Rimbaud, le poète / Accueil > Tous les textes > Archives Verlaine 1872-1873 : Brouillons de la Saison



BROUILLONS D'UNE SAISON EN ENFER (ARCHIVES VERLAINE 1872-1873)


   Sont parvenus jusqu'à nous, sur trois feuillets distincts, trois ébauches fragmentaires d'Une saison en enfer. Seul le second de ces textes possède un titre (Fausse conversion). Ils peuvent être respectivement considérés comme des esquisses de Mauvais sang (sections 4 et 8), Nuit de l'enfer (début du chapitre), et Alchimie du verbe (fin du chapitre). Au verso des deux premiers de ces brouillons de la Saison trouvent place deux pages d'un manuscrit rimbaldien qu'une tradition contestable a titré Proses évangéliques.
     Ces manuscrits ont fait partie des archives de textes rimbaldiens conservées par Verlaine après la crise de juillet 1873. De Verlaine, ils sont passés successivement chez divers libraires (Vanier, Messein, Matarasso), puis achetés par le collectionneur Jacques Guérin, enfin préemptés par la BNF en 1998. Cote : NAF 26500.
    Il est rare que Rimbaud nous ait laissé de véritables brouillons où l'on peut voir l'écrivain chercher ses mots (biffures, surcharges, ajouts dans l'interligne, etc.) En outre, la confrontation des brouillons d'Une saison en enfer avec les passages correspondants de l'œuvre achevée est d'un grand intérêt pour l'interprétation de ces chapitres. Yann Frémy (DFS p. 923 et 925) note que Nuit de l'enfer (Fausse conversion) possède dans ces esquisses "une dimension démonstrative atténuée dans une version finale plus polyphonique". Et quant aux sections 4 et 8 de Mauvais sang,  elles "forment un tout et comportent moins d'ellipses que la version finale". Ce qui lui fait dire que Rimbaud, dans son premier jet, "concède encore un minimum aux « facultés descriptives ou instructives » pourtant honnies pa
r Satan dans la prose liminaire d'Une saison en enfer."  
   
Le déchiffrement du manuscrit et sa transcription intégrale étant extrêmement problématiques, il est conseillé de se reporter aux fac-similés, heureusement disponibles sur Gallica, et/ou de confronter les textes donnés ici avec ceux des plus récentes éditions de référence (notamment : AG-09, dont la transcription extrêmement minutieuse rend de grands services).
 









"Oui c'est un vice que j'ai..."
Fausse conversion
"
Enfin mon esprit devint...
"

 

 


 

"Oui c'est un vice que j'ai..."

Esquisse de Mauvais sang (sections 4 et 8).
Autographe. Non daté. Voir ci-dessus.

1 - remarche (ou marche) : en surcharge, à la place de  "reprend".
2 - les : en surcharge, à la place de "ses".
3 - a poussé : dans l'interligne, à la place de "monte", biffé.
4 - terre : en surcharge, à la place de "bas".
5 - C'est dit,
: ajouté dans l'interligne, probablement pour être inséré après "donc".
6 - [..] : mot illisible.
7 - [mon dégoût(?) et mes trahisons supérieures et ?] : syntagme partiellement indéchiffrable ajouté dans l'interligne.
8 - les coups : ajouté dans l'interligne.
9 - et des sens dispersés : en surcharge, par dessus un groupe de mots illisible.
10 -
À quel démon me (louer) : on lit dans l'interligne "je suis à" (louer) sans que la leçon précédente soit  biffée.
11 - Quelle : on lit un "à" sous ou sur le "Q" de "Quelle".
12 - éviter : semble surchargé par un mot illisible ("souffrir" ?).
13 - la stupide justice. de la mort : "la stupide justice." semble remplacer "la main (biffé) bruta (surcharge "stupide" ; la dernière syllabe manque) de la mort (qui n'a pas été biffé)".
14 - les : en surcharge, à la place de "ma".
15 - [...] : mot illisible ("aujourd'hui" ?).
16 - aux : en surcharge, à la place de "dans les".
17 - la dure vie : semble avoir été ajouté dans
       l'indentation de l'alinéa.
18 - [...] : illisible ("Je ne vieillirai pas" ?)
19 - dangers : surcharge un mot illisible (terreurs ?)
20 - O mon abnégation, o ma charité inouïes : Rimbaud a d'abord écrit : "A quoi servent mon abnégation et ma charité inouïes mai " puis a biffé le verbe et les connecteurs logiques pour obtenir une phrase nominale, en remplaçant les éléments supprimés par les interjections.
21 - je suis bête : devant "je", un "que", biffé.
22 - la : on voit très distinctement "les", semble-t-il, corrigé en "la" ; "punitions" est au pluriel.
23 - gronde : en surcharge, par dessus un mot illisible ("brule" ?).
24 - Où va-t-on : en surcharge, par dessus "Sais-je où je vais".
25 - avancent : après ce mot, on lit "remuent", biffé.
26 - les autels, les armes : les "s" de pluriel sont absents ou peu marqués.
27 - Qu'on me : en surcharge, par dessus un mot illisible.

 

   
    Oui c'est un vice que j'ai, qui s'arrête et qui remarche1 avec moi, et, ma poitrine ouverte, je verrais un horrible cœur infirme. Dans mon enfance, j'entends les2 racines de souffrance jetée à mon flanc ; aujourd'hui elle a poussé3 au ciel, elle est bien plus forte que moi, elle me bat, me traîne, me jette à terre4.
   Donc [C'est dit,
]5 renier la joie, éviter le devoir, ne pas [...]6 au monde [mon dégoût(?) et mes trahisons supérieures et ?]7, la dernière innocence, la dernière timidité.
   Allons. la marche ! le désert. le fardeau. les coups8. le malheur. l'ennui. la colère. l'enfer, la science et les délices de l'esprit et des sens dispersés9
   À quel démon me10 louer ? Quelle bête faut-il adorer ? Dans quel sang faut-il marcher ? Quels cris faut-il pousser ? Quel mensonge faut-il soutenir ? Quelle11 sainte image faut-il attaquer quels cœurs faut-il briser ?
   Plutôt, éviter12 la stupide justice. de la mort13, j'entendrais les14 complaintes chantée [...]15 aux16 marchés. Point de popularité.
la dure vie.17 l'abrutissement pur, et puis soulever d'un poing séché le couvercle du cercueil, s'asseoir et s'étouffer. [...]18 pas de vieillesse. Point de dangers19, la terreur n'est pas française.
   Ah ! Je suis tellement délaissé, que j'offre à n'importe quelle divine image des élans vers la perfection. Autre marché grotesque.  
   O mon abnégation, o ma charité inouïes20. De profundis, domine ! je suis bête21 ?
   Assez. Voici la22 punitions ! Plus à parler d'innocence. En marche. Oh ! les reins se déplantent, le cœur gronde23, la poitrine brule, la tête est battue, la nuit roule dans les yeux, au Soleil.
   Où va-t-on,24 à la bataille ?
   Ah ! mon ami ! ma sale jeunesse ! Va..., va, les autres avancent25 les autels, les armes26.
   Oh ! oh. C'est la faiblesse, c'est la bêtise, moi !
   Allons, feu sur moi. Ou je me rends ! Qu'on me27 blesse, je me jette à plat ventre, foulé aux pieds des chevaux
   Ah !...
   Je m'y habituerai.
   Ah ça, je mènerais la vie française, et je suivrais le sentier de l'honneur.

Sommaire



 

 

Esquisse de Nuit de l'enfer.
Autographe. Non daté. Voir ci-dessus.

1 - gorgée : surcharge "verre".
2 - Va démon : "va diable, va Satan" biffé.
3 - comme il faut : dans l'interligne, au-dessus de "bien", biffé.
4 - conversion : remplace "salut" biffé.
5 - C'était des milliers : remplace "Dès que" biffé,
"[C'était] l'apparition" biffé.
6 - d'opéras : surcharge "de femmes".
7 - C'est : surcharge "Recommence"
8 - l’abêtissement : remplace "la vie bestiale", biffé.
Après ce mot, toute une ligne ajoutée en interligne paraît biffée : "le malheur, mon malheur et celui des autres, ce qui m'importe peu".
9 - Je reconnais : R. avait d'abord écrit "je reconnais bien" ("bien" biffé).
10 - Un : surcharge "quand"
11 - est damné : R. avait d'abord écrit "est bien damné" ("bien" biffé).
12 - Je me crois en enfer donc j’y suis : ajouté dans l'interligne.
13 - la honte : surcharge "le doute"
14 - à côté de moi : surcharge "qu'on me"
15 - faux : surcharge "maudits"
16 - Alors les poètes sont damnés. Non ce n’est pas cela. : ajouté dans l'interligne.
17 - C'est : remplace "Tais-toi", biffé.
18 - Oh ! : surcharge "Et Dieu".
19 - Le diable : surcharge "Satan"

Fausse conversion

    Jour de malheur ! J’ai avalé une fameuse gorgée1 de poison. La rage du désespoir m’emporte contre tout, la nature, les objets, moi, que je veux déchirer. Trois fois béni soit le conseil qui m’est arrivé. Les entrailles me brûlent, la violence du venin tord mes membres, me rend difforme, je meurs de soif. J’étouffe. Je ne puis crier. C’est l’enfer, l’éternité de la peine. Voilà comme le feu se relève. Va démon2, attise-le. Je brûle comme il faut3. C’est un bel et bon enfer.
    J’avais entrevu la conversion4, le bien, le bonheur, le Salut. Puis-je décrire la vision, on n’est pas poète en enfer. C’était5 des milliers d’opéras6 charmants, un admirable concert spirituel, la force et la paix, les nobles ambitions, que sais-je !
    Ah ! les nobles ambitions ! ma haine. C’est7 l’existence enragée ; la colère dans le sang, l’abêtissement8, et c’est encore la vie ! Si la damnation est éternelle. C’est l’exécution des lois religieuses, pourquoi a-t-on semé une foi pareille dans mon esprit. Mes parents ont fait mon malheur, et le leur, ce qui m’importe peu. On a abusé de mon innocence. Oh ! l’idée du baptême. Il y en a qui ont vécu mal, qui vivent mal, et qui ne sentent rien ! C’est mon baptême et ma faiblesse dont je suis esclave. C’est la vie encore ! Plus tard, les délices de la damnation seront plus profondes. Je reconnais9 la damnation. Un10 homme qui veut se mutiler est damné11 n’est-ce pas. Je me crois en enfer donc j’y suis.12 Un crime, vite, que je tombe au néant, par la loi des hommes.
    Tais-toi mais tais-toi ! C’est la honte13 et le reproche à côté de moi14 ; c’est Satan qui me dit que son feu est ignoble, idiot ; et que ma colère est affreusement laide. Assez. Tais-toi ! ce sont des erreurs qu’on me souffle à l’oreille, les magies, les alchimies, les mysticismes, les parfums faux15, les musiques naïves. C’est Satan qui se charge de cela. Alors les poètes sont damnés. Non ce n’est pas cela.
    Et dire que je tiens la vérité. Que j’ai un jugement sain et arrêté sur toute chose, que je suis tout prêt pour la perfection. C’est17 l’orgueil ! à présent. Je ne suis qu’un bonhomme en bois, la peau de ma tête se dessèche. Oh !18 mon Dieu ! mon Dieu. J’ai peur, pitié. Ah ! j’ai soif, ô mon enfance, mon village, les prés, le lac ! et la grève, le clair de lune quand le clocher sonnait douze. Le diable19 est au clocher. Que je deviens bête. Ô Marie, sainte vierge, faux sentiment, fausse prière
.

 

  


"Enfin mon esprit devint..."

Esquisse d'Alchimie du verbe (fin du chapitre).
Autographe. Non daté. Voir ci-dessus.
Le texte occupe le recto et le verso d'un même feuillet. Le feuillet est endommagé : l'un des coins supérieurs est déchiré. Les six premières lignes (au demeurant largement biffées sur la partie recto) sont réduites de la moitié de leur longueur. Les crochets […] indiquent l'emplacement de ces lacunes et de quelques fragments illisibles, ailleurs dans le texte.

RECTO

1 - de : Les mots suivants "Londres ou de Pékin ou Ber" sont biffés.
2 - qui disparaisse : suite indéchiffrable et biffée.
3 - des : suivi de "petit" biffé et surmonté du mot "fournaise" dans l'interligne.
4 - J'aurais voulu : suivi de "le désert orageux de ma campagne" biffé.
5 - m'offrais au : surcharge "priais le soleil".
6 - s'il reste : surcharge "si tu as encore".
7 - remparts : surcharge "créneaux".
8 - monceau(x) : surcharge "mottes".
9 - Que les : suivi de "araignées" biffé et de mots illisibles biffés.
10 - Je : plusieurs phrases ou amorces de phrases biffées "Je portais des vêtements de toile", "Je me".
11 - Le souverain : surcharge "soleil".
12 - donnait : au-dessus de "descendait vers" biffé.
13 - une : surcharge "la".
14 - et dissous en un rayon : surcharge "qui va se fondre au Soleil" biffé.
15 - les innocents des limbes : lecture conjecturale, illisible, ce groupe de mots vient après plusieurs autres groups biffés, "foule(s), succession (de) petits corps blancs". Il est suivi d'une phrase entièrement biffée : "l’araignée faisait l’ombre romantique envahie par l’aube opale".
16 - Je m’éloignais : suivi de "du contact" biffé.
17 - de l'écrire : surcharge "que j'essay"
18 - De joie : remplace "Et pour comble de joie" biffé.
19 - C’était ma vie éternelle : remplace "À cette période, c'était" biffé.
20 - la Providence : Rimbaud ajoute dans l'interligne, au-dessus de Providence, "les lois du monde, l’essence".
21 - vis : surcharge "mis"
22 - fatalité : surcharge "loi de b"
23 - l'action n'était qu'une façon : suivi de "instinctive", biffé ; surmonté, dans l'interligne, de "pas la vie mauvaise".
24 - une satiété de vie : remplace "la vie" biffé.
25 - au hasard sinistre et doux, énervement, errement. : précédant ces mots, un début de phrase est biffé : "Seulement moi, je laissais + un mot indéchiffrable".

VERSO

26 - Je pourrais les redire tous et d'autres : ajouté dans l'interligne après "enfermée".
27 - Je sais le système : ajouté dans l'interligne en dessous de "et d'autres".
28 - Je n’éprouvais plus rien. : suivi de "les hallucinations tourbillonnaient" biffé.
29 - n’essaierais : remplacé (?) dans l'interligne par "ne voudrais" mais non biffé.
30 - ma santé fut menacée : semble remplacer "ma santé s'ébranla", ce dernier mot biffé, mais une troisième formulation se dessine en interligne : "je crus [ma santé menacée ?]"
31 - plus vives, : suivi de "plus épouvantes" biffé.
32 - venait : surcharge "plus".
33 - levé : ajouté dans l'interligne.
34 - les plus tristes, égaré : ajouté dans l'interligne, à insérer apparemment entre "continuais les rêves" et "partout".
35 - trépas : au-dessus de "mort" biffé.
36 - patrie : surcharge "parmi".
37 - toute l'âme : suivi de "sur une embarcation" biffé.
38 - après une route de dangers, après avoir laissé presque toute l’âme aux épouvantes : R. semble avoir hésité entre les deux propositions introduites par "après", sans en biffer aucune.
39 - je fermai mon cerveau : ajouté dans l'interligne.
40 - Je voulus reconnaître là : au-dessous de "je rappelai" biffé.
41 - bonhomme de peu, isoler les principes, : ajout énigmatique dans l'interligne.
42 - éclairée : dans l'interligne, au dessus de "lumineuse", sans que soit clair celui des deux mots que R. a voulu biffer.
43 - me laver d’une souillure : remplace "me laver de ces aberrations" biffé.
44 - féeries : surcharge "magies"
45 - ma fatalité : "mon remords" a été ajouté dans l'interligne, avant "ma fatalité", et biffé.
46 - Quoique le monde me parût très nouveau, à moi qui avais levé toutes les impressions possibles : tout ce début de paragraphe est biffé.
47 - immense : après "immense" un membre de phrase énigmatique, biffé : "énervait même après que me devrais".
48 - bien réellement : au-dessous de "seulement" biffé.
49 - ad matutinum : surcharge "ad diluculum"
50 - au Christus venit : dans l'interligne, au-dessus de "quand pour les hommes forts le Christ vient", biffé.
51 - Bonr : lire "Bonheur"
52 - Si faible, je ne me crus plus supportable dans la société, qu’à force de bienveill. : lire "bienveillance, phrase ajoutée dans l'interligne.
53 - Quel malheur, pitié : ajouté dans l'interligne.
54 - je : surcharge "enfin".
55 - Nos poètes : R. a biffé "grands" dans "Nos grands poètes". "Nos" surcharge "Les".
56 - bont : lire "bonté".
 


 

RECTO

   Enfin mon esprit devint […] de1  […] qui disparaisse2 […] de réjouissance populaire. Voilà […] des3 […]
    J’aurais voulu4
   
J’adorai les boissons tiédies, les boutiques fanées, les vergers brûlés. Je restais de longues heures la langue pendante, comme les bêtes harassées, je me traînais dans les ruelles puantes, et, les yeux fermés, je m’offrais au5 Dieu de feu, qu’il me renversât. Général, roi, disais-je, s’il reste6 un vieux canon sur tes remparts7 qui dégringolent, bombarde les hommes avec des monceaux8 de terre sèche. Aux glaces des magasins splendides ! Dans les salons frais ! Que les9  Fais manger sa poussière à la ville ! Oxyde des gargouilles. A l’heure emplis les boudoirs de sable brûlant de rubis.
    Je10 cassais des pierres sur des routes balayées toujours. Le souverain11 donnait12 une13 merde, dans la vallée, au centre de la terre, le moucheron enivré à la pissotière de l’auberge isolée, amoureux de la bourrache, et dissous en un rayon14.

Faim*

    Je réfléchis au bonheur des bêtes ; les chenilles étaient les innocents des limbes15 : la punaise brune personne attendait qu’on passionne. Heureuse la taupe, sommeil de toute la Virginité !
     Je m’éloignais16 du contact. Étonnante virginité de l’écrire17 avec une espèce de romance.

*Chanson de la plus haute tour.

    Je crus avoir trouvé raison et bonheur. J’écartais le ciel, l’azur, qui est du noir, et je vivais, étincelle d’or de la lumière nature. C’était très sérieux. J’exprimai bêtement

*Éternité

    De joie18, je devins un opéra fabuleux.

*Âge d’or.

    C’était ma vie éternelle19, non écrite, non chantée, — quelque chose comme la Providence20 à laquelle on croit et qui ne chante pas.
   Après ces nobles minutes, stupidité complète. Je vis21 une fatalité22 de bonheur dans tous les êtres : l’action n’était qu’une façon23 de gâcher une satiété de vie24 : au hasard sinistre et doux, énervement, errement25. La morale était la faiblesse de la cervelle.

VERSO

 […] êtres et toutes choses m’apparaissent […] d’autres vies autour d’elles. Ce monsieur […] un ange. Cette famille n’est pas […]. Avec plusieurs hommes […] moment d’une de leurs autres vies […] plus de principes. Pas un des sophismes […] la folie enfermée. Je pourrais les redire tous et d’autres26, et bien d’autres, et d’autres. Je sais le système27. Je n’éprouvais plus rien.28 Mais maintenant, je n’essaierais29 pas de me faire écouter.
    Un mois de cet exercice : ma santé fut menacée30. J’avais bien autre chose à faire que de vivre. Les hallucinations étant plus vives,31 la terreur venait32 ! Je faisais des sommeils de plusieurs jours, et, levé33, continuais les rêves les plus tristes, égaré34 partout.

* Mémoire.

Je me trouvais mûr pour le trépas35 et ma faiblesse me tirait jusqu’aux confins du monde et de la vie, où le tourbillon dans la Cimmérie noire ; patrie36 des morts, où un grand […] après une route de dangers, après avoir laissé presque toute l’âme37 aux épouvantes38.

*Confins du monde

    Je voyageai un peu. J’allai au nord : je fermai mon cerveau39. Je voulus reconnaître là40 toutes mes odeurs féodales, bergères, sources sauvages. J’aimais la mer, bonhomme de peu, isoler les principes,41 l’anneau magique dans l’eau éclairée42 comme si elle dût me laver d’une souillure43, je voyais la croix consolante. J’avais été damné par l’arc-en-ciel et les féeries44 magies religieuses ; et pour le Bonheur, ma fatalité45, mon ver, et qui
    Quoique le monde me parût très nouveau, à moi qui avais levé toutes les impressions possibles46 : faisant ma vie trop immense47 pour aimer bien réellement48 la force et la beauté.
    Dans les plus grandes villes, à l’aube, ad matutinum49, au Christus venit50, sa dent, douce à la mort, m’avertissait avec le chant du coq.

*Bonr.51

    Si faible, je ne me crus plus supportable dans la société, qu’à force de bienveill.52 Quel malheur, pitié.53 Quel cloître possible pour ce beau dégoût ? Tout cela s’est passé peu à peu.
    Je hais maintenant les élans mystiques et les bizarreries de style.
    Maintenant je54 puis dire que l’art est une sottise. Nos poètes55 art aussi facile : l’art est une sottise.
    Salut à la bont.56