L'Ophélie de Banville
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L'école parnassienne
avait le culte de la Beauté. Le poète Théodore de Banville, avait coutume de
célébrer dans ses poèmes l' "Eternel Féminin", incarné dans les
déesses de l'antiquité, dans les grandes héroïnes de la littérature et
notamment parmi elles les pathétiques héroïnes des tragédies de Shakespeare.
Dans "La Voie lactée",
poème du recueil Les Cariatides (1843), Théodore de Banville évoque
Cordélia (Le
Roi Lear), Ophélie (Hamlet), Juliette (Roméo et Juliette).
Extrait :
Qui
pourrait s'empêcher de craindre et de pâlir
Avec Cordélia, la fille du roi Lear,
Adorant, fille
tendre, ainsi qu'une Antigone,
Son père en cheveux blancs, sans trône et sans couronne,
Parfum des derniers jours, pauvre Cordélia,
Seul et dernier trésor du roi qui l'oublia!
Qui, répétant tout bas les chansons d'Ophélie,
Ne retrouve des pleurs pour sa douce folie?
Qui dans son coeur éteint n'entend sourdre un écho,
Et n'aime Juliette écoutant Roméo?
Comme ces deux enfants, ces deux âmes jumelles
Que le premier amour caresse de ses ailes,
Aspirent
en un jour tout un bonheur divin,
Et
meurent, enivrés de ce généreux vin! |
Dans "Mascarades"
(1846), l'exaltation du Carnaval est l'occasion pour Banville d'opposer la joie
de vivre française à la mélancolie britannique, illustrée par les héroïnes
shakespeariennes : Ophélie (Hamlet) et Desdémone (Othello).
Extrait :
Chantez, Musique et Danse!
Que le doux vin de France
Tombe dans le cristal
Oriental!
Pas de pudeur bégueule!
Amis! la France seule
Est l'aimable et divin
Pays du vin!
Laissons à l'Angleterre
Ses brouillards et sa bière!
Laissons-la dans le gin
Boire le spleen!
Que la pâle Ophélie,
En sa mélancolie,
Cueille dans les roseaux
Les fleurs des eaux!
Que, sensitive humaine,
Desdémone promène
Sous le saule pleureur
Sa triste erreur!
Qu'Hamlet, terrible et sombre
Sous les plaintes de l'ombre,
Dise, accablé de maux:
« Des mots! des mots! »
Mais nous, dans la patrie
De la galanterie,
Gardons les folles moeurs
Des gais rimeurs!
Fronts couronnés de lierre,
Gardons l'or de Molière,
Sans prendre le billon
De Crébillon!
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Dans "A Henri Murger" , poème du recueil
Odelettes (1846) Banville célèbre les héroïnes de cet écrivain romantique
français, auteur des Scènes de la vie de bohème (1848). L'une d'entre
elles (Mimi) est comparée à Ophélie et à Juliette. Extrait :
Comme l'autre Ophélie,
Dont la douce folie
S'endort en murmurant
Dans le torrent,
Pâle, déchevelée
Et dans l'onde étoilée
Éparpillant encor
Ses tresses d'or,
Et comme Juliette,
Qui craignait l'alouette
Éveillée au matin
Parmi le thym,
Elle est morte aussi jeune
Au bel âge où l'on jeûne,
Ta pensive Mimi
Au front blêmi,
Et, dans la matinée
De la vingtième année,
Elle a fermé ses yeux
Insoucieux.
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