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Voyelles  
Bibliographie Ernest Gaubert, "Une explication nouvelle du sonnet des Voyelles", Mercure de France, 1904.

   => Bref article qui a lancé l'interprétation du poème par l'abécédaire. Rimbaud aurait pu s'inspirer d'un de ces alphabets coloriés destinés aux enfants où chaque lettre est associée à une couleur différente et illustrée d'un certain nombre de dessins (A comme Abeille, E comme Émir, etc.) Passée inaperçue en 1904, cette thèse est reprise en 1934 par Henri Héraut dans la NRF, à un moment où le débat fait rage autour du sonnet.

En ligne :

Ernest Gaubert, "Une explication nouvelle du Sonnet des Voyelles d'Arthur Rimbaud", Mercure de France, novembre 1904, pages 551-553 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k201597z.image.f273.langFR.pagination

Ernest Gaubert, "Notes et Documents littéraires. Sur le sonnet des Voyelles de Rimbaud", Mercure de France, 1er janvier 1935, pages 180-189 : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k202198c.image.f188.pagination.langFR

  Lucien Sausy, "Du nouveau sur Rimbaud", Les Nouvelles littéraires, 2 septembre 1933.

   => Sausy est l'initiateur de la lecture du texte à partir des graphèmes (A, E, I, O, U), méthode qui aura un si riche destin jusqu'à Faurisson et au-delà. Chez Sausy, A figure une mouche qui vole, E couché figure les "lances des glaciers fiers", I couché figure les lèvres, etc. (l'article est longuement cité dans la première Pléiade Rimbaud, 1963, p.724-725).

  Émilie Noulet, "Voyelles", Le Premier Visage de Rimbaud, Bruxelles, Duculot, 1953, p.107-189.

    => Quinze ans avant Étiemble, Émilie Noulet s'était déjà appliquée à faire la synthèse de tout ce qui s'était publié sur Voyelles ou était susceptible de l'expliquer. Elle étudie longuement les théories médicales de l'audition colorée, les antécédents littéraires, la thèse de l'abécédaire (pour laquelle elle montre une indulgence coupable), les théories occultistes d'Enid Starkie et Jacques Gengoux ... et très peu le poème lui-même. Ce qui ne l'empêche pas d'en faire un éloge hyperbolique, jugeant que le texte, loin d'être étouffé sous le poids de tant de références, en "jaillit intact, parfait, éclatant" (p.116), "embrasse la réalité entière, naturelle et spirituelle, et même la déborde" (p.184) !!  

  Jean Bertrand Barrère, "Rimbaud, l'apprenti sorcier - En rêvant aux Voyelles", Revue d'Histoire littéraire de la France, janvier-mars 1956
Repris dans Le regard d'Orphée ou l'échange poétique, p.101-127, et prolongé d'une réponse au livre Le Sonnet des Voyelles d'Étiemble, "Les Voyelles, telles quelles ?", 129-142, SEDES 1977.

    => Barrère remplace l'abécédaire sur lequel l'enfant Rimbaud aurait appris à lire par le dictionnaire où il aurait aimé conduire ses flâneries lexicologiques. C'est ainsi qu'il aurait composé ses Voyelles, entraîné sur la pente de la rêverie par des mots-passerelles commençant par chacune des cinq lettres ("Arthropodes", par exemple, pour le A ...), mots absents du poème mais qui auraient conduit Rimbaud vers ses images. Car, "sur la planche des Arthropodes" de tel dictionnaire "s'étale obscènement l'abdomen de la mouche" (1977, p.105). Malgré cette thèse contestable, Barrère a le mérite de mettre en évidence les sources romantiques et le discours chrétien structurant le poème. 

  Charles Chadwick, "Rimbaud le poète", Revue d'Histoire littéraire de la France, avril-juin 1957 (repris dans Études sur Rimbaud, Nizet, 1960).

    => Après avoir dénié toute valeur herméneutique à la méthode des synesthésies suggérée par le premier vers du poème, Chadwick s'attache à démontrer que Rimbaud recherche surtout, pour chacune de ses séries d'images, une unité de sentiment ou d'idée, travaille volontiers sur des stéréotypes, exploite des principes associatifs très simples, des effets de contraste conventionnels. Mais, en même temps, il le montre construisant son poème de "main de maître", jouant rarement deux fois de suite sur les mêmes ressorts, recherchant avec succès un "assouplissement de la formule qui ouvre le sonnet d'une manière saisissante mais qui aurait perdu sa force si elle avait été répétée intégralement au cours des vers suivants" et blâmant de ce fait tant d'exégètes soucieux uniquement de mettre à jour dans le texte un esprit de système qui ne s'y trouve pas. 

  Suzanne Bernard, Rimbaud, Œuvres complètes, Classiques Garnier, 1961, p.405-410.

   => Un panorama très complet des divers types d'interprétations (à la date de l'ouvrage) avec une préférence marquée pour la théorie de l'abécédaire. Notes nombreuses, mais très inégales.

  Robert Faurisson, A-t-on lu Rimbaud ?, Bizarre, n°20-21, 1961 (repris chez Pauvert en 1971) & L'Affaire Rimbaud, collectif (Antoine Adam, René Étiemble, André Breton), Bizarre n°23, 1962 [Réponse à Faurisson].

    => Voyelles comme blason du corps de la Femme in coïtu. A renversé, le sexe ; E couché, les seins ; I couché, les lèvres ; U renversé, les cheveux ; O, l'oméga, les yeux extasiés, le septième ciel.

  Jules Mouquet et Rolland de Renéville, Arthur Rimbaud , Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1963, p.723-729.

     => Une notice assez consistante qui signale les "erreurs" de la copie Verlaine ("rais" pour "rois", notamment), résume les théories de Sausy, de Faurisson, et la réfutation de ce dernier par Étiemble. 

  Étiemble, Le Sonnet des Voyelles, De l'audition colorée à la vision érotique, 244p., Gallimard, 1968.

    => Ouvrage de référence qui passe à la moulinette, non sans humour, l'ensemble des délires exégétiques suscités par le texte. Voir mon panorama critique, qui lui emprunte beaucoup.

  Antoine Adam, Arthur Rimbaud , Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1972, p. 898-903.

    => L'éditeur récuse les interprétations par l'abécédaire, l'audition colorée et l'occultisme. Par contre, sans partager la thèse de Faurisson, il voit dans la forme des lettres le principe explicatif décisif du poème (et il croit très fort, sur le témoignage de Delahaye, que le sonnet évoque une jeune fille aux yeux violets que Rimbaud a aimée).

  Peter Collier, "Lire Voyelles", Parade sauvage, Bulletin n°5, juillet 1989, p.56-99.

    => Long article sans parti-pris bien tranché qui résume et critique la plupart des interprétations répertoriées non sans trouver à chacune quelque chose d'intéressant. L'auteur multiplie par ailleurs les digressions autotextuelles (rapprochements avec d'autres poèmes de Rimbaud) et propose, à l'occasion, des aperçus personnels sur le poème. Le tout se termine par une exégèse structuraliste dont voici la conclusion : "Mais la raison pour laquelle ce poème, au-delà de son étroite parenté intellectuelle et sensible avec l'œuvre entière de Rimbaud aussi bien des Poésies que des Illuminations, annonce l'éclatement de la poésie du XIXe siècle et inaugure avec fracas une "Révolution du langage poétique", est qu'il réussit tout à la fois à détrôner l'axe de la substitution, l'axe métaphorique, du langage poétique, en imposant comme axe majeur celle de la contiguïté, l'axe métonymique, et à mettre en scène et à subvertir un sujet parlant problématique." (p.99) 

  Claude Zissmann, "Déchiffrement et analyse biographique : les dessous de Voyelles", Rimbaud multiple, Colloque de Cerisy, Bedou & Touzot, 1982, p.157-169.

    => Les cinq voyelles sont les étapes d'un récit autobiographique évoquant l'initiation homosexuelle du poète, rédigé dans une langue codée, métaphorique et calembouresque, où nul lecteur n'aurait pu pénétrer si l'auteur ne nous en avait livré le chiffre.

  Anne-Marie Franc, "Voyelles, un adieu aux vers latins", Poétique n°60, Seuil, 1984.

    => L'auteur(e) tente de montrer que chaque couleur est associée à la voyelle d'un adjectif latin la désignant (Ater > A noir, Eburneus > E blanc, Igneus > I rouge, Viridis > V vert).

  Antoine Fongaro, Fraguemants rimbladiques, Presses Universitaires du Mirail, Toulouse, "La strideur des clairons", p.169-171, 1989.

    => Hypothèses d'intertextes chez Victor Hugo et Philotée O'Neddy : "La strideur des clairons ! Le spasme du carnage ! / Quelle sublime fête à mon dernier soupir !!" (Feu et Flamme, 1833, Mosaïque, Fragment premier, Spleen, v.53). En ligne sur Google books.

  Gérard Bucher, "Les Voix de l'Apocalypse ou l'alphabet du monde : le sonnet des voyelles de Rimbaud", Po&sie n°56, Belin, avril 1991.

    => L'article superpose à une lecture assez traditionnelle du sonnet (du type Sausy-1933) des extrapolations philosophico-anthropologiques moyennement convaincantes. Exemple :
   « Les deux derniers vers du premier quatrain exposent l'alpha de tout destin humain [...] La souillure funèbre du corps en voie de dissolution est un coup d'éclat terrifiant, une force de déchaînement première, l'initiale puissance différenciante du destin [...]. Dès l'ouverture, c'est donc une opposition majeure qui est posée entre le noir-néant et la tonalité des teintes de l'arc-en-ciel équivalant au blanc. Cette dichotomie capitale est essentiellement le fruit [...] de la mise à l'écart primitive de l'impur — la "chose" innommable qui est objet de vertige et de fascination et de l'irruption d'un "pur" qui fixe les conditions de toute culture [...]. Or le pur qui est émergence d'un pur signe est, avons-nous dit, principe de tout ordre humain. La "culture du pur" est une expression pléonastique, car la mortification purifiante est condition des édifices et des empires. D'où le fait que cette initiation s'offre ici à nos yeux comme le spectacle des campagnes guerrières, celles des "rois blancs" sur fond "de tentes et de lances". Un tableau est ici suggéré des hauts faits épiques de l'humanité juvénile  » (p.123-124).
   En le paraphrasant ingénieusement de cette manière, on parvient à faire du Sonnet des voyelles, très au-delà des oppositions conventionnelles (cardinales, en effet, si l'on veut) qui le structurent, le discours inspiré d'un voyant ou d'un initié.

  Yves Bonnefoy, "Quelques remarques sur Voyelles", Rimbaud, tradition et modernité, éditions interuniversitaires, p.11-15, 1992. Repris dans Notre besoin de Rimbaud, Seuil, 2009.

    => De sa lecture de Voyelles, "épiphanie de l’indéfait", Bonnefoy conclut que le chaos introduit dans la perception permet au poète de voir ce sur quoi le regard ordinaire passe sans s’arrêter : « le désordre qui se répand dans l’emploi des couleurs va ruiner toutes les figures de l’être au monde ancien et avec celles-ci balayer les espérances que Rimbaud jusqu’alors avait fait siennes, dans l’espace de la pensée d’autrefois".

  Marie-Paule Berranger, Douze poèmes de Rimbaud, Marabout, p.81-99, 1993.

    => Un commentaire bien informé, destiné au public scolaire.

  Thierry Méranger, Rimbaud, Œuvres poétiques et lettres choisies, Classiques Hachette, 1998, Dossier du professeur, p.29-33.

   => À travers un jeu de questions et le dense corrigé fourni par le livre du professeur, l'auteur tente d'apporter les informations nécessaires à l'étude du poème en classe de français.

  Steve Murphy, Rimbaud, Œuvres complètes, I, Poésies, Édition critique, Champion, p.579-588, 1999.

   => Note philologique faisant le point sur les différentes versions, leurs variantes, l'histoire de leur transmission, les incertitudes subsistant sur leur date (le peu de fiabilité des témoignages de Delahaye), les raisons qui font penser que le manuscrit autographe est postérieur à la copie Verlaine.

  David Ducoffre, "Consonne", Parade sauvage n°19, p.57-90, 2003 & "Le Sonnet Voyelles dans son aube violette", Parade sauvage n°20, p.46-49, 2004.

    => Tout en estimant qu'il n'y a pas de discours structuré dans le sonnet ("Il n'y a pas de lecture linéaire du sonnet", 2004, p.49) l'auteur pense pouvoir y poursuivre "une visée de sens" (ibid.). Les Voyelles seraient "la célébration d'un alphabet universel" à la manière de l'auteur des Contemplations, sauf que Rimbaud transforme "les bigots-éléments johanniques du père Hugo en religion des bio-éléments" (2003, p.81). Le poème lui semble ainsi se prêter à une "lecture aurorale" (2004, p.46) : "la distribution des couleurs rythme un énorme lever de soleil", des "ombres de la nuit" jusqu'à "l'aube violette" (2003, p.63). Aurore tout allégorique, "aurore communarde" (2003, p.85), qui est celle d'une "relance symbolique de l'espoir" après la Semaine sanglante. Dans cette optique, le "sang craché" sera celui des martyrs du printemps 1871, "les 'mouches éclatantes' qui 'bombinent' font bien sûr allusion tant aux bombes versaillaises qu'à la stridence des tirs meurtriers" (2004, p.46), "Le suprême Oméga serait ultime et le 'rayon violet' évoquerait la gloire d'un soir historique" (2004, p.47).

  Jean-Luc Steinmetz, "Des Phares aux Voyelles : entre visible et invisible", dans Texte-image nouveaux problèmes, Actes du colloque de Cerisy des 23-30 août 2003, éd. Liliane Louvel et Henri Scepi, Presses universitaires de Rennes, 2005, p.255-267. En ligne : Des "phares" aux "voyelles" : entre visble et lisible

   => Voyelles, comme Les Phares de Baudelaire, offre un speculum mundi, un réseau de figures du monde qui, réunies dans l'espace réduit du poème, disent la création dans sa totalité (d'Alpha à Oméga). Chacun est "un aleph au sens borgesien du terme" (p.265). Les deux textes, au demeurant, sont voisins dans leur procédé formel. L'écriture de Phares répète, quatrain par quatrain, le même "système appositif" : patronyme d'un grand peintre + nom(s) en apposition + complément circonstanciel (introduit par "où"). Celle de Voyelles procède de la même façon : voyelle (couleur) + nom(s) en apposition. Différence : Rimbaud multiplie les appositions là où Baudelaire se centre en général sur une correspondance principale, développée postérieurement dans le cadre de la proposition circonstancielle (un tableau se détaille, un récit minimal s'esquisse ...). Les deux poèmes, enfin, obéissent au même principe de progression, du visible à l'invisible : "Les Phares et Voyelles suivent une logique de la climax en ce qui regarde leur composition, outre une chronologie repérable dans Les Phares et un ordre alphabétique repérable dans Voyelles. L'achèvement du texte se confond dans l'un et l'autre cas avec l'achèvement du monde — le bord de l'éternité pour Baudelaire, le moment de la révélation pour Rimbaud" (p.265).  

  André Guyaux, "Voyelles d'Arthur Rimbaud, virgules et points-virgules", Cahiers de littérature française II, Edizioni Sestante & L'Harmattan, 2005.
Repris dans
La Revue des Ressources, 30 septembre 2009 :
http://www.larevuedesressources.org/spip.php?article1328

   => Bref article sur les variantes de ponctuation du premier vers du poème. Le manuscrit autographe joint "au plus près la lettre et la couleur". "Au contraire, la ponctuation qu’adopte Verlaine sépare la lettre et la couleur. Il s’agit certes dans les deux cas d’une forme d’apposition, mais qui se rapproche de l’attribut avec omission du verbe dans la transcription de Verlaine, du mot-valise ou de la métaphore elliptique dans la version de Rimbaud".

  André Guyaux, Arthur Rimbaud , Œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade - Texte établi, présenté et annoté par André Guyaux. Éditions Gallimard, p.873-877, 2009.

    => Une notice copieuse (cinq pages de notes serrées) qui fait le point sur la question philologique (diverses versions en présence, critères de choix d'une version de référence) et brosse un panorama de la tradition critique.

  Yves Reboul, "Voyelles sans occultisme", Rimbaud dans son temps, Classiques Garnier, Études rimbaldiennes, p.223-248, 2009.

    => Le sonnet des Voyelles a gravement pâti d'avoir servi d'étendard aux Symbolistes. Il a été lu de ce fait dans l'optique spéculative et mystique qui était celle de ce mouvement alors que c'est fondamentalement un "texte rempli d'allusions satiriques", un "répertoire ironique de thèmes à la mode, une sorte d'à la manière de ... répartie sur l'ensemble du sonnet", prenant pour cible Baudelaire (A noir), l'esthétisme parnassien (E blanc), les stéréotypes romantiques (I rouge) et hugoliens (dans les tercets).

  Yoshihito Tajima, "Voyelles, les règles d'un 'raisonné dérèglement"', Rimbaud vivant n°51, juin 2012.

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