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Solde
(Illuminations) / Commentaire
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Dans
la récente Pléiade Rimbaud d'André Guyaux (2009), Solde occupe la
position finale dans le recueil des Illuminations. La chose étant susceptible
d'influencer le travail d'interprétation, il est bon d'éclairer
d'entrée de jeu les raisons strictement philologiques de cette
place privilégiée. Solde n'est ni la confidence d'un poète, ni une description, ni un récit, ni même (apparemment) le discours de celui qui signe le texte puisqu'on y entend la voix d'un personnage distinct de lui : un camelot s'époumonant à vanter ses marchandises. Cela évoquerait plutôt une scène de théâtre, assez loufoque si on en juge par la nature abstraite et inattendue (inattendue parce qu'abstraite) des marchandises bonimentées. On pourrait dire : une saynète allégorique, car on reconnaît rapidement dans ces étranges marchandises les choses des politiques ("l'anarchie pour les masses") et des mystiques ("splendeurs invisibles"), des poètes et des prophètes. Et on subodore la portée métaphorique et métapoétique, du texte. Ce camelot n'est d'ailleurs qu'un parmi d'autres, comme nous l'apprenons dans le dernier des huit paragraphes qui composent le poème (pluriels : "les vendeurs", "les [commis-] voyageurs"). Ce passage inopiné du singulier au pluriel, opérant une généralisation du propos à la conclusion du poème, évoque le genre de l'apologue. Il en est de même de cette substitution finale à la voix du personnage jusque là seul en scène d'une autre voix qui ne peut être que celle de l'auteur, prenant quelque distance à l'égard de ce personnage et indiquant "les vendeurs", "les [commis-] voyageurs" en général comme étant la catégorie d'individus à laquelle il appartient. Elle contribue (modérément, certes) à préciser le sens de la fable en offrant au lecteur certains indices : les vendeurs "ne sont pas à bout de solde", ils "n'ont pas à rendre leur commission de si tôt"). L'interprétation nécessitera d'abord de mettre au clair le vocabulaire commercial servant à construire la métaphore allégorique : "solde, "vendre", "commission", "voyageurs". Ensuite, de s'interroger sur la valeur symbolique de ces matériaux, de soumettre à vérification les réponses qu'on est spontanément tenté d'apporter aux questions posées (les hypothèses de lecture) :
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Structure du texte Le texte est découpé en huit paragraphes de longueurs sensiblement égales. Deux de ces paragraphes seulement ne s'achèvent pas par un point : le premier et le sixième. Le premier se termine par deux points, le sixième par une virgule. Les paragraphes qui les suivent et les prolongent (§2 et 7) sont logiquement dépourvus de l'attaque anaphorique "À vendre". Dans ces deux cas, il semble que la division en paragraphes ait répondu davantage à un souci formel (faire apparaître des sortes de strophes d'égales dimensions) qu'à une nécessité sémantique. Dans le cas des §6-7, surtout, le sens autant que la ponctuation suggèrent très nettement une continuité qui rend arbitraire la division en deux paragraphes. Les deux points, à la fin du premier paragraphe, suggèrent que Rimbaud a compris celui-ci comme une introduction, dont la suite du texte développe le sens. Ou, du moins, comme une présentation que son organisation rhétorique (quatre propositions relatives négatives juxtaposées introduites par "ce que...") sépare de la longue série d'énumérations qui constitue la suite du texte : elle commence par définir négativement le type des marchandises vendues par le locuteur avant de les énumérer en positif à partir du deuxième alinéa. Un tiret semble précéder le huitième paragraphe, le détachant de ce qui précède (le tracé incertain de ce tiret sur le manuscrit a cependant fait douter certains spécialistes). Cette ponctuation, ajoutée aux phénomènes de reprise observables dans la première phrase de cet alinéa ("les Corps, les voix" reprennent les §3 et 2, "ce qu'on ne vendra jamais" reprend en l'inversant au futur la formule "ce que les Juifs n'ont pas vendu" du paragraphe introductif) tend à définir ce dernier paragraphe comme une conclusion. Le dynamisme propre au genre du boniment parodié par le texte est assuré par la relance constante de l'anaphore et la pression rythmique découlant du découpage en brefs segments de phrases nominales, s'enchaînant en syntaxe énumérative. La structure tout entière du texte obéit à un principe de répétition / variation. Au niveau de sa composition : répétition de l'attaque anaphorique ("À vendre") au début des § 1,3,4,5,6,8 mais pas au début de §2 et 7. Dans le corps des paragraphes, effet répétitif obtenu par l'énumération rapide de groupes nominaux (si l'on excepte quelques rares verbes conjugués dans les premier et dernier alinéas). L'élément de variation est introduit par le nombre différent de groupes nominaux constituant chaque paragraphe, leur mode d'enchaînement différencié (juxtaposition/coordination), les ponctuations différenciées (tiret, virgule ou point-virgule), par la longueur différenciée des phrases et le nombre différent de phrases dans chaque paragraphe (si l'on entend par "phrase" ce qui, même sans verbe, est délimité par un point, point d'exclamation presque toujours dans ce texte). Facteurs de répétition eux aussi, les parallélismes sont fréquents :
À la fin du texte, la tournure négative "ce qu'on ne vendra jamais" constitue une reprise, inversée au futur, des propositions relatives négatives conjuguées au passé composé de la phrase initiale. L'unité
sémantique des divers paragraphes est difficile à établir ainsi que
la logique présidant à l'enchaînement des groupes au sein de chacun
d'entre eux. Cette unité et cette logique existent manifestement,
bien que plus ou moins fermement marquées, mais leur interprétation
laisse une large place à la subjectivité des commentateurs. Avant
d'y revenir plus en détail, on peut tenter de résumer le texte sous
forme de plan : |
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[1]
Littré (1871) : [2] Suzanne Bernard, Rimbaud, Œuvres, 1961.
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De quelles marchandises s'agit-il ? Le poème, avons-nous dit, semble le boniment d'un camelot vantant ses marchandises. "Ce que les Juifs n'ont pas vendu", indique d'abord, de façon indirecte, comme s'il voulait nous soumettre une devinette, celui qui parle dans le texte. Le Juif est le type du marchand et, plus précisément, ici, sans doute, vu le titre du poème et le vocabulaire commercial employé ("voyageurs", "rendre leur commission", "solde de diamants sans contrôle"), le type du marchand spécialisé dans la liquidation de stocks ou la vente au déballage [1]. Il vend tout ce qui peut avoir la moindre valeur vénale, même ce qui n'a pas trouvé preneur sur le marché normal. On imagine ce qui reste à notre (nos) camelot(s) rimbaldien(s), en guise de marchandises ! Ce qui n'a strictement aucune valeur matérielle mais qui relève d'une richesse plus haute. Le damné de Nuit de l'enfer, rappelle ici dans une note Suzanne Bernard, parle aussi, orgueilleusement, de ses richesses : « Je suis mille fois le plus riche... » [2] Avant de dresser une liste plus précise des précieuses marchandises (§ 2 à 8), le texte s'applique a cerner dans trois circonlocutions négatives (§1) cette opposition richesses matérielles / richesses d'un autre ordre qui sous-tend la métaphore commerciale du texte. Les idées exprimées en syntaxe négative dans ces premières lignes correspondent à autant de malédictions ou de limitations s'imposant aux hommes dans la société. Elles trouveront écho dans la suite du texte, sous forme de marchandises poétiques ou politiques supposées les aider à y faire face. Dans le quatrième alinéa, en effet, la harangue cible successivement, en trois groupes nominaux juxtaposés, "les masses", "les amateurs supérieurs" et "les fidèles et les amants" : on reconnaît les types humains mentionnés par la phrase initiale du texte (et on reconnaît aussi les trois catégories "sociales" qui entrent en jeu dans Bonne pensée du matin : "les Amants", "la richesse de la ville" et "les Ouvriers charmants", d'où l'on déduit le caractère autoréférentiel rimbaldien de bien des thèmes énumérés dans le texte). Les nobles jouissent du luxe ... que les criminels convoitent (cf. Mauvais sang, 5 : "Encore tout enfant, j'admirais le forçat intraitable ..."). Ce à quoi ni les uns ni les autres n'ont "goûté", c'est ce qui va au-delà de la richesse matérielle. C'est sans doute à ces jouisseurs jamais rassasiés (aussi bien les bourgeois raffinés, les dandys façon Baudelaire ou Des Esseintes que les traditionnels bagnards du roman romantique) que notre poète propose, au quatrième alinéa : "la satisfaction irrépressible pour les amateurs supérieurs". "Ce qu'ignore l'amour maudit", peut-on supposer, c'est la tolérance et la compréhension d'une société fraternelle. Et il en est de même pour "les masses", dont la "probité", la pauvreté honnête et résignée, transforme la vie en "enfer". À "l'amour maudit", toujours d'après le quatrième alinéa, les poètes n'ont rien de plus encourageant à proposer que "la mort atroce pour les fidèles et les amants". De fait, ce n'est souvent que dans la mort, en littérature, que les "amants maudits" parviennent à se rejoindre (Roméo et Juliette, Tristan et Iseut, etc.). Quant aux damnés de la terre, l'"anarchie" qu'on leur offre ici de façon condescendante, comme mode d'accession à la fraternité, est-elle une perspective plus convaincante que celle proposée aux amants ? Si les marchands croient probablement en la valeur de leur orviétan, l'auteur du poème, lui, si l'on en juge par l'ironie perceptible, en doute un peu. Ce genre de décalage est ce que Steve Murphy appelle avec à-propos la "polyphonie" du texte. Nous y reviendrons. Le dernier membre de phrase, après les deux points qui suivent le mot "masses", représente sans doute dans l'esprit de Rimbaud une proposition plus générale, plus philosophique que les précédentes, et qui en fait la synthèse. Une sorte de conclusion. Ce que la science ne "reconnaît" pas (et "n'a pas à reconnaître") c'est ce qui échappe à la sphère du rationnel et du matériel. Quant au temps, dans un cadre de pensée forgé par le christianisme, il est ce qui régit la vie intramondaine, où se manifeste le tragique de notre condition mortelle. Ce qui sera opposé dans la suite du texte à cette limitation essentielle de la condition humaine, ce sont les multiples références à une possibilité d'évasion ou d'élévation : "l'occasion, unique, de dégager nos sens" (§2), l'"élan insensé et infini aux splendeurs invisibles" (§7). Rimbaud fait plusieurs fois dans ses poèmes le procès de la science : "Je connais le travail ; et la science est trop lente" (L'Éclair) ; "Science avec patience, / Le supplice est sûr" (L'Éternité). Dans ces deux exemples (qui ne sont pas les seuls qu'on pourrait trouver), le thème de la science s'articule avec celui du temps. Comme on le comprend très bien dans les deux textes cités plus haut (L'Éclair et L'Éternité), Rimbaud oppose au travail trop lent, trop "patient" et toujours inachevé de la science ce qu'il appelle dans Solde (§6) la "possession immédiate" (voir aussi, au §2, l'expression "applications instantanées"). Cette accession immédiate "aux splendeurs invisibles" (§7), ce "saut" (§7) fulgurant de l'illumination, seuls à même de satisfaire son impatience, sont du seul pouvoir de la poésie (ou de la prière, dit-il dans L'Éclair : "Que la prière galope et que la lumière gronde... je le vois bien"). *
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[3]
Jacques Bienvenu a signalé la présence de l'expression chez
Hugo, dans Les Misérables :
« Il était […]
ému dans les ténèbres par les splendeurs visibles des constellations
et les splendeurs invisibles de Dieu. » Cf.
http://rimbaudivre.blogspot.fr/2017/08/le-sens-de-splendeurs-invisibles-dans.html
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On a discerné avec raison dans la harangue des vendeurs de Solde un inventaire des thèmes favoris de Rimbaud. Afin de le vérifier, et d'en tirer tous les éclaircissements possibles pour une meilleure compréhension de Solde, la méthode qui s'impose est celle de l'autotextualité (ou intertextualité interne, comme on dit aussi parfois), c'est-à-dire la confrontation systématique avec les autres poèmes du même auteur. Dans Matinée d'ivresse, par exemple, l'expérience quotidienne et insatisfaite du monde, est associée à un sentiment de d'"inharmonie" :
À l'inverse, dans À une Raison, s'adressant à une divinité mystérieuse qu'il appelle Raison et qu'il crédite du pouvoir de transformer les hommes et le monde quand elle se met en marche, Rimbaud en appelle à une "nouvelle harmonie" :
L'extrait rassemble les idées qui s'articulent aussi dans Solde : celle d'une unité, d'une "harmonie" perdue à retrouver, à refaire ("les Voix reconstituées") et celle de la musique (ici, celle du tambour) pour déclencher "l'éveil" des "énergies chorales et orchestrales" et "fraternelles" (Solde) ; des "nouveaux hommes" et leur "en-marche" (À une Raison). La poésie aussi permet de s'élever jusqu'à une harmonie "inouïe", jamais encore ouïe c'est-à-dire "nouvelle", comme on en trouvera l'idée un peu plus loin dans le texte : "les sauts d'harmonie inouïs" (§7). "Harmonie", chez Rimbaud, est le nom d'une plénitude éminemment désirable et telle est la première, infiniment précieuse, marchandise que vante à ses badauds le camelot de Solde. Le lecteur qui se souvient de Génie sera peut-être surpris de trouver placée dans le chapitre des "Voix" la formule : "l'occasion, unique, de dégager nos sens !" Dans Génie, en effet, le "dégagement rêvé" est associé à l'idée du corps : "Son corps ! Le dégagement rêvé." Mais la musique passe pour le plus spirituel et immatériel de tous les arts, elle élève l'âme et l'image ascensionnelle est très insistante chez Rimbaud (par exemple le rêve d'envol, dans Aube ou dans Phrases et, a contrario, le thème de la chute d'Icare dans Adieu). Dans Solde, Rimbaud suggère qu'en nous permettant d'échapper à la routine de "nos sens", le "dégagement rêvé" nous soulève de terre vers l'Inconnu, nous projette aussi hors de la vie commune, comme on peut le lire dans un autre poème (L'Éternité), toujours à l'aide du même verbe "dégager" :
Le paragraphe 4 a déjà été commenté ci-dessus, je n'y reviens pas. Le cinquième illustre un autre thème extrêmement présent dans Les Illuminations, celui de la modernité technique. "Remarquons que la moitié des lots ici soldés (« féeries et comforts parfaits [...] le mouvement [...] » figurent aussi sur le « Vaisseau » des « conquérants du monde » (Mouvement)" (Claisse, op. cit. p.265). Or, par rapport à toutes ces manifestations du Progrès (nous dirions, aujourd'hui, de la révolution industrielle et de la première mondialisation capitaliste), s'il est certain qu'il ne partage pas la foi inébranlable d'un Victor Hugo, Rimbaud a toujours eu une position ambiguë. Du Génie (dans le poème du même nom) il célèbre que "son pas" provoque des "migrations plus énormes que les anciennes invasions". Et ce n'est pas sans un certain émerveillement qu'il évoque "ces Alleghanys et ces Libans de rêve" que sont les villes, qui "se sont montés [...] pour un peuple", où "des chalets de cristal et de bois [...] se meuvent sur des rails et des poulies invisibles", "où des compagnies ont chanté la joie du travail nouveau, sous une brise épaisse, etc." (Villes, "Ce sont des villes..."). Mais "cette époque-ci [...] a sombré" comme Rimbaud l'affirme dans Génie. Et, dans l'esprit du poète, l'enthousiasme pour les marchandises des prophètes du Progrès (celles qui sont énumérées dans Solde notamment) a laissé la place au doute (« Se peut-il [...] Que les accidents de féerie scientifique et des mouvements de fraternité sociale soient chéris comme restitution progressive de la franchise première... », Angoisse), à la suspicion (voir comme le "couple de jeunesse" reste à l'écart des "conquérants du monde" à la fin de Mouvement) quand ce n'est pas à la dénonciation la plus explicite du "mouvement et l'avenir qu'ils font", dans des textes comme Soir historique ("La même magie bourgeoise à tous les points où la malle nous déposera !") ou Démocratie (""Aux centres nous alimenterons la plus cynique prostitution. Nous massacrerons les révoltes logiques. / Aux pays poivrés et détrempés ! — au service des plus monstrueuses exploitations industrielles ou militaires."). Par son allusion au discours des chantres du Progrès, le poète de Solde rappelle à son lecteur, qui ne peut que s'en souvenir, le débat sur les promesses et les désillusions de la modernité qu'il instrumente dans tant d'autres pièces du même recueil. L'ensemble §6-7 met en vente les éléments d'un art poétique que le lecteur des Illuminations connaît aussi pour les avoir trouvé ailleurs chez Rimbaud. Rimbaud rappelle fréquemment que la création poétique est d'abord un travail. D'où, en ce début de §6, les mots d'"applications" et de "calcul". Dans Jeunesse I, où Rimbaud se décrit, un "dimanche", occupé à son travail d'écriture, c'est le mot équivalent "étude" qui vient sous sa plume : "Reprenons l'étude au bruit de l'œuvre dévorante", après avoir quelques lignes plus tôt (pour quelques instants de distraction et de songerie) mis "les calculs de côté". Les "applications de calcul" font allusion au travail de la forme, aux moyens que le poète met en œuvre pour obtenir les effets recherchés. L'effet de perfection hors du commun que ce travail permet d'obtenir, Solde le traduit ensuite par l'adjectif "inouï" et par la notion musicale d'"harmonie" que nous avons déjà rencontrée dans le chapitre des Voix. Cette idée est aussi présente dans Jeunesse IV : "Mais tu te mettras à ce travail : toutes les possibilités harmoniques et architecturales s'émouvront autour de ton siège." Le travail spécifiquement lexical (l''"hallucination des mots", selon la formule d'Alchimie du verbe) occupe une place centrale dans l'art poétique rimbaldien. C'est cette recherche que nous trouvons résumée dans Solde par la formule : "les trouvailles et les termes non soupçonnés". Bruno Claisse en offre le commentaire suivant :
À juste titre, Bruno Claisse insiste sur la visée surnaturaliste ("hallucinatoire") du travail du style chez Rimbaud. Il s'agit d'abréger, de franchir d'un "saut", d'un seul "élan" (§7), l'espace qui sépare ce monde-ci de l'autre : celui des "splendeurs invisibles, aux délices insensibles" (on reconnaît l'imagerie traditionnelle du "paradis" [3]). Il s'agit de vaincre la lenteur de la Science et du Temps pour atteindre "l'heure du désir et de la satisfaction essentiels" (Conte). Cette formule de Conte, en rapprochant les mots de "désir" et de "satisfaction" ("essentiels") sexualise nettement l'espérance paradisiaque, phénomène classique chez Rimbaud, comme on le constate immédiatement aussi dans Solde avec l'apposition : "et ses secrets affolants pour chaque vice". La formule agglutine l'idée de folie ("affolants") que Rimbaud associe régulièrement (lettre à Demeny de 1871 dite "du voyant", Alchimie du verbe, etc.) à la découverte de "l'inconnu" et l'idée de "vice" qui n'était pas absente, dès l'origine, de son projet d'encrapulement poétique :
Un tel projet écarte le poète du commun des mortels et amène logiquement à la fin du §7 de Solde l'archétype romantique du saltimbanque tragique (Gwynplaine, Francioule, etc.) qu'on reconnaît aisément dans la formule oxymorique : "et sa gaîté effrayante pour la foule". Rimbaud, en héritier de la tradition romantique, n'hésite pas à présenter le poète comme un "pitre" dans une des versions de son poème Le Cœur supplicié (Le Cœur du pitre). Son destin, dit-il encore dans Angoisse, le condamne à "rouler aux tortures qui rient". Le §8, enfin, offre la synthèse de cette longue énumération par la phrase : "À vendre les Corps, les voix, l'immense opulence inquestionable, ce qu'on ne vendra jamais." (je ne commente ici que la première phrase de ce paragraphe, me réservant d'analyser ultérieurement les deux suivantes qui constituent la conclusion du poème). Dans une de ses postures habituelles de poète-prophète, Rimbaud s'écrie, dans Vies I :
Il me semble qu'on est là tout près du mouvement général de Solde. À la charnière d'une tradition littéraire dont il est conscient d'être l'héritier et d'un futur ("la suite") qu'il imagine mortel pour les utopies qui ont été les siennes et pour la poésie, Rimbaud se prévaut d'avoir découvert des "richesses inouïes". La formule est très voisine de "l'immense opulence inquestionable" de Solde : "opulence" dit la même chose que "richesses", "inquestionable" et "immense" (étymologiquement : sans limite, qu'on ne peut mesurer) équivalent (de par leur valeur superlative et leur préfixe privatif im/in) à l'adjectif "inouï". Elle désigne l'ensemble des "marchandises" énumérées dans les paragraphes précédents, et notamment les Voix et les Corps dont les noms sont repris ici dans un ordre inversé. Le mot "inquestionable" qui signifie en anglais incontestable, indiscutable, n'existe pas en français. Son utilisation dans le texte surprend et, en surprenant, crée pour le lecteur un problème d'élucidation qui a certainement été voulu. Au sens banal d'"opulence indiscutable" (indiscutable prolifération des "marchandises" évoquées par le texte) s'ajoute du coup dans l'esprit du lecteur la possibilité d'autres significations moins immédiates et moins concrètes, plus hugoliennes et métaphysiques, comme : "insondable", "mystérieuse" (ce qu'on questionnerait en vain, qu'on interrogerait en vain). Cette ambivalence sémantique est particulièrement adaptée à la double nature des articles vendus dans le texte : marchandises tout ce qu'il y a de matérielles en apparence mais, métaphoriquement parlant : richesses spirituelles, dont l'abondance est une source infinie de jubilation pour le poète. |
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[4] AR. Œuvre-vie, édition du centenaire établie par Alain Borer et alii, Arléa, 1991, p.1174-1175 |
Qui parle dans Solde ? Les rimbaldiens n'ont jamais pu se mettre d'accord sur la signification ultime de Solde. La plupart voient dans le poème, essentiellement, un bilan critique, plus ou moins désabusé, de la poétique du voyant. Voire une "liquidation", un adieu définitif à la poésie. Pour d'autres, c'est quasiment l'inverse. Alain Borer, par exemple, reçoit le texte comme la joyeuse provocation d'un poète qui revendique sa subjectivité et prend "plaisir à faire l'article au milieu des sourds" [4]. Albert Henry va, de façon plus nuancée, dans le même sens. Après avoir analysé en détail le poème et refusé toute idée de liquidation ("Rimbaud ne liquide pas, il met en vente", op.cit, p.157), il conclut :
Personnellement, je suis assez de l'avis de Steve Murphy quand il écrit :
Qui parle dans Solde ? Rimbaud, dira-t-on, selon toute apparence ! Rimbaud est évidemment ce poète qui rejette la suprématie des valeurs marchandes mais qui n'est pas sans avoir lui-même quelque chose "à vendre", au sens figuré comme au sens propre. Il dénonce et, simultanément, enrage d'avoir à se plier à cette application particulière de la loi du marché. L'insistance anaphorique sur la formule "À vendre" alors même qu'il s'agit de poésie, d'utopies sociales, d'idéaux politiques et non de marchandises, le paradoxe réitéré sur lequel est fondé le discours du poème (vendre ... ce qui est "sans prix", vendre ... "ce qui ne se vendra jamais") sont, de ce point de vue, des choix rhétoriques éclairants. Ils indiquent une visée satirique. Dans une société où tout est "à vendre", le poète n'a d'autre recours que de participer au processus universel de marchandisation et au culte de la réclame. Mais de cette vente au déballage où on la prostitue, la poésie elle-même ne sort pas indemne. Ses beautés, gonflées pour les besoins de la réclame, apparaissent défigurées par l'outrance et trompeuses comme les promesses d'un charlatan. Les choix stylistiques de Rimbaud, ici, ne sont pas neutres : l'hyperbole déclinée sous toutes ses formes, l'adjectivation superlative ("Corps sans prix", "comforts parfaits", "sauts d'harmonie inouïs", "occasion unique", "satisfaction irrépressible", "opulence inquestionable"), l'oxymore, expression linguistique de l'impossible ("splendeurs invisibles", "délices insensibles", "gaîté effrayante"), la formule caricaturale (politique : "À vendre l'anarchie pour les masses" ; psychologique : "la satisfaction irrépressible pour les amateurs supérieurs") ... si c'est là un autoportrait, c'est un autoportrait ironique. L'ironie n'est pas également sensible dans toutes les formules que le texte énumère, mais elle est constante. La thèse prêtant à Rimbaud l'intention d'exposer orgueilleusement "le magnifique catalogue de ses découvertes" (Borer, ibid.) paraît donc insoutenable. Mais la thèse inverse concluant à un Rimbaud désenchanté renonçant pour toujours à la poésie n'est pas moins sujette à caution. Car ce n'est pas Rimbaud qui bonimente dans Solde à travers cet inventaire de pompeuses merveilles. C'est une figure de poète dans laquelle, certes, il se reconnaît, ou du moins s'est reconnu dans le passé, qu'il évoque même avec chaleur (cet aspect du texte, qui explique les interprétations "optimistes" de Borer, Henry et autres, existe indiscutablement), mais non sans une dimension critique. Et la fin du texte arrive à point nommé pour que le lecteur qui a pressenti ce jeu énonciatif, cette "polyphonie" dirait Murphy, soit à même de confirmer son impression et de saisir dans toute sa dimension la portée critique du poème :
D'une part, l'usage du pluriel ("les vendeurs", "les voyageurs"), fait comprendre que l'ironie n'est pas ici seulement à usage personnel (une auto-ironie) mais vise de façon générale poètes et prophètes : ceux qui, comme Rimbaud lui-même, se croient ou se sont crus investis d'une mission spirituelle et politique. D'autre part, le mot "solde" (repris du titre) et le vocabulaire commercial employés, évoquant la liquidation inachevée de marchandises impossibles à écouler, vont plus loin que la simple idée de "vendre". Ils suggèrent l'impasse de l'entreprise poético-politique, non pas celle du seul Rimbaud mais celle de la modernité poétique et politique en général : toutes ces choses des poètes visionnaires et des prophètes des temps nouveaux sont si dépourvues de valeur ou de réalité, si dénaturées ou dépréciées dans la société, qu'il faut les "solder", c'est-à-dire les brader, les vendre à prix cassés, et encore ... "les vendeurs ne sont pas à bout de solde !" (on ne les "vendra jamais"). Heureusement (ou malheureusement pour eux), "les voyageurs n'ont pas à rendre leur commission de si tôt !" C'est sous cet angle qu'il faut aborder la question tant débattue du caractère antisémite ou pas de l'incipit du texte. De même que Rimbaud, aussi anarchiste qu'il ait été (ce qui n'est d'ailleurs pas certain), n'était pas assez stupide pour considérer un slogan paternaliste du genre "l'anarchie pour les masses" comme un résumé acceptable de ses idées politiques, de même, pour aussi perméable qu'il ait été à l'antisémitisme ambiant de son époque et de son milieu (ce qui n'est pas certain non plus), il n'aurait pas utilisé, en s'exprimant à titre personnel, un cliché aussi vulgairement dépréciatif que celui qui orne le début de son texte. L'emploi, dans Solde, de tels poncifs s'explique par le fait que nous n'avons pas affaire ici à une pensée qui s'expose mais à un répertoire de mots et de thèmes (d'idées parfois, mais rédigées en style de slogan ou de réclame) dont le but est d'évoquer ironiquement un discours-type : celui de l'idéalisme poétique et politique. Ce qui revient à dire une fois de plus que ce n'est pas exactement Rimbaud qui parle dans le texte mais un fantôme de ce qu'il a été, et derrière lui les spectres des poètes et des penseurs dont il a recueilli l'héritage, regardés avec un mélange d'ironie et de nostalgie, exactement comme, dans Villes, Ce sont des villes..., Rimbaud regarde les "fabuleux fantômes des monts" :
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Le lecteur qui se souvient d'Une saison en enfer reconnaît dans Solde, jusque dans le style de bonimenteur emprunté par le locuteur, cette satire du Poète-Mage présenté ou peu s'en faut comme un nouveau Christ et surtout comme un charlatan :
Ce jeu quelque peu fumiste et mystificateur (faux "voyant", faux magicien et faux prophète), il arrive au poète de la Saison de s'y résigner, d'être prêt à le prolonger indéfiniment (peut-on voir dans la fin de Solde un autre exemple d'une telle persévérance dans l'erreur, héroïque ou morbide selon le point de vue adopté ? nous y reviendrons !) :
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[5] Les citations de Steve Murphy sont tirées des p.61, 64 et 79 de l'article cité.
[6] Studi francesi n°72, sept.-déc. 1980, p.586-589. |
Avec des nuances, la plupart des rimbaldiens défendent cette thèse, me semble-t-il (Yoshikazu Nakaji par exemple). Je m'y rallie. Par contre, je résiste à l'approche défendue par Steve Murphy. Si la dénonciation du fétichisme de la marchandise n'est pas absente du texte, elle ne peut pas être considérée comme son axe principal. Mettant en garde contre une lecture strictement "métapoétique" de Solde, Murphy refuse de limiter à une fonction métaphorique le vocabulaire commercial utilisé par le texte et le thème des "vendeurs". Il pense que le type de poète essentiellement visé par Solde est le "poète qui fait appel à la société de consommation, hiérarchisée par son degré d'accès à la propriété et de capital, travaillée par des besoins imaginaires constamment stimulés par la mode et par l'émulation sociale" et qui accepte de fournir à cette classe d'"amateurs supérieurs" le supplément d'âme susceptible d'enjoliver leur "vie grisâtre". Simplifions : le mauvais poète, le poète "philistin", qui pratique une poésie commerciale, "ce que Sainte-Beuve appelle la littérature industrielle" et dont l'idéologie est un "messianisme vénal" et "rétrograde". Tel serait le poète qui parle dans Solde. Mais appartient-il vraiment à un poète commercial ce discours que nous avons jugé si proche des thèmes de Rimbaud lui-même ? Franchement, je ne crois pas que l'autocritique de Rimbaud aille jusque là ? [5] Murphy s'inscrit là dans un courant de la réception critique qui refuse de désigner Rimbaud ni les poètes voyants comme ceux qui bradent leurs richesses dans Solde. Bruno Claisse, par exemple :
C'est Antoine Fongaro qui a lancé ce type de lecture :
Rimbaud solde un peu tout de même, apparemment ! Fongaro percevait bien la double cible de Rimbaud dans le texte, soi-même et, derrière lui, d'autres poètes, d'autres "vendeurs". Mais, non, je regrette : les contemporains de Rimbaud pratiquant une poésie alimentaire ne vendaient pas "l'anarchie pour les masses", ni "l'éveil fraternel de toutes les énergies chorales et orchestrales", pas plus que "les Corps sans prix, hors de toute race, de tout monde, de tout sexe, de toute descendance", et encore moins leurs "secrets affolants pour chaque vice". C'étaient forcément, dans l'esprit de Rimbaud, les vrais poètes, les immoralistes, les chevaucheurs de chimères selon son cœur, qui avaient en boutique ce genre de marchandises. Ce sont eux qui étaient obligés, souvent, de les solder, quoique moins radicalement que lui aujourd'hui, peut-être. Ils soldaient, certes, de par la "collectivité" aliénée et hostile qui était la leur, mais c'était eux qui soldaient, pas la société.
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Un testament poétique ? Une exégèse trop facile à partir de données biographiques (le fameux "silence de Rimbaud") a souvent fait considérer Solde comme un testament. On a donné au mot "solde" le sens d'une liquidation totale avant fermeture définitive. On a cru entendre dans le poème la voix d'un Rimbaud lassé de la poésie en partance pour le Harar. La tradition éditoriale plaçant Solde à la fin du volume des Illuminations, bien qu'elle ne doive rien à cette interprétation, tend à l'accréditer auprès du lecteur peu informé. Rien dans le texte ne garantit cette lecture. Premièrement, si l'on se contente de donner au mot "solde" son sens de base : la vente à bas prix de marchandises qui n'ont pas trouvé preneur sur le marché, la signification du poème se comprend suffisamment sans qu'on ait besoin de faire appel à la biographie. Rimbaud y constate simplement que "la fonction du poète", telle que l'a définie le Romantisme et telle qu'il a cru lui-même pouvoir l'assumer, voue celui qui s'est "reconnu poète" (lettre dite "du voyant") à une tâche ingrate et peu rémunératrice au service de buts illusoires. Que cet amer scepticisme ait joué un rôle dans sa décision de mettre fin à toute activité littéraire, dans la deuxième moitié des années 70, c'est bien possible. C'est même probable. Mais le thème était déjà bien présent en 1873 dans Une saison en enfer et ça n'a pas empêché Rimbaud de continuer à rédiger les Illuminations après cette date, de les mettre au net en 1874 à Londres, et de les confier à Verlaine "pour publication", en 1875, à Stuttgart. * |
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Deuxièmement, comme nous l'avons vu, Rimbaud, dans Solde, parle tout autant des poètes dans leur ensemble que de lui-même. La figure du poète présente dans Solde, à en juger par le contenu de son discours et compte non tenu de ce que ce discours a de plus radical et de plus typiquement rimbaldien, n'est pas très différente de celle du poète-prophète chère à Hugo, telle qu'on la trouve par exemple dans La fonction du poète (Les Rayons et les Ombres, 1840) :
Mais le temps des mages romantiques, semble dire Rimbaud, est révolu. Ces "utopies", ces choses des poètes et des prophètes, les "vendeurs" dont il s'agit dans le texte ont perdu tout espoir de les "vendre" à leurs clients potentiels, les hommes de leur temps. Ils les "soldent". Un tel propos, de la part de Rimbaud, peut apparaître comme une critique de l'époque tout autant que de la poésie, du Romantisme tout autant que de lui-même, sans qu'il soit nécessaire de trancher lequel de ces aspects l'emporte sur les autres. * |
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[7]
Littré : |
Enfin,
il est dit à la fin du texte que "les vendeurs ne sont pas à bout de
solde" et que "les voyageurs [au sens des commis-voyageurs] n'ont
pas à rendre leur commission de si tôt". Comprenons, littéralement :
1) Les vendeurs en ont encore pour longtemps avant d'avoir placé
leur stock de marchandises soldées ; 2) Les commis-voyageurs (qui ne sont que des
"commis", qui sont donc en charge de marchandises qui ne leur
appartiennent pas) ne sont pas obligés de "rendre" leur stock, de se
démettre de leur "commission" de sitôt [7]. C'est donc, métaphoriquement
parlant, que les poètes continueront longtemps à "répandre" leur
"trésor" et leur "cœur" et ils ne sont pas obligés à se démettre de
leur mission. Rien ne dit que Rimbaud n'en fera pas de même (voir
ci-dessus mon "premièrement").
Rimbaud, au moment où il écrit Solde a-t-il déjà, dans sa tête, donné congé à la poésie ? C'est ce que suppose, à l'évidence, Yoshikazu Nakaji, quand il écrit :
Une stratégie auctoriale visant à induire une première interprétation (autobiographique) pour la frustrer dans un deuxième temps serait assez dans la manière de Rimbaud. Ne serait-ce que pour couper au pathos d'une poésie trop "subjective", comme le suppose finement Nakaji. Mais non sans avoir précédemment suggéré une lecture de son poème comme un texte à la première personne. C'est même pour perturber l'interprétation spontanément autobiographique générée par cette stratégie rimbaldienne, au profit d'une approche plus historiciste, que j'ai utilisé dans ce commentaire la stratégie inverse, signalant dés l'introduction l'information capitale que le lecteur ne trouve, dans le poème, qu'au niveau des dernières phrases. Aussi bien est-il légitime que la conclusion d'un texte soit reçue comme une incitation à le relire sous son éclairage. Reste que Nakaji a raison : la quasi totalité du texte (comme c'est le cas d'Une saison en enfer, d'ailleurs) oriente le lecteur vers l'idée d'une renonciation définitive du poète au projet chimérique qui fut le sien. Mais, précisément parce que Rimbaud nous a habitué de longue date à cette rhétorique de l'échec (ou poétique du naufrage : souvenons-nous du Cœur supplicié, du Bateau ivre, en 1871, déjà !), pouvons-nous affirmer que la décision "tragique", dans la vie réelle, a été prise au moment où il écrit Solde ? Question indécidable, sans doute ! 18 août 2017
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Bibliographie André Guyaux, "Solde"
in Illuminations, texte établi et commenté par André Guyaux,
À la Baconnière, 1985, p.266-271. Yoshikazu Nakaji, "L'ambiguïté de Solde", Parade sauvage, Colloque n°3, 5-10 septembre 1991, 1992, p. 239-247. Bruno Claisse, "Pour
une autre lecture de Solde", Parade sauvage n°13, 1996, p.
67-76. Bruno Claisse, "Solde ou 'ce qu'on ne vendra jamais'", Europe n° 966, octobre 2009, p. 231-241. Repris in Les Illuminations et l'accession au réel, Classiques Garnier, 2012, p. 258-271. Steve Murphy, "'Ce que les Juifs n'ont pas vendu'. Notes en marge de Solde", Parade sauvage n°27, 2016, p. 59-80.
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