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Lexique des termes littéraires 

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Rimbaud, le poète (accueil)  > Glossaire stylistique

Alinéa
ALLÉGORIE
ALLITÉRATION
ANALOGIE

ANAPHORE
ASSONANCE
ASYNDÈTE
CÉSURE

CHANSON

CHUTE
Clausule
Comparaison
Déictiques
Démonstratifs

ELLIPSE
Facule discursive

JEU DE MOTS

HYPALLAGE

HYPERBOLE
HYPOTYPOSE
INCIDENTE

M
étaphore
MÉTONYMIE

OXYMORE
PARAGRAPHE
PARALLÉLISME
Parataxe
PARODIE
Pastiche
POÈME EN PROSE

Pointe
Polysyndète
PRÉPOSITION

RIME
RIME CONSONANTIQUE
RYTHME (PROSE)
SONNET
STYLE ORAL
SYNECDOQUE
SYNESTHÉSIE
TIRET
VERS
VERS LIBRE
Verset
ZEUGMA

PARAGRAPHE : portion de texte, de volume varié, signalée en son début par un renfoncement (ou indentation), c'est-à-dire par un retrait de la ligne par rapport à la justification du texte manuscrit ou imprimé. Ce début en retrait de la première ligne d’un paragraphe est appelé aussi « alinéa », terme qui, par extension, peut désigner le paragraphe lui-même.

     Le découpage en paragraphes de la prose rimbaldienne a suscité de nombreux commentaires, concernant sa fonction poétique et les problèmes de terminologie qui y sont liés. Dans un article intitulé : Rimbaud et les paragraphes (op.cit. p.266-272), Albert Henry note : « Dès le début d’Une saison en enfer, […] on est frappé par l’abondance des alinéas faits de deux lignes, ou d’une ligne, ou même d’une demi-ligne ; et il suffit de parcourir la Saison pour se rendre compte que ces alinéas courts sont nombreux partout. De tels alinéas se multiplient dans de nombreuses pièces des Illuminations. » Ce découpage en paragraphes brefs s’accompagne souvent d’une organisation interne du paragraphe visant des effets rythmiques : anaphore (prologue de la Saison, Enfance III et IV, Solde, Dévotion …) ; parallélismes (Conte, À une Raison, Après le Déluge …) parmi lesquels Michel Murat a repéré la récurrence d’un « schéma binaire », notamment dans Après le Déluge, Enfance III, À une Raison (op. cit. p. 314 et suivantes). En outre, dans Les Illuminations, il n’est pas rare que de tels paragraphes s’achèvent sur un signe de ponctuation faible (virgule, parenthèse et virgule, tiret et virgule, tiret seul) la phrase enjambant sur le paragraphe suivant (voir Après le Déluge, 1°alinéa ; Mystique, avant-dernier alinéa ; Angoisse, 1° et 2° alinéa ; Barbare, 1°, 3°, 4° et 7° alinéa, Solde, 6° alinéa, Dévotion, 5° alinéa°).
     

     Ce découplage entre la disposition typographique du poème et la disposition normale du paragraphe de prose vise le plus souvent à mettre en valeur les effets de récurrence syntaxique rythmant poétiquement le texte. Pour cette raison, certains commentateurs, comme Sergio Sacchi (op. cit) ou Albert Henry dans l’ouvrage cité, appliquent au paragraphe rimbaldien la notion de verset : "Quoi qu'il en soit, dans le présent volume, je me sers du terme versets quand il s'agit des Illuminations : 'paragraphes caractérisés par certains détails de forme extérieure (voir ci-dessus) et par une organisation qui vise des effets proprement poétiques' " (op. cit. p.272). Dans la théorie poétique traditionnelle, le « verset » a une définition plus restrictive : il désigne un alinéa dont le découpage ne coïncide pas avec l’organisation syntaxique, et d’une longueur telle que selon la définition proposée par Jean Mazaleyrat « son étendue empêche d’être globalement perceptible comme vers » (Éléments de métrique française, Armand Colin U2, 1974).
     D’autres, comme Michel Murat, utilisent le terme « alinéa ». Mais l’une et l’autre solution ont le défaut de désigner par un terme unique des types de paragraphes extrêmement différenciés allant du paragraphe classique de cinq lignes et plus jusqu’à des segments de quelques mots rappelant la facture d’un vers libre.
     D’autres auteurs ont tendance à réserver la notion d’alinéa pour désigner les paragraphes brefs, en les opposant aux « paragraphes » proprement dits. Mais le risque est ici de tomber dans l’arbitraire et de distinguer artificiellement des termes ("paragraphes" et "alinéas") qui dans la langue courante sont synonymes.
     Cette question de terminologie reste donc ouverte.

      À titre d'illustration des difficultés de l'entreprise, voici représenté sous forme de tableau le classement suggéré par Dominique Combe dans le chapitre "Formes hybrides, transition du vers à la prose ? " de la partie consacrée aux Illuminations dans son Rimbaud (op. cit. 90-99) :

 

   Titres  Argumentation
Poèmes en 
versets
Enfance III 
Départ
 
Veillées I 
Dévotion

Textes qui "présentent une concordance entre la syntaxe et la mise en page" (contrairement à la définition traditionnelle du "verset") mais qui "rapprochent tangentiellement la prose du vers" par le jeu de séquences anaphoriques détachées par la typographie. La notion de "verset" est jugée opératoire, mais employée semble-t-il pour un nombre restreint de textes.

Poèmes en 
vers libres
Marine
Mouvement

"La disposition typographique de Marine et de Mouvement présence d'alinéas, de majuscules en début de ligne, mise en page qui laisse respirer les blancs, écriture penchée qui sera retranscrite par des italiques [pour Mouvement, dans la première édition par la revue La Vogue], etc. indique bien qu'il ne s'agit pas tout à fait de prose [...] mais d'une forme apparentée au vers, sans en avoir toutefois la métrique régulière ni les rimes" (p.95)

Proses 
poétiques
Tous les autres textes

"un recueil de proses poétiques" (p.98) Pour voir ce qui sépare, d'après D. Combe, la prose poétique de Rimbaud de celles de Baudelaire ou de Chateaubriand, voir notre rubrique "Poème en prose".

     Michel Murat procède un peu différemment. Il n'utilise pas la notion de "verset" et classe les textes en fonction de la longueur et du mode de structuration des paragraphes. Sur 39 pièces que contient le recueil des Illuminations, 16 sont des "poèmes-blocs" (constitués d'un paragraphe unique), 21 sont des "poèmes alinéaires", 2 sont des poèmes en vers libres (Marine et Mouvement). Sur les 21 poèmes alinéaires, 10 présentent des paragraphes courts, la plupart structurés par des parallélismes, et constituent (selon Michel Murat) une étape décisive vers le poème en vers libres, innovation propre à l’auteur des Illuminations (op. cit. p.299 et suivantes).

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Bibliographie

Michel Henry, "Rimbaud et les paragraphes", Contributions à la lecture de Rimbaud, Académie Royale de Belgique, 1998, pages 266-272.
Sergio Sacchi, Études sur les Illuminations, Presses de la Sorbonne, 2002.

Michel Murat,
L’art de Rimbaud, Corti, 2002.
Dominique Combe, "Formes hybrides, transition du vers à la prose ? ", Rimbaud, collection Foliothèque, 2004.