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Images du
mythe
XXe-XXIe siècles





 

   L'emprise du modèle Carjat ne se dément pas au XXe siècle : orientation du regard, désordre de la coiffure, rondeur du menton... Mais les artistes transposent cet archétype en fonction de leur style propre et du goût de leur temps, illustrant, selon les auteurs et les époques, des facettes différentes du mythe.
   Le Rimbaud onirique de Valentine Hugo (1933) est d'inspiration surréaliste. Ses yeux de voyant extralucide percent la toile, sur le fond noir de laquelle gravitent d'étranges symboles (cf. l'analyse d'Anne Foster). 
   Dans son portrait réalisé en 1949, Fernand Léger surligne les traits un peu lourds du poète de bandes de couleurs aux tons criards qui le bariolent comme un peau-rouge. On y reconnaît le goût du peintre pour les physionomies robustes de prolétaires, pour les couleurs primaires, la ligne pure et la simplification des volumes.
   Pablo Picasso, avec le génie de dessinateur qu'on lui connaît, a donné à son Rimbaud (1960) un air de petit-maître charmant, ébouriffé, un peu pincé, qui ne manque pas d'humour.
   Sonia Delaunay (1973) s'est contentée d'entourer le mythique Carjat d'un cadre ovale bien dans son style géométrique et coloré. C'est simple mais beau et, sans doute, non dépourvu d'ironie.
   En 1974, trois jeunes poètes, Mario Santiago, Bruno Montané et Roberto Bolaño (retour du Chili où il vient de tâter des geôles de Pinochet) créent à Mexico l'Infrarealismo dont un des organes sera "Rimbaud, vuelve a casa". En haut du portrait de Rimbaud ornant, pleine page, la une de la revue, un avion de combat semble s'écraser.
   C'est en 1984 que Jean-Robert Ipoustéguy coule dans le bronze son Rimbaud
aux
semelles devant, installé devant la Bibliothèque de l'Arsenal (Paris, 4e). Il a, dit-il, imaginé ce "Rimbaud coupé en deux, les pieds devant, courant après sa marche" pour exprimer "la scissiparité aveuglante d'un individu" et réussir à transposer, "sans faire un Hermès", la formule de Verlaine (Armelle Auris, L'Esthétique de l'écart, Ateliers I, L'Harmattan, 1994, p.78).
   On voit passer dans les aquarelles rimbaldiennes d'Hugo Pratt, dit Jean-Claude Guilbert, "les ombres combinées de Rimbaud et de Corto". Ce Rimbaud aventurier, librement inspiré des autoportraits photographiques de la période africaine, correspond bien à l'image du poète que véhiculaient les livres d'Alain Borer autour du premier centenaire.

   Avec Neal Fox, illustrateur londonien né en 1981, on entre dans le XXIe siècle. Il a représenté à plusieurs reprises Rimbaud en 2017 dans The Serpent's Dance, univers rock à la française : Jane BIrkin, Gainsbourg, Baudelaire et Verlaine (détail, ci-contre) et dans Beat Dreams. Ce dernier tableau montre Rimbaud sous la forme d'un archange en armure visitant Jeanne d'Arc sur son bûcher (featuring Patti Smith). La scène rendrait compte d'un rêve de Jack Kerouac, ivre, traversant le désert en voiture en compagnie d'Allen Ginsberg.