Dimanche
Les calculs de côté, l'inévitable descente du ciel, la visite
des souvenirs et la séance des rythmes occupent la demeure, la tête
et le monde de l'esprit.
— Un cheval détale sur le turf suburbain, et le long des
cultures et des boisements, percé par la peste carbonique. Une
misérable femme de drame, quelque part dans le monde, soupire après
des abandons improbables. Les desperadoes languissent après l'orage,
l'ivresse et les blessures. De petits enfants étouffent des
malédictions le long des rivières. —
Reprenons l'étude au bruit de l'œuvre dévorante qui se rassemble
et remonte dans les masses.
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C'est dimanche. Le poète a laissé de côté ses
« calculs » et ses « impatiences » (Jeunesse II. « Sonnet »).
Il observe le
« ciel qui se
recourbe, se recule et descend, formé de la plus sinistre fumée
noire que puisse faire l'Océan en deuil » (Métropolitain). Il
s'abandonne à sa mémoire, « nourriture de [s]on impulsion
créatrice » (Jeunesse IV) et s'occupe à la « séance des
rythmes », la « mécanique érotique » dont il parle dans H. Placé
entre deux tirets, un flux de pensées vagabondes s'empare de son
esprit. Un
cheval détale « sur le turf », à travers
le smog qui le perce comme une « peste carbonique »,
malheureux animal qui renvoie au poète une image de sa propre situation.
Sa mémoire lui représente des aventuriers, des « desperadoes »
(Verlaine et lui ?), une « femme de drame » et des « petits
enfants » qui « étouffent des malédictions le long des rivières »
(ses propres souvenirs d'enfance tels qu'il les évoque dans
Mémoire). Mais bientôt, s’extirpant de sa rêverie morose,
Rimbaud s’exhorte à se remettre à l’« œuvre » : Les
Illuminations elles-mêmes,
probablement, grâce auxquelles, « énormité devenant norme, absorbée
par tous » (comme il disait naguère dans la lettre du voyant), sa pensée « se rassemble
et remonte dans les masses ».
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