Soleil et Chair
Remonter
| Présentation du texte | Pistes
pour le commentaire | Mythologie | Images
Le sonnet | Les blasons | Versification
| Soleil et Chair
Dans
une lettre, datée du 24 Mai 1870, un jeune homme portant le nom d'Arthur
Rimbaud, élève de Rhétorique (la 1e d'aujourd'hui) au Collège Municipal de
Charleville (Ardennes), envoie avec audace trois de ses poèmes au célèbre
poète : Théodore de Banville.
Ne faites
pas trop la moue en lisant ces vers :
…Vous me
rendriez fou de joie et d'espérance, si vous vouliez, cher Maître, faire faire
à la pièce Credo in unam une petite place entre les Parnassiens"
L'espoir de l'adolescent
est de voir ses textes publiés dans "Le Parnasse contemporain", revue
des poètes parnassiens.
L'un de
ces poèmes est intitulé "Credo in unam". C'est à dire,
littéralement : "je crois en une seule (déesse)", détournement
provocateur de la formule catholique "Credo in unum deum (je crois en un
seul dieu)". Cette déesse n'est autre que Vénus Anadyomène ...
"Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume "
C'est
une profession de foi panthéiste (religion de la nature), païenne,
anti-chrétienne, le christianisme étant accusé de réprimer les plaisirs du
corps, la chair, au profit d'une morale sévère et triste :
"Je crois en toi ! je crois en toi ! Divine mère,
Aphrodité marine ! - Oh ! la route est amère
Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix;
Chair, Marbre, Fleur, Venus, c'est en toi que je crois !"
Quelques mois plus tard, à Douai, lorsque Rimbaud recopie ses poèmes pour les
remettre à un éditeur potentiel (Paul Demeny), il rebaptise son poème
"Soleil et Chair".
______________________
Voici quelques extraits de ce long poème :
Dans les vers ci-dessous, extraits de « Soleil et
Chair », analysez l’image qui nous est donnée - sous différents noms -
de Vénus.
Vénus est le nom latin, Aphrodite le nom grec, Cypris le
surnom donné à Chypre à la même déesse, Kallipyge est une épithète
traditionnelle d’Aphrodite qui signifie « aux belles fesses »,
Astarté est une déesse phénicienne que Rimbaud confond abusivement avec Vénus ;
Cybèle est la déesse-mère, symbole de la nature, mère de tous les dieux.
Comparez ensuite à l'image de la "déesse" qui
nous est proposée dans « Vénus anadyomène ».
Soleil
et Chair (extraits)
Le Soleil, le foyer de tendresse et de vie,
Verse l'amour brûlant à la terre ravie,
Et, quand on est couché sur la vallée, on sent
Que la terre est nubile et déborde de sang;
Que son immense sein, soulevé par une âme,
Est d'amour comme dieu, de chair comme la femme.
Et qu'il renferme, gros de sève et de rayons,
Le grand fourmillement de tous les embryons !
Et tout croît, et tout monte !
- O Vénus, ô Déesse !
Je regrette les temps de l'antique jeunesse,
Des satyres lascifs, des faunes animaux,
Dieux qui mordaient d'amour l'écorce des rameaux
Et dans les nénufars baisaient la Nymphe blonde !
Je regrette les temps où la sève du monde,
L'eau du fleuve, le sang rose des arbres verts
Dans les veines de Pan mettaient un univers !
.............................................................................
Oh ! si l'homme puisait encore à ta
mamelle,
Grande mère des dieux et des hommes, Cybèle;
S'il n'avait pas laissé l'immortelle Astarté
Qui jadis, émergeant dans l'immense clarté
Des flots bleus, fleur de chair que la vague parfume,
Montra son nombril rose où vint neiger l'écume,
Et fit chanter, Déesse aux grands yeux noirs vainqueurs,
Le rossignol aux bois et l'amour dans les coeurs !
…………………………………………...........
Je crois en toi ! je crois en
toi ! Divine mère,
Aphrodité marine ! - Oh ! la route est amère
Depuis que l'autre Dieu nous attelle à sa croix;
Chair, Marbre, Fleur, Venus, c'est en toi que je crois !
............................................................................
O splendeur de la chair ! ô
splendeur idéale !
O renouveau d'amour, aurore triomphale
Où, courbant à leurs pieds les Dieux et les Héros
Kallipige la blanche et le petit
Eros effleureront, couverts de la neige des roses,
Les femmes et les fleurs sous leurs beaux pieds écloses !
..............................................................................
-
Et tandis que Cypris passe, étrangement belle,
Et, cambrant les rondeurs splendides de ses reins,
Etale fièrement l'or de ses larges seins
Et son ventre neigeux brodé de mousse noire,
- Hèraclés, le Dompteur, qui, comme d'une gloire
Fort, ceint son vaste corps de la peau du lion,
S'avance, front terrible et doux, à l'horizon ! |
Pour lire le poème en entier : http://abardel.free.fr/recueil_de_douai/22poemes/00_jaquette.htm
|