section 1
section 2
section 3
section 4
section 5
section 6
section 7
section 8
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Le sang païen revient !
L'Esprit est proche, pourquoi Christ ne
m'aide-t-il pas, en donnant à mon âme noblesse et liberté. Hélas ! l'Évangile
a passé ! l'Évangile ! l'Évangile.
J'attends Dieu avec gourmandise. Je suis de race inférieure de toute éternité.
Me voici sur la plage armoricaine. Que les villes s'allument dans le soir.
Ma journée est faite ; je quitte l'Europe. L'air marin brûlera mes
poumons ; les climats perdus me tanneront. Nager, broyer l'herbe, chasser,
fumer surtout ; boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant, —
comme faisaient ces chers ancêtres autour des feux.
Je reviendrai, avec des membres de fer, la peau sombre, l'œil furieux :
sur mon masque, on me jugera d'une race forte. J'aurai de l'or : je serai
oisif et brutal. Les femmes soignent ces féroces infirmes retour des pays
chauds. Je serai mêlé aux affaires politiques. Sauvé.
Maintenant je suis maudit, j'ai horreur de la patrie. Le meilleur, c'est
un sommeil bien ivre, sur la grève.
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Rimbaud se représente,
dirait-on, le moment actuel comme celui d'un achèvement de l'Histoire.
Cette fin des temps est marquée par un retour du paganisme, ce qui n'est
pas étonnant puisque la race inférieure a tout couvert et que
cette race inférieure, nous l'avons vu dans la section 2, s'identifie
pour lui avec les barbares gaulois mal christianisés. Le retour du sang
païen est lui-même annonciateur de l'avènement de l'Esprit
(à travers quelque apocalypse sociale ou métaphysique ?). En somme, le
poète convoque les grands mythes pour exprimer de façon hyperbolique son impression de vivre, sur
un plan personnel, une situation de crise profonde et irréversible.
Quel recours, dans ce péril extrême ?
Dieu, la religion ? Mais "l'Évangile
a passé". Le temps de l'Évangile est
révolu, dans la vie personnelle de l'auteur comme dans l'histoire
des hommes. Sans doute aimerait-il y croire : comme tout païen, il
est encore en attente de la révélation (J'attends Dieu avec
gourmandise) ; mais il n'y croit plus, ou il craint qu'il ne soit plus
temps, pour lui, de s'amender.
Reste une autre voie de repentir, dans laquelle
on croit reconnaître le destin classique des "fils de famille",
des "fils du Peuple" : se mettre aveuglément au service des
dominants. Hier, c'étaient les croisades, les guerres de mercenaires.
Aujourd'hui, ce sont les expéditions coloniales de la République : quitter
l'Europe, aller aux climats perdus, se mêler aux affaires
politiques ...
Mais comment prendre un tel parti lorsqu'on
s'appelle Arthur Rimbaud et qu'on a horreur de la patrie ? Car dans
ces dernières lignes,
plus de doute pour le lecteur, c'est bien Rimbaud qui parle en son nom.
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