L'attribution
de ce "faux Coppée" à Rimbaud est sujette à caution. Cependant la
récente Pléiade d'André Guyaux opte pour lui en
conserver la paternité. Tout à fait dans le style zutique mais
postérieure d'un an aux séances du cercle, cette parodie de François
Coppée a été inscrite dans l'Album personnel du dessinateur Félix Régamey le 10 septembre 1872. C'est lui-même qui en rapporte les
circonstances dans son livre Verlaine dessinateur (1896). Sympathisant de la Commune, Régamey avait dû s'exiler à
Londres en 1871. Verlaine l'avait bien connu à Paris (notamment, dit
la petite histoire, au Café du Gaz qui était situé juste en
face de l'Hôtel de ville, lieu de travail de Verlaine). Lorsqu'il
débarqua à son tour à Londres en compagnie de Rimbaud, il renoua sa
relation avec Régamey. On doit à ce dessinateur et caricaturiste de
talent des portraits
plutôt venimeux de Rimbaud et Verlaine pendant leur séjour dans
la capitale britannique. C'est lors d'une visite des deux poètes à
l'artiste dans son atelier londonien que Verlaine, aux dires de Régamey, inscrivit dans l'album, en miroir, deux dizains à la
manière de Coppée, accompagnés chacun d'une caricature. L'un
raillait Napoléon III, l'autre le Prince impérial. Le premier
évoquait le père vaincu, pleurant sa gloire passée, le second
représentait le fils, épuisé par "l'Habitude"
du "gland
tenace et trop consulté" (formule du poème de Rimbaud
dans l'album zutique Les Remembrances
du vieillard idiot). Comme le montrent les |
guillemets encadrant le
vers dans le poème, l'alexandrin final
"Pauvre jeune homme, il a sans doute l'Habitude !",
est une citation. Il est textuellement copié du Passant de
Coppée (cf. André Guyaux, "Rimbaud et le Prince impérial", Bérénice,
5, 1982, p.143-146). Sauf que le mot "habitude" a été orné
significativement d'un "H" majuscule. Rimbaud se souviendra de ce
"H" dans Les Illuminations.
Sur
la foi du témoignage de Régamey, "L'enfant qui ramassa les
balles..." passa pour un texte de Verlaine jusqu'à ce que Marcel
Coulon s'avise que l'écriture est en fait celle de Rimbaud (La
Vie de Rimbaud et son œuvre, Mercure de France, 1929). Mais la
mise aux enchères de l'original à l'Hôtel Drouot, le 6 décembre
2003, a permis de découvrir un fac-similé de meilleure qualité que
celui qu'on connaissait jusque là, dévoilant dans le coin inférieur
droit les initiales PV, ce qui a relancé l'hypothèse d'un
texte dû à Verlaine (possiblement recopié avec l'aide de Rimbaud).
Steve Murphy, prenant acte du problème dans une note de son article
"Rimbaud et le parodique" (Parade sauvage, colloque n°4,
p.80, n.18) opte pour maintenir malgré tout l'attribution à
Rimbaud. Les initiales PV pourraient bien avoir été
apposées par Régamey "après coup". David Ducoffre tient
pour la thèse opposée : clairement signé PV, le texte doit
être attribué à Verlaine. André Guyaux, dans sa Pléiade de 2009
(p.916) tranche en faveur de Rimbaud : "Le prince impérial et l'Habitude
sont des thèmes rimbaldiens". |