros, de “Iluminaciones”: “Compañera mía, mendiga, niña monstruo. Únete a nosotros con tu voz imposible. ¡Tu voz! ¡Única aduladora de esta vil desesperanza!” Francisco Goldman, Camila Vallejo o el sueño de acabar con el bipartidismo chileno, New-York Times. |