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L'étoile a pleuré rose ...  (1871)

L'étoile a pleuré rose au cœur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

     L'étoile a pleuré rose... est un poème sans titre, un quatrain isolé. La même structure syntaxique se répète dans les quatre alexandrins qui le composent. Les quatre compléments circonstanciels du deuxième hémistiche énumèrent des parties du corps féminin : les "oreilles", la "nuque", les "reins", les seins ("mammes vermeilles"), le "flanc". Le premier hémistiche des alexandrins (les trois premiers d'entre eux, du moins) désigne des acteurs symboliques de la scène cosmique ("l'étoile", "l'infini", "la mer") dont les actions respectives (pleurer, rouler, perler) semblent modeler le corps superbe de la Femme, lui conférant ses formes, ses attributs, ses couleurs. On croit bien reconnaître un "blason", et même, pour être plus précis, une Vénus naissant des flots
     Mais Rimbaud renouvelle radicalement le thème, de deux façons. D'une part, il adopte une forme énumérative-répétitive qui lui permet de faire abstraction de toute rhétorique narrative (lot habituel du genre mythologique) et de travailler la densité métaphorique du poème. D'autre part, il ménage une chute sinistre (vers 4) qui renverse le sens normalement attendu. Il transforme ainsi un apparent madrigal en une épigramme féroce, dénonçant les souffrances imposées à l'Homme par la Femme. 

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