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Lexique des termes littéraires 

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Rimbaud, le poète (accueil)  > Glossaire stylistique

Alinéa
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ASSONANCE
ASYNDÈTE
CÉSURE

CHANSON

CHUTE
Clausule
Comparaison
Déictiques
Démonstratifs

ELLIPSE
Facule discursive

JEU DE MOTS

HYPALLAGE

HYPERBOLE
HYPOTYPOSE
INCIDENTE

Métaphore

MÉTONYMIE

OXYMORE
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PARALLÉLISME
Parataxe
PARODIE
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POÈME EN PROSE

Pointe
Polysyndète
PRÉPOSITION

RIME
RIME CONSONANTIQUE
RYTHME (PROSE)
SONNET
STYLE ORAL
SYNECDOQUE
SYNESTHÉSIE
TIRET
VERS
VERS LIBRE
Verset

ZEUGMA

ANALOGIE (COMPARAISON/MÉTAPHORE) : 
     La comparaison et la métaphore sont des figures de style fondées sur l'analogie (avec moins de rigueur, on dit aussi des "images"). Elles établissent une ressemblance entre un premier élément (appelé "comparé" ou "thème") et un second ("comparant" ou "phore"), ressemblance fondée sur une ou plusieurs qualités communes (que les sémanticiens appellent "sèmes", unités de signification communes au comparant et au comparé). 
     La différence entre les deux figures consiste en ceci que dans la "comparaison", la relation d'analogie est explicitement formulée à travers un terme comparatif présent dans l'énoncé. Ce terme comparatif peut être : comme, tel, même, pareil, semblable, ainsi que, mieux que, plus que, sembler, ressembler, simuler, les divers comparatifs de supériorité ou d'infériorité (plus ... que, moins ... que), etc. Dans la métaphore, au contraire, le rapport d'analogie reste sous-entendu.
     La métaphore ou la comparaison sont appelées "personnifications" lorsque le comparé est un inanimé et que le comparant relève de l'humain.
     La métaphore filée est une figure en plusieurs points : elle développe l'analogie en mettant en relation plusieurs réalités appartenant au domaine de sens du comparant avec des éléments correspondants du comparé. 
     Il existe une autre figure d'analogie : l'allégorie. Voir à ce terme dans notre glossaire.

     


   PETIT RÉPERTOIRE COMMENTÉ DE L'IMAGE RIMBALDIENNE

 

     Dans un texte célèbre qui érige en principe l'audace métaphorique, le poète Pierre Reverdy fixe malgré tout une limite à cette audace. Il faut que l'image reste "juste" et que cette pertinence soit perçue du lecteur :  

"L'image est une création pure de l'esprit... Plus les rapports des deux réalités rapprochées sont lointains et justes [c'est nous qui soulignons], plus l'image sera forte, plus elle aura de puissance émotive et de réalité poétique" (Le Gant de crin, Plon, 1927)

     Or, selon un autre poète, Victor Segalen, Rimbaud aurait, pour notre malheur, outrepassé cette règle d'équilibre entre originalité et intelligibilité :    

"Beaucoup de pages, dans l'œuvre de Rimbaud, restent à cet égard, pour nous, inertes. Ni la beauté des vocables, ni la richesse du nombre, ni l'imprévu des voltes d'images, rien ne parvient à nous émouvoir, bien que tout, en ces proses, frissonne de sensibilité. Pourquoi cette impuissance ? C'est que parmi les diverses conceptions d'un être sentant, seules nous émeuvent les données généralisables auxquelles nos propres souvenirs peuvent s'analogier, s'accrocher. Le reste, évocations personnelles, associations d'idées que les incidents de la vie mentale ont créées dans un cerveau et jamais dans les autres, cela est en art lettre morte. Or, les proses de Rimbaud surabondent en "ipséismes" de ce genre" (Le Double Rimbaud, op. cit., p.21). 

Ce jugement sévère en dit long sur les difficultés qu'opposent les textes de Rimbaud aux lecteurs les mieux armés pour les comprendre et les mieux intentionnés à leur égard. Mais le procès instruit par Segalen contre l'image rimbaldienne paraît quand même bien excessif. 

      Certes, les métaphores de Rimbaud frappent à la fois par leur caractère elliptique (quand elles sont réduites au seul comparant) et par leur caractère insolite (par rapprochement de réalités éloignées). Il est vrai aussi que certaines d'entre elles présentent un développement exceptionnel : des œuvres comme Un Cœur sous une soutane, Le Bateau ivre ou Mémoire par exemple peuvent être décrites comme de vastes systèmes analogiques autour d'une seule métaphore filée (se reporter à notre point 7). Enfin, les comparaisons de Rimbaud (cf. notre point 2) ne sont pas nécessairement plus sages et, en tout cas, ne confirment pas la réputation de rationalité supérieure que la rhétorique reconnaît à cette figure de style, par rapport à la métaphore. Il suffit de lire le début de Mémoire pour constater que les comparaisons rimbaldiennes pratiquent des écarts entre comparants et comparés aussi vertigineux que ses métaphores les plus hardies. D'où cette apparence d'"ipséisme" que Victor Segalen déplore. Mais un certain hermétisme n'est-il pas le prix à payer pour l'originalité ? Comme Reverdy l'explique fort bien, la figure d'analogie paraîtra d'autant plus suggestive que le rapprochement par elle opéré aura paru plus inattendu, et plus grand l'écart entre les deux réalités qu'elle met en relation.

     Sans doute peut-on en arriver par là au point où les facteurs de similitude sentis et suggérés par le poète sont si ténus, si personnels, qu'ils deviennent incompréhensibles pour le lecteur. Celui-ci n'a pas l'information suffisante pour saisir ce qui justifie l'image proposée. C'est d'ailleurs pour avoir poussé jusqu'à cette limite sa pratique de l'analogie, pour l'avoir libérée des chaînes de la logique, que Rimbaud a été célébré comme un défricheur de terres inconnues par certains des poètes qui lui ont succédé (les Surréalistes, notamment). Cependant, nous essaierons de montrer qu'un lecteur sensible peut, la plupart du temps, comprendre ses images et en éprouver la justesse. 

 

Dans les exemples qui suivent, nous avons volontairement mêlé les cas les plus simples (afin d'illustrer les définitions ci-dessus) et des spécimen plus caractéristiques des hardiesses de l'image rimbaldienne :

   1) comparaisons
   2)
un exemple complexe de comparaison dans le Rimbaud des œuvres en prose : Mauvais sang
   3)
métaphores
   4)
deux exemples de métaphores complexes dans le Rimbaud des œuvres en prose : Nuit de l'enfer, Barbare
   5)
personnifications
   6)
métaphores filées

   7)
un exemple complexe de personnification et de métaphore filée : Mémoire

     

 

1)  COMPARAISONS
    La comparaison est une image où comparé et comparant sont toujours exprimés. Par contre, les qualités communes (ou sèmes communs) peuvent rester implicites.

  • "Un petit baiser, comme une folle araignée, / Te courra par le cou ..." (Rêvé pour l'hiver)

     C'est une "comparaison", la relation d'analogie est marquée par "comme". L'information est complète : comparé (baiser), comparant (araignée), éléments de ressemblance (sème 1 = même emplacement : le cou; sème 2 = même déplacement rapide : courra; sème 3 : même déplacement désordonné : folle).

  • "La belle Ophélia flotte comme un grand lys." (Ophélie)

   C'est une "comparaison", la relation d'analogie est marquée par "comme". Dans cet exemple, les sèmes communs, justifiant de comparer la jeune fille à un lys (blancheur ? beauté? forme élancée de la silhouette? fragilité?) sont largement absents. Toutefois, le verbe "flotte" sera considéré comme un sème commun si l'on suppose que Rimbaud a pensé à un "lis d'eau", c'est à dire à un nénuphar (qui comme on le sait flotte sur l'eau).

  • "Je faisais une louche enseigne d'auberge" (Larme, version d'Alchimie du verbe)

     C'est une comparaison. Le verbe "faisais" (=sembler) explicite la relation d'analogie. Le poète (je), qui est en train de boire à "une gourde de colocase", dit qu'il ressemble à une enseigne d'auberge. Les motifs fondant la comparaison sont absents (mais facilement restituables dans le contexte).

  • "Sur les versants des moissons de fleurs grandes comme nos armes et nos coupes, mugissent" (Villes)

    Les fleurs ne mugissent pas : le poète dit qu'elles mugissent par une association d'idée des plus simples entre les fleurs de nos prairies et les animaux qui les broutent. Il ne s'agit pas d'une figure d'analogie mais d'une hypallage. Le reste de la phrase, par contre, est occupé par une comparaison qui peut paraître bizarre mais qui s'explique assez aisément.
   Antoine Fongaro (op.cit.) a montré que Rimbaud construit souvent des comparaisons ou des métaphores florales en se fondant sur les noms de certaines espèces qui constituent déjà, dans la langue, des métaphores lexicalisées. Ainsi, l'idée de "fleurs grandes comme nos armes", dans "Villes", trouve sa confirmation et une possible source dans le nom de nos glaïeuls (du latin "gladiolus", petit glaive) ou des sagittaires (du latin "sagitta", flèche). Si elles sont grandes "comme nos coupes", c'est que la botanique les décrit communément comme des "calices". Dans "Ce que dit le poète à propos de fleurs", les "fleurs pareilles à des mufles" dont parle Rimbaud sont peut-être des "mufliers". Si, dans "Enfance I", "les fleurs de rêve tintent, éclatent, éclairent" c'est que nous avons en français les clochettes, les campanules et autres campanulacées, les fleurs qu'on appelle soleils ou tournesols, etc. 
     Avec ces exemples, la pratique de la métaphore se rapproche beaucoup de celle du calembour. Peu de rêve là-dedans : de la fantaisie, de l'humour, surtout. Peu de magie sinon celle consistant à redonner vie à ces images mortes que les grammairiens appellent des catachrèses.

  • "Moi l'autre hiver plus sourd que les cerveaux d'enfants / Je courus ! Et les péninsules démarrées / N'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants" (Le Bateau ivre)

     Deux comparaisons articulées à l'aide de comparatifs de supériorité. De telles tournures abondent chez Rimbaud d'après Yoshikazu Nakaji qui les a étudiées (op. cit. p.40-44). Il en cite plusieurs dans Le Bateau ivre ("Plus léger qu'un bouchon, j'ai dansé sur les flots", "Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures, / L'eau vertes pénétra ma coque de sapin"). "Le critère de comparaison fournissant chaque fois un cas extrême, commente Nakaji, ces comparatifs ont une valeur quasi superlative". Dans la citation sélectionnée en titre, la seconde comparaison équivaut à un superlatif relatif de supériorité (= ont subi les tohu-bohus les plus triomphants), la première ressemble fort à un superlatif absolu (= complètement sourd [aux prescriptions de la société / des adultes]). 
     Nakaji propose d'ajouter à cette catégorie d'images ce qu'il appelle les  "comparaisons à l'intention hyperbolique" sur le modèle : "boire des liqueurs fortes comme du métal bouillant", "toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres", "soyons avares comme la mer", "je vois des femmes [...] tout d'abord dévorées par des brutes sensibles comme des bûchers...". Dans ces exemples, tirés d'Une saison en enfer, "le qualificatif mis avant 'comme' révèle par avance le motif, à savoir le lien entre comparé et comparant, celui-ci venant ensuite fournir une image concrète amplificatrice". Chez Rimbaud, la comparaison a souvent "une fonction d'emphase, quasi superlative".

  • "Tels que les excréments chauds d'un vieux colombier, / Mille Rêves en moi font de douces brûlures" (Oraison du soir)

      La fonction figurative et expressive est cependant très remarquable dans nombre de comparaisons rimbaldiennes. Dans la citation sélectionnée ici, la comparaison atteint un charme insolite et un grand pouvoir expressif, non seulement parce que les deux termes rapprochés par l'intermédiaire du terme comparatif ("tels que") sont fort éloignés par leur sens et leur tonalité (registre noble / registre familier) mais aussi de par la complexité des sèmes communs mobilisés :
    -  chaleur brûlante,
   - souffrance, brûlure morale (sème évoquant l'atmosphère douloureuse, angoissante ou mélancolique qui accompagne parfois l'activité onirique),
   - douceur (sème contradictoire avec le précédent, suggérant le plaisir masochiste trouvé dans la souffrance et/ou dans la souillure).

  • "L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance,
      L'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;
      la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes
      sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;

      l'ébat des anges;
    − Non ... le courant d'or en marche
    [...]" (Mémoire)

    Ce début de Mémoire contient une comparaison, commandée par "comme" et structurée syntaxiquement en quatre groupes nominaux juxtaposés. Cette structure était encore plus nettement marquée (grâce au retour anaphorique des "ou" en début de vers) dans un état antérieur du poème qui nous est parvenu sous le titre de Famille maudite :

   L’Eau, pure comme le sel des larmes d’enfance
   Ou l’assaut du soleil par les blancheurs des femmes,
   Ou la soie, en foule et de lys pur ! des oriflammes,
   Sous les murs dont quelque Pucelle eut la défense,
   Ou l’ébat des anges, le courant d’or en marche,
   L’Eau meut ses bras lourds, noirs, et frais surtout, d’herbe. Elle,
   L’Eau sombre, avant la nuit pour ciel-de-lit, appelle
   Pour rideaux l’ombre de la colline et de l’arche.

    Le comparé (l'eau d'une rivière ?) est semble-t-il successivement rapproché de cinq comparants différents.
     Dans Mémoire, l'adjectif "claire" constitue le sème explicite de la comparaison. Mais ce motif principal (la clarté) s'enrichit d'un écheveau complexe de connotations ou sèmes associés.
     Les comparants sont inattendus, empruntés à des domaines de sens extrêmement éloignés du comparé, et très éloignés les uns des autres :
     -
une évocation de l'enfance v.1
     - une notation érotique v.2
     - un tableau médiéval v.3-4
     - une image pieuse v.5
    
Mais des sèmes communs récurrents suggèrent la cohérence de l'ensemble : 
     1) un sème de blancheur lumineuse : claire - sel - blancheurs - soleil - lys pur - anges - or (Alain Badiou a parlé, à propos de ce passage, d'une "épiphanie de la blancheur"). 
    
2) un sème de pureté (pureté de l'eau / virginité, qu'on défend) : enfance - lys pur - anges - pucelle - défense.
 
     3) un sème de mouvement (puissance du courant / violence de l'"assaut" ou de l'"ébat" amoureux) : assaut - en foule - oriflammes - ébat - courant - en marche. 
     On peut lancer l'hypothèse que cette quadruple comparaison décrit, par une série de libres associations visuelles, les reflets au soleil d'une eau en mouvement. D'évidentes suggestions érotiques accompagnent cette évocation : la rivière allée avec le soleil, pourrions-nous dire en parodiant L'Éternité (voir aussi, dans cette page, notre point 7).
      On voit par cet exemple, explique Henri Meschonnic dans son article sur Mémoire, que, pour Rimbaud, comme pour toute une poésie postérieure qui "se fait dans l'analogie" et "l'association subjective", "le 'comme' est indispensable pour marquer et tenir la distance analogique [...] ce que, — contre une ancienne valorisation de la métaphore aux dépens de la comparaison — André Breton, Robert Desnos, Michel Deguy par exemple ont reconnu" (op.cit. p.105). De fait, la hardiesse de la comparaison rimbaldienne n'a rien à envier à celle de ses métaphores.

  • "Les robes vertes et déteintes des fillettes / font les saules [...]"  (Mémoire)

      Parmi les jeux rhétoriques auxquels s'adonne Rimbaud, on note le procédé consistant à inverser les rôles dans la comparaison, c'est-à-dire à traiter le comparant comme s'il était le comparé et vice versa. Dans ce passage de Mémoire, par exemple, ce sont "les saules" (ou plus exactement leur reflet dans la rivière) qui constituent en toute logique le comparé. Le reflet des saules dans la rivière ressemble à des robes vertes qui pourraient appartenir aux fillettes habitant la maison aquatique de l'Épouse (voir notre point 7). Or, le texte inverse ce rapport logique en nous disant que "Les robes vertes et déteintes des fillettes / font [le verbe "faire" est ici le mot comparatif] les saules".
     Cette observation a inspiré à Paule Lapeyre l'hypothèse que Rimbaud, dans Les Déserts de l'Amour, s'est peut-être plu à inverser les termes de cette comparaison du Balcon de Baudelaire : "La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison" (op.cit. p.411). Pour le sujet rêvant des Déserts de l'Amour, c'est au contraire la cloison de la chambre qui, bizarrement, "devient" [mot comparatif] l'ombre ou la nuit : "Puis, ô désespoir, la cloison devint vaguement l'ombre des arbres, et je me suis abîmé sous la tristesse amoureuse de la nuit"


      

     *****

2) UN EXEMPLE COMPLEXE DE COMPARAISON DANS LE RIMBAUD "HERMÉTIQUE" DES ŒUVRES EN PROSE ("MAUVAIS SANG")  

     On peut lire dans "Mauvais sang" (Une saison en enfer) un passage où Rimbaud explique qu'il était, "encore tout enfant", fasciné par le "forçat", le hors-la-loi, au point de voir le monde "avec son idée", au point de lui crier "Bonne chance!". "Je flairais sa fatalité dans les villes", ajoute-t-il. Et il poursuit :

"Dans les villes la boue m'apparaissait soudainement rouge et noire, comme une glace quand la lampe circule dans la chambre voisine, comme un trésor dans la forêt!"

     Il y a là une double comparaison dont tout lecteur subit le charme, sans doute, mais qui reste à première lecture rigoureusement incompréhensible : comment la boue peut-elle être rouge et noire? quelle analogie possible entre ce spectacle urbain et la chambre évoquée dans le second membre de phrase? entre la boue et une glace ou une lampe? entre une lampe et un trésor? On peut certes lancer des hypothèses, mais sur quel terrain solide tenter de se forger une conviction?

     Proposons une amorce de réflexion, fondée sur les recoupements textuels (c'est évidemment le premier secours à attendre : la connaissance de l'auteur). On trouve dans une Illumination, "Enfance V" :

     " La boue est rouge et noire. Ville monstrueuse, nuit sans fin."

    Et dans Adieu (Une saison en enfer) cette phrase évoquant la grande ville moderne :

     "le port de la misère, la cité énorme au ciel taché de feu et de boue"

     On constate que pour Rimbaud la "boue" n'est pas nécessairement située à terre mais qu'elle peut désigner plus généralement la grisaille, la nuit, la saleté ou la pollution de l'atmosphère urbaine, s'accompagner peut-être aussi d'un symbolisme moral ("misère", "monstrueuse", "taché" ...) ; on voit que l'antithèse "rouge et noire" alterne avec celle de la "boue" et du "feu" (le soleil couchant ? les lumières de la ville ?) et qu'on se rapproche par là de l'idée de lampe.

     Dans les trois exemples, le contraste du rouge et du noir, de la boue et du feu, de la nuit et de la lampe, est associé à l'image de la grande ville. Comme c'est souvent le cas avec Rimbaud, on peut exploiter des rapprochements littéraires éclairants. Ici, avec "Le Vin des Chiffonniers" de Baudelaire :

Souvent à la clarté d'un rouge réverbère
Dont le vent bat la flamme et tourmente le verre,
Au cœur d'un vieux faubourg, labyrinthe fangeux ...

      Mais on peut aussi se souvenir d'autres textes de Rimbaud. Les Étrennes des orphelins, où il apparaît clairement que la "chambre voisine" est celle des parents, dans laquelle la lumière s'est éteinte par suite du départ du père ("le père est bien loin") et la mort de la mère (mort réelle dans l'argument narratif du poème mais qui pourrait bien s'analyser comme mort symbolique de sa propre mère dans l'inconscient rimbaldien) :

  La chambre des parents est bien vide, aujourd'hui :
Aucun reflet vermeil sous la porte n'a lui [...]

Dans un autre texte de Rimbaud, l'un des rêves érotiques des Déserts de l'amour, le narrateur est en présence d'une "mondaine" qui se donne à lui, "presque nue", et soudain :

     "La lampe de la famille rougissait l'une après l'autre les chambres voisines. Alors la femme disparut."

     N'est-on pas frappé de la similitude de cette formule avec celle de notre exemple initial ? Il manque la "glace", miroir sans doute reflétant la lumière de la lampe. Mais, dans l'ensemble, on ne peut mettre en doute la parenté des divers "passages", avec les associations que ces analogies libèrent chez le lecteur : 
     - misère, transgression de la loi (n'oublions pas l'admiration rimbaldienne pour le "forçat") ... 
     - sexualité, apparition de la "lampe de la famille" (faisant fuir la femme désirée?), obscurité rougie par quelque lanterne chinoise de maison close, dans quelque ville ...
     - mystère, recherche d'un trésor scintillant au plus obscur de la forêt, la lumière, l'or caché, le rouge, le feu, le sang peut-être ... 

    Revenons maintenant au passage que nous étudions. Et observons les phrases qui suivent : 

    "Dans les villes la boue m'apparaissait soudainement rouge et noire, comme une glace quand la lampe circule dans la chambre voisine, comme un trésor dans la forêt! Bonne chance, criais-je, et je voyais une mer de flammes et de fumée au ciel; et, à gauche et à droite toutes les richesses flambant comme un milliard de tonnerres.
     Mais l'orgie et la camaraderie des femmes m'étaient interdites. etc...
"

    Des métaphores ("mer de flammes", "les richesses flambant"), une comparaison synesthésique et hyperbolique ("comme un milliard de tonnerres") développent les mêmes oppositions et les mêmes équivalences. On retrouve le motif de la fumée dans le ciel, le thème de la sexualité. En outre, la critique a parfois vu dans ces images de "mers de flammes" et de "richesses flambant" une allusion aux incendies allumés par les Communeux dans les bâtiments les plus prestigieux de Paris (Tuileries, Palais de Justice, Palais de la Légion d'Honneur, Cour des Comptes, Hôtel de Ville ...) pendant la Semaine sanglante. De fait, un tel rapprochement pouvait aisément venir à l'esprit d'un lecteur de 1873, deux ans à peine après cet événement mémorable.

     En conclusion : nous sommes probablement devant une seule et même "métaphore obsédante", reprise avec des variations dans quatre textes différents, qui s'éclairent mutuellement. Cette hypothèse acceptée, le complexe réseau d'analogies et de connotations s'organise peu à peu dans notre esprit. Trois espaces : la ville, la chambre, la forêt. Trois tableaux en clair-obscur correspondant peut-être à des souvenirs de lectures ou à des souvenirs personnels de l'auteur : grandes métropoles modernes où il a vécu ou voyagé, chambres et contes de l'enfance. Au cœur de ces images semble être présent le thème du désir pour ce qui est caché ou interdit. On n'en est certes pas encore à pouvoir dire : voilà ce que ça signifie. Mais l'imagination travaille, autant celle de l'auteur, qui semble se laisser porter par la libre association d'images qui l'obsèdent, que celle du lecteur, devant qui s'ouvrent diverses perspectives d'interprétations ... Et l'on sent bien, en tout cas, — selon la formule de Rimbaud — que "ça ne veut pas rien dire".  

     Nous pouvons tenter de schématiser dans un tableau comment fonctionne le mécanisme de la "comparaison" dans l'exemple complexe que nous avons étudié :

 

Sèmes Comparé Comparant n°1 Comparant n°2
  LA BOUE
(DANS LES VILLES)
 LA LAMPE
(DANS LA CHAMBRE)
UN TRÉSOR
(DANS LA FORÊT)
semble

NOIRE

parce que

 ...

C'est la boue.
Le ciel lui-même est taché de boue.
Le ciel est une mer de fumée.
C'est la nuit : au propre (on imagine une ville au crépuscule) et au figuré : "la ville est une nuit sans fin" (c'est à dire un cauchemar sans fin, un espace tragique).
La boue n'est finalement rien d'autre que la ville elle-même : "monstrueuse", "port de la misère". Elle est son symbole.
C'est la nuit : le jeune homme rêve, quelqu'un doit s'éclairer avec une lampe pour circuler dans les pièces voisines.
La chambre est plongée dans l'obscurité.
La forêt est un lieu obscur.
semble

ROUGE

parce que

 ...

Le ciel est "une mer de flammes".
Le ciel est "taché de feu".
De même que le ciel est "taché de boue", on peut imaginer que la boue est tachée de rouge. La terre et le ciel de la ville échangent leurs couleurs, se reflètent l'un dans l'autre.
La métaphore de l'incendie évoque le soleil couchant, mais aussi peut-être les lumières de la ville, tout ce qui brille dans la nuit, l'or des bijoux que le forçat convoite, le clair-obscur engageant des quinquets de taverne.
Les "richesses" (de la ville) "flambent" (= brillent).
Il y a peut-être aussi l'idée du crime et du sang.
La ville fait miroiter aux yeux du narrateur ses lieux d'orgie, mais "l'orgie et la camaraderie des femmes" lui sont "interdites".
Le reflet de la lampe dans le miroir diffuse une lumière rouge.
Cette lumière réveille peut-être le jeune homme et met fin à son rêve.
En tout cas, cette lumière trahit la présence de "la famille" et fait fuir la femme nue convoitée par le jeune homme.
 
Le trésor (traditionnellement convoité par les héros des contes de fées) brille dans la forêt.

     Les commentateurs de Rimbaud étudient souvent cette image. Signalons notamment l'analyse de Marie-Paule Berranger (op.cit., p.189-190).

*****

3) MÉTAPHORES  
     Sur les trois composantes logiques de l'analogie (comparant, comparé, sèmes communs) la métaphore peut très bien n'en exposer qu'un seul (le comparant), mais fréquemment, elle expose aussi le comparé et/ou les sèmes qui fondent la comparaison (du moins certains d'entre eux).

  • "Les camps d'ombre ne quittaient pas la route du bois" (Aube)

     Le mot "camps" est une métaphore : les parties du paysage qui restent obscures malgré l'apparition du soleil sont implicitement comparées à une armée qui résiste. Le lecteur rétablit facilement le comparé absent (taches d'ombre, zones obscures du paysage) et les sèmes communs :
     1 - idée de zones bien délimitées, comme des camps, par les jeux de l'ombre et de la lumière ; 
     2 - idée de résistance suggérée par le contexte : "ne quittaient pas la route du bois"' (la nuit recule devant la lumière du jour comme un camp assiégé se replie peu à peu avant de se rendre).

  • "— Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses, ..." (Le Bateau ivre)

     Le mot "cheveux" est une métaphore, mais ni le comparé ("algues" ? "végétations marines" dit Suzanne Bernard, Garnier 1961, p.426; "végétation luxuriante des petites baies" dit Pierre Brunel, Pochothèque, 1999, p.297), ni les sèmes motivant cette éventuelle interprétation (formes longilignes et entremêlées, ondulantes, légères) ne sont explicites. D'où le caractère énigmatique de la formule. Ceci dit, la comparaison entre végétation et chevelure n'est pas nouvelle, et on constatera sur cet exemple que la présentation elliptique d'une métaphore peut n'être qu'un moyen habile de raviver une image usée.

  • "[je] finissais par gagner la fenêtre. Je créais par delà la campagne [...] les fantômes du futur luxe nocturne" (Vagabonds)

     Le "luxe" nocturne est une métaphore dont le comparé, non exposé, est probablement "les étoiles". L'effet est superbe, insolite, "surréaliste". Pourtant, l'idée est d'une grande banalité : le poète, gagnant sa fenêtre, contemple "par delà la campagne" le ciel nocturne. La beauté du ciel étoilé lui suggère la comparaison (éculée) entre les étoiles et des diamants, des bijoux, qui à leur tour génèrent l'idée abstraite de "luxe". L'imagination du poète, à la manière des grandes rêveries prophétiques et cosmiques de Hugo, s'empare de ce spectacle pour créer ("je créais") la vision fantasmatique ("les fantômes") d'un avenir radieux ("futur"). L'utilisation d'un terme général abstrait ("luxe"), évoquant des richesses bassement matérielles, en lieu et place d'un terme concret ("étoiles") évoquant conventionnellement les richesses les plus éthérées, produit un effet insolite. C'est encore un bon exemple du talent de Rimbaud pour raviver des images mortes, par le biais d'associations inattendues, compliquées, combinant le prosaïsme du vocabulaire ("luxe") avec une certaine préciosité (les étoiles comparées à des bijoux). 

  • La mer [...] / Montait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunes" (Le Bateau ivre)

     Voici encore une métaphore bien énigmatique. On peut risquer une interprétation, mais qui n'aura rien de scientifique car l'image est par trop insolite. Les "fleurs d'ombres" de la mer pourraient être les pieuvres. Ce comparé n'est pas indiqué, mais il est suggéré par le syntagme descriptif qui complète l'expression ("aux ventouses jaunes"). Le sème principal justifiant cette image, absent lui aussi, pourrait être la forme étoilée commune à la fleur et à la pieuvre. Hugo, dans Booz endormi, appelle les étoiles des "fleurs d'ombre". Rimbaud n'aurait-il pas simplement remanié cette métaphore hugolienne, en la rendant plus insolite encore et plus fantastique?

  • Tandis que les crachats rouges de la mitraille / Sifflent ... (Le Mal )  

     Comparé et comparant sont présents, côte à côte. Le comparé "mitraille" est complément du comparant "crachats", il n'y a pas de terme comparatif les mettant en rapport l'un avec l'autre : c'est une métaphore. Les qualités communes (même mouvement de projection violente − la trajectoire d'une balle ressemble à celle d'un crachat −, même idée de mépris pour l'autre, même idée d'agressivité) restent implicites. 

     Remarques : 
     a) "rouges" n'a ici qu'une fonction descriptive (c'est l'éclair de la poudre au moment du coup de feu). Cet adjectif peut difficilement être considéré comme un sème commun, ce qui serait le cas si Rimbaud avait utilisé un adjectif pouvant désigner à la fois les "crachats" et la "mitraille". Par exemple : "les crachats ignobles, terribles de la mitraille". On aurait alors une métaphore proposant comparé, comparant et un sème justificateur. On peut y voir aussi une figure métonymique : la mitraille crache le sang comme ceux qu'elle atteint.
     b) La métaphore des armes qui crachent des balles n'est pas très originale, c'est quasiment une catachrèse. Mais l'usage du nom en place du verbe régénère l'image : "crachats" dit autrement et plus que "crachent". Ceci dit, c'est la concentration et la combinaison des images plus que leur valeur respective qui crée ici l'effet puissant ressenti par le lecteur. À quoi il faut ajouter l'impression produite par l'allitération /cr/.../r/.../tr/, le rejet expressif de "sifflent".

  • Brunie et sanglante ainsi qu'un vin vieux, / Sa lèvre éclate en rires sous les branches (Tête de faune)

     L'exemple illustre bien cette technique typiquement rimbaldienne qu'un critique a appelée "la délexicalisation de la catachrèse" (Bruno Claisse, op.cit. p.47). Dans un poème où le thème obsédant de la déchirure (crever, mordre, éclater) doit être mis en relation avec un dense réseau de connotations érotiques, comme l'a montré Steve Murphy (op.cit.), l'image de la "lèvre" du faune qui "éclate en rires" n'est dans un sens qu'une infime manipulation exercée sur la métaphore lexicalisée : "éclater de rire". Mais, comme dans l'exemple du Mal précédemment étudié, c'est la combinaison avec tout un environnement d'images convergentes qui produit sur le lecteur une impression de nouveauté et de force expressive. Les lèvres du faune ont en effet dans les deux vers qui précèdent mordu des fleurs rouges : "Un faune effaré montre ses deux yeux / Et mord les fleurs rouges de ses dents blanches." Tachées de rouge dans cette violence infligée aux fleurs, leur coloration peut être associée sensuellement à l'idée du vin (par comparaison : "ainsi qu'") et à celle du sang (par métaphore, double figure d'analogie). Enfin, l'idée d'éclatement (l'éclatement du rire, son surgissement soudain, métaphore lexicalisée) peut être transférée à la lèvre de manière à suggérer une forme de blessure, "la lèvre qui éclate produisant le sang non moins vraisemblablement que l'acte de mordre les fleurs rouges (v. Voyelles : "I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles")" (Steve Murphy, op.cit. p.175).

  • Le courant d'or en marche (Mémoire)

       Métaphore désignant la rivière, lorsqu'elle est infusée de lumière solaire, dorée par le soleil. C'est encore un exemple du goût bien connu de Rimbaud pour la création de figures nouvelles à partir d'une catachrèse. Processus paradoxal ici puisque le mot "courant" est seulement rendu à son sens premier. Il est déchargé de la valeur métaphorique qui est la sienne dans la catachrèse du "courant d'air" dont la tournure analysée est dérivée. La substitution métonymique de l'or-matière au doré-couleur et la personnification largement lexicalisée "en marche" représenteraient à elles seules la valeur créative de la figure s'il n'y avait la perception chez le lecteur de l'élément ludique constitué par le détournement de la catachrèse (paronymie /or-air/ ; parallélisme des constructions syntaxiques avec la préposition "d'"). Jean Gilibert commente ainsi le procédé : "'Le courant d'or en marche' ne doit pas faire illusion quant à l'assonance à laquelle personne ne peut se soustraire : 'le courant d'or' pour le 'courant d'air'. Le glissement de sens ne va donc ni contre la perte du sens premier (le courant d'air) ni pour son maintien (dans courant d'or, il faudrait 'lire' courant d'air, comme on ferait pour un processus de déplacement de condensation tels qu'ils s'exercent dans les processus primaires du travail du rêve). Le "courant d'or", par sa néoformation, est un nouveau sens qui dit adieu à ce qu'un consensus avait trop prosaïsé. Car il y avait de la poésie dans le 'premier' courant d'air ; il n'y en a plus maintenant ; la métaphore est usée ; la poésie 'nouvelle' du 'courant d'or' demande plus qu'une reconnaissance ; elle demande le déploiement de sa marche vers l'horizon de sa mort, plus simplement, de sa défaite" (op. cit. p.83)

  • Sur toute joie, pour l'étrangler, j'ai fait le bon sourd de la bête féroce (prologue d'Une saison en enfer)

     "j'", le narrateur (comparé) se présente comme une "bête féroce" (comparant). Les sèmes principaux sont exposés par le contexte : cruauté ("féroce"), stupidité ("sourd"), sauvagerie ("bond"). Corrélativement, la "joie" qui est un sentiment, une abstraction, subit une métaphorisation matérialisante qui la fait apparaître comme une proie, un animal qu'on étrangle. C'est sans doute dans cette représentation concrète des sentiments (joie, cruauté) que réside la force suggestive de ces images. Sur cet exemple, nous pouvons constater que la vigueur de l'image rimbaldienne ne vient pas nécessairement de son caractère elliptique (ici, l'information est quasi complète) mais plutôt de la hardiesse du rapprochement entre des éléments de nature différente.

  • — Un envol de pigeons écarlates tonne autour de ma pensée —  (Vies I)

   Voici un nouvel exemple de représentation métaphorique d'un phénomène mental, mais les analogies mobilisées restent ici fort implicites, impossibles à reconstituer avec certitude : un ipséisme rimbaldien, au sens que Segalen a donné à ce mot ?
   Issue de Vies I (Illuminations), cette « image proprement stupéfiante qui sépare les deux moitiés du texte » (Christian Angelet, op.cit. p.36), a été décrite par la critique comme « une métaphore hardie » (Albert Py, op.cit. p.107), « chargé[e] d’un message qu’il faut bien dire énigmatique » (Sergio Sacchi, op.cit. p.64). C.A. Hackett a même consacré un article de treize pages à cette seule petite phrase (« Les pigeons de Rimbaud », op.cit. p.87-101).
   Si « métaphore » il y a, reconnaissons que son dispositif se prête mal à l'analyse en termes de comparant(s), comparé(s) et thème(s) de la comparaison, ainsi que nous l’avons fait à plusieurs reprises jusqu’ici. Mieux vaudrait parler de correspondance. La formule exploite une correspondance ou analogie très générales entre une scène de la vie campagnarde et un mouvement de l’âme difficile à caractériser.
   Placée entre tirets, séparant un passé fabuleux évoqué avec nostalgie d’un présent désenchanté décrit comme un « exil », cette incise constitue en première lecture une simple anecdote, à valeur narrative/descriptive : le sujet, « à présent » retiré dans « une campagne aigre au ciel sobre », comme il le précise dans le second poème de la série (Vies II), se trouve soudainement interrompu dans sa méditation par l’envol bruyant d’une bande de pigeons. La description, certes, n’est pas banale. Les pigeons sont « écarlates » ! Mais, comme le dit Jean-Luc Steinmetz, « il n’y a rien là d’étonnant : certains pigeons ont un plumage nuancé de pourpre » (Steinmetz, op.cit. p.153). On a d'ailleurs retrouvé (cf. Underwood, Hackett, op.cit) parmi des listes de vocabulaire anglais dressées par Rimbaud pour son apprentissage l’expression « red turbits » (variété à manteau rouge du « pigeon cravaté ») et on s’est demandé si l’idée des « pigeons écarlates » ne venait pas de là. L’envol « tonne » ! Il y a bien là une métaphore (assortie d'un effet synesthésique), mais sans mystère : une sorte d’hyperbole destinée à mimer (en exploitant corrélativement l’allitération des dentales : « éCarlaTes Tonne auTour »)  le claquement sec que produisent les pigeons en heurtant leurs ailes lorsqu’une alarme impose à la bande un envol précipité.
   Le mot « pensée », enfin, paraît aussi quelque peu emphatique et son effet solennel a sans doute joué son rôle dans les lectures symboliques (voire symbolistes) que ce passage a suscitées. Car beaucoup de critiques ont compris cet « envol de pigeons écarlates » non comme une péripétie venant interrompre une pensée mais comme la métaphore de cette pensée elle-même : « une secousse, exaltation soudaine de l’esprit » (Ernest Delahaye,  op.cit, p.59), « un envol soudain de la pensée elle-même » (Pierre Brunel, op.cit. p.174). En outre, repérant dans le syntagme la présence d'un sème ascensionnel qui leur rappelle tel alexandrin du Bateau ivre ("L'aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes"), ils se montrent souvent tentés par une interprétation mystique du passage : « un élan vers l’être » (Albert Py, op.cit. p.107), « c’est la pensée poétique violemment arrachée à la représentation du réel. L’image affirme la primauté du surréel » (Christian Angelet, op.cit. p.37).
   Personnellement, je crois plutôt que l’image affirme la primauté du réel. Et je suivrais volontiers Sergio Sacchi lorsqu’il écrit que « les pigeons de Vies I, brisant soudain le flux aisé de la mémoire [ne font] que répondre, comme des revenants indéchiffrables, aux tentatives d’évoquer une saison totalement révolue » (Sacchi, op.cit. p.64). Plus qu’à l'élan vers le haut, j’y suis sensible à l'allitération agressive des dentales, au choix d'un vocabulaire aux connotations violentes. L'adjectif « écarlate » (variante hyperbolique de la couleur rouge) peut évoquer le sang, le verbe « tonner » un claquement de fouet ou d'arme à feu, la préposition « autour » une « pensée » encerclée, assiégée, agressée, toutes impressions qui suggèrent l'interruption brutale d'un rêve et le retour forcé à la « réalité rugueuse » dont parle le narrateur d'Une saison en enfer. Et s'il fallait nommer un sentiment, plutôt qu'à l'enthousiasme ou l'élévation poétique, je songerais (sans preuve) à la frustration, la colère ou la honte, ou à la morsure d'un souvenir douloureux...
   Reste la possibilité d'une exégèse intertextuelle mobilisant une source vernienne, exégèse pas du tout contradictoire d'ailleurs avec ce qui vient d'être dit. Cette hypothèse a été avancée par Antoine Fongaro (2014, p.145). L'image s'expliquerait par le recyclage allégorique d'un épisode du chapitre XXX de Cinq semaines en ballon (accessoirement d'une illustration de l'édition Hetzel de 1863) : l'attaque du ballon Victoria par les "pigeons incendiaires" lancés à son encontre par une tribu de sauvages qui, pour s'en faire des sortes d'obus de canons (d'où le verbe "tonner"), attachent des matières combustibles à la queue de ces pauvres volatiles. Ce souvenir de lecture, selon Fongaro, aurait pu se superposer, dans l'esprit de Rimbaud, avec celui des incendies de la Commune. Tel serait donc finalement le souvenir douloureux marquant pour le poète la rupture entre un passé fabuleux et un présent désenchanté.

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4) DEUX EXEMPLES DE MÉTAPHORES COMPLEXES DANS LE RIMBAUD "HERMÉTIQUE" DES ŒUVRES EN PROSE ("NUIT DE L'ENFER", "BARBARE")

  • J'ai avalé une fameuse gorgée de poison (Nuit de l'enfer)

     Le comparant "poison" peut recouvrir plusieurs signifiés. Le sens littéral étant peu satisfaisant, les commentateurs ont recherché de possibles sens métaphoriques en alléguant les autres occurrences rimbaldiennes du mot (ou de l'idée) dans des contextes plus ou moins éloignés.
     On a rapproché cet incipit de Nuit de l'enfer de la formule : "Ah ! j'en ai trop pris" dans le préambule de la Saison, cri de rébellion par lequel le locuteur fait savoir à Satan qu'il ne lui obéit plus, qu'il refuse de poursuivre dans la voie de la révolte ordonnée par le Prince du Mal ("Tu resteras hyène"). Dans cette phrase, le pronom "en" pourrait représenter les "aimables pavots" dont Satan a couronné le narrateur (dans la mythologie gréco-latine, comme on sait, c'est de lauriers que le dieu Apollon couronne le poète). Autrement dit, ce "poison" dont le narrateur a "trop pris", dont il a "avalé une fameuse (c'est-à-dire une trop grande) gorgée", pourrait être le philtre du diable, celui grâce auquel l'orgueilleux héros de l'histoire, sur le conseil du Tentateur, a cru acquérir des pouvoirs supérieurs (l'équivalent de la pomme d'Adam et Ève, en quelque sorte).
     Certains commentateurs ont cité à ce propos une autre occurrence du motif du philtre, dans Mauvais Sang : "empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d'une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan." Le locuteur, dans ce passage, retourne  contre les représentants de l'élite sociale le reproche de sauvagerie dont il se croit accusé et, singulièrement, suggère que "l'Empereur" a lui aussi goûté, pour satisfaire sa "démangeaison" de pouvoir, à la boisson qui rend fou.
     Le "poison" dont le narrateur est intoxiqué pourrait représenter encore son addiction à la poésie et aux multiples expérimentations transgressives censées accompagner la quête de l'Inconnu poétique d'après la lettre du Voyant :

Toutes les formes d'amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n'en garder que les quintessences. Ineffable torture [...]

     Conçu comme un moyen magique d'acquérir des "secrets pour changer la vie", réinventer l'amour, "inventer de nouvelles fleurs, de nouveaux astres, de nouvelles chairs, de nouvelles langues"..., ce projet prométhéen a entraîné le narrateur dans le fiasco existentiel dont le Saison constitue le récit.
     Dans Matinée d'ivresse, de même, le locuteur, représentation probable du poète voyant, s'écrie : "Nous avons foi au poison !", c'est-à-dire à la poésie, aux pouvoirs de la poésie.
     Certains commentateurs, cependant, penchent pour une autre interprétation, qui a sa logique dans le contexte de Nuit de l'enfer. Il pourrait s'agir du "poison" inoculé au narrateur avec le baptême (poison de l'espérance − illusoire − en un salut, poison de la culpabilité liée à la tradition judéo-chrétienne de l'Occident). Tout le chapitre, en effet, martèle l'idée que les souffrances du narrateur ne sont dues en dernier ressort qu'à sa soumission aux valeurs aliénantes héritées du christianisme, qui l'enchaînent à un moralisme castrateur. La fin du chapitre confirme cette lecture :  "Et ce poison, ce baiser mille fois maudit !" s'y écrie le narrateur, faisant probablement allusion à ce que Rimbaud appelle, dans Les Premières Communions, "le baiser putride de Jésus".
     Laurent Zimmermann, qui a consacré une étude à cette image du "poison", voit dans le caractère "indécidable" de sa signification "une recherche de l'hétérogène", du "sens complexe et contradictoire" (op.cit.). Complexe ? Certainement. Contradictoire ? Non. Car ces sens superficiellement différents ont manifestement quelque chose en commun et l'hésitation ménagée entre eux par le poète a pour fonction de les faire s'éclairer mutuellement, en suggérant qu'on trouverait peut-être la même chimère de l'absolu dans une certaine "brume" romantique, dans la religion et dans le recours de substitution aux alcools et aux drogues :

N'est-ce pas parce que nous cultivons la brume ! Nous mangeons la fièvre avec nos légumes aqueux. Et l'ivrognerie ! et le tabac ! et l'ignorance ! et les dévouements ! Tout cela est-il assez loin de la pensée de la sagesse de l'Orient, la patrie primitive ? Pourquoi un monde moderne, si de pareils poisons s'inventent ! (L'Impossible)

     Commentons : "brume" = poésie romantique, poésie subjective (voir "Soir historique") ; "dévouements" = charité, religion ; "ivrognerie", "tabac" = substituts "modernes" des précédents, volontiers "cultivés" par la bohème artiste du temps de Rimbaud, comme on sait ; le tout résumé par le mot "poisons".
     Le "poison" appartient à ces images polysémiques, fréquentes chez Rimbaud, où les différents signifiés possibles de la métaphore, loin d'être disparates ou divergents, sont eux-mêmes entre eux dans un rapport métaphorique (dans un rapport d'équivalence ou d'analogie). Faisant allusion, sans doute, à ce genre d'images, Jean-Louis Baudry parle d'une "transmétaphoricité provoquée par l'absence du signifié de comparaison". Le "retrait systématique d'un signifié", explique-t-il, provoque chez le lecteur "le surgissement indéfini de signifiants substitutifs" si bien que "toute réponse qui a pour but de substituer un signifié au texte écrit ne peut être que partielle et inadéquate au texte lui-même et ne se présenter que comme un signifiant supplémentaire, signifiant de lecture qui se joue du lecteur" (op.cit.)
     En réalité, le "jeu" ou la "tromperie" ne sont pas si pervers qu'on veut bien le dire. La signification (complexe) du mot "poison" dans la Saison est finalement assez claire, je crois : c'est une allégorie de l'illusoire (ou, si l'on préfère, des souffrances de la désillusion). La rédaction initiale du passage que nous étudions (le brouillon intitulé : Fausse conversion) confirme d'ailleurs ce sens en associant à l'idée du "poison" celle du "désespoir" :

J'ai avalé un fameux [verre] gorgée de poison. La rage du désespoir m'emporte contre tout la nature les objets, moi, que je veux déchirer (transcription P. Brunel, Pochothèque, p.394).

Ce n'est donc pas le sens qui manque ici mais seulement le "comparé" de la métaphore, chacun des référents partiels de l'image (drogue, alcool, religion, poésie, ...) servant tour à tour de comparants et de comparés pour les autres, de manière à susciter une signification synthétique et abstraite qui les englobe tous. Le même mécanisme est à l'œuvre dans quantité d'autres métaphores sans signification évidente ou plutôt sans comparé stable de la poésie de Rimbaud, comme le "pavillon" de Barbare, par exemple. Voir le point suivant.

 

  • Oh ! Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques (elles n'existent pas (Barbare)

     Au terme de son article "Remarques sur l'obscurité", Tzvetan Todorov écrit :

"[...] laissons tranquille le pavillon en viande saignante, les feux à la pluie du vent de diamants et le "mais plus alors" ; renonçons à l'acharnement herméneutique (comparable à l'acharnement thérapeutique, mais à effet inverse) qui nous mène à réduire ces phrases à des banalités ; il n'y a là aucun obscurantisme. les énergies ainsi libérées pourront trouver, j'en suis certain, un meilleur usage" (op.cit. 1988).

     Dans le même esprit, il me semble, Jean-Pierre Giusto écrit :

"Ainsi se forge la nouvelle langue, celle que Rimbaud épouse dans les poèmes en prose : se laisser aller aux mots qui portent le désir et, sur leur appel, aux figures libres que dessinent leurs rencontres. On pourrait trouver dans Barbare la formule même de cette découverte : « Le pavillon en viande saignante sur la soie des mers et des fleurs arctiques (elles n'existent pas)", séquence qui ne veut rien dire, qui ne représente rien, mais qui est formule pour une célébration." (op.cit. 1994).

De ces deux citations, on peut déduire que l'image mentionnée est de celles qui ont paru les plus obscures dans le texte de Rimbaud. Mais l'une et l'autre suggèrent aussi, sotto voce, qu'il serait quelque peu sacrilège de dévoiler ce que cette image représente : ce serait, dit Todorov, "réduire" cette phrase à une "banalité" ; ce serait, suggère Giusto, réduire l'aura de la "nouvelle langue", et la magie des "figures libres" obtenues en cédant l'initiative aux mots, à un vulgaire travail d'écrivain.

Là est incontestablement le grand succès de Rimbaud écrivain : être parvenu à faire passer pour une opération quelque peu magique, une rencontre verbale à ce point miraculeuse qu'il serait sacrilège d'expliquer ce qu'elle cache, en tant que paysage et/ou en tant qu'idée, ce qui n'est après tout qu'une concaténation de métaphores usées jusqu'à la corde, habilement rajeunies.

Soyons simple, pour commencer :

  • le pavillon = le ciel ("Le ciel, bleu pavillon par Dieu même construit", Hugo, Bièvre, Les feuilles d'automne).

  • en viande saignante = rouge sang ("Une couleur de sang occupait l’horizon", Flaubert, Salammbô, chap. X ; "Le soleil s'est noyé dans son sang qui se fige", Baudelaire, Harmonie du soir).

  • "la soie des mers et des fleurs" = des comparaisons qui se passent de commentaire : l'ondoiement soyeux de la mer, les pétales soyeux des fleurs ne sont pas loin d'être de purs clichés.

  • "arctiques" = l'Ailleurs, c'est le lieu de l'Inconnu, le lieu de la formule, un cas pas trop compliqué d'autotextualité ("et les parfums pourpres du soleil des pôles", Métropolitain ; "enluminée comme les dix mois de la nuit rouge, — (son cœur ambre et spunk), — pour ma seule prière muette comme ces régions de nuit et précédant des bravoures plus violentes que ce chaos polaire.", Dévotion ; "dans le chaos de glaces et de nuit du pôle", Après le Déluge).

  • "elles n'existent pas" = raté ! elles existent, et en réalité, tout cela existe, d'une existence banale même, mais ce que veut dire Rimbaud, c'est qu'il a trouvé avec cette concaténation insolite d'images le moyen de représenter l'irreprésentable, ce que tout le monde a cru : bravo à lui !

Par quel procédé Rimbaud réussit-il à créer une telle impression de mystère, voire d'inintelligibilité, à partir d'un matériau linguistique aussi simple ? Comparons l'usage métaphorique du mot "pavillon" pour "le ciel" dans le poème de Hugo susmentionné et dans Barbare.

Et, pour couronnement à ces collines vertes,
Les profondeurs du ciel toutes grandes ouvertes,
Le ciel, bleu pavillon par Dieu même construit,
Qui, le jour, emplissant de plis d'azur l'espace,
Semble un dais suspendu sur le soleil qui passe,
Et dont on ne peut voir les clous d'or que la nuit !

La réponse saute aux yeux : le cotexte. Le cotexte hugolien donne plutôt dix fois qu'une les explications nécessaires à la lecture de la métaphore (désignation explicite du comparé, localisation dans un paysage environnant, comparaison entre le "pavillon" et un "dais", développement de l'allégorie religieuse, etc.). Rien de tel dans le poème de Rimbaud : le pavillon est un objet non sans référent contrairement à ce que croit Giusto mais presque dépourvu de cotexte explicatif, à part les "mers" et les "fleurs arctiques", heureusement pour nous !). Par contre, le cotexte immédiat du poème (la "localisation temporelle" apocalyptique du premier alinéa, les "vieilles fanfares d'héroïsme" et les "anciens assassins" du troisième) multiplient les potentialités associatives et interprétatives au lien d'aider à serrer de plus près le sens de la métaphore du pavillon. En fait, ce n'est pas l'image qui est mystérieuse, c'est le cotexte. Le résultat, c'est cette impression de polysémie et de complexité sans limite que l'on attribue à l'image et qui a tant perturbé exégètes et traducteurs.

Le mot "pavillon" est-il seulement une métaphore, s'est-on demandé ? On n'en sait rien après tout. Rien dans le contexte n'indique si la phrase (la "vision") concerne effectivement un des objets pouvant normalement être désignés en français par ce mot (drapeau, tente, abri, bâtiment, etc.) ou s'il désigne métaphoriquement autre chose (un ciel ensanglanté par un soleil couchant ou levant, un reflet du soleil sur la mer ondulant comme un drapeau,  la forme conique d'un volcan en éruption, la flaque de sang autour d'une baleine blessée, un sexe féminin ... toutes ces interprétations ont été données par la critique). Dans le premier cas le mot "pavillon" n'est pas employé de façon métaphorique et c'est plutôt dans son environnement immédiat (viande saignante, soie des mers et des fleurs arctiques) qu'il faudrait identifier et tenter d'analyser des analogies. Dans le second, le mot "pavillon" fonctionne comme le comparant dans une figure par analogie. Le comparé est absent et fort mystérieux. Le caractère extrêmement vague des motifs de comparaison (sèmes communs) suggérés par le mot et par son environnement immédiat (forme de tente ? forme d'abri ? forme d'étendard ? forme évasée ? rouge ? vie ? violence ? mort ? naissance ? renaissance ? cruauté ? dégoût ?) aide si peu que chaque commentateur propose une solution différente de l'énigme. Une telle formule est évidemment un casse-tête pour les traducteurs : en anglais, par exemple, certains d'entre eux traduisent "pavillon" par "flag", d'autres par "tent" ... (voir l'article de Jay Paul Minn, "Traduire Barbare", op. cit.). L'indécidabilité de l'image-clé de Barbare n'empêche pourtant pas le lecteur de subir le charme de cet étrange texte fondé, comme tant d'autres poèmes du même auteur, sur le principe de l'épiphanie interrompue (la formule est d'Alain Badiou, op. cit).

Les poèmes des Illuminations (n'oublions pas le sous-titre "painted plates", gravures colorées) s'attachent très souvent à dresser un décor, à esquisser, tout au moins, un paysage. Dans Barbare, la référence à la "soie des mers" et les allusions répétées à un environnement "arctique" (par ailleurs familier au lecteur des Illuminations), "rafales de givre", "choc des glaçons", "fleurs" et "grottes arctiques", suggèrent effectivement un paysage, une sorte de marine. Rimbaud pourrait y avoir repris l'image hugolienne du ciel comparé à un "dais" (Bièvre), mais dans ce cas un "ciel rougeoyant", un pavillon céleste orné d'un soleil rouge jeté par dessus "la soie des mers". La représentation sanglante du couchant est un stéréotype. Flaubert, par exemple : "Une couleur de sang occupait l’horizon" (Salammbô, chap. X). Ce cliché a été soumis par les poètes à d'infinies variations destinées à conjurer son caractère conventionnel, du soleil "noyé dans son sang qui se fige" de Baudelaire au "soleil cou coupé" d'Apollinaire.
     La strophe 19 du Bateau ivre constitue un bon exemple de ce travail poétique visant à renouveler, à sophistiquer, pourrions-nous dire, cette image par trop usée :

Libre, fumant, monté de brumes violettes,
Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un mur
Qui porte, confiture exquise aux bons poètes,
Des lichens de soleil et des morves d'azur ;

Pour le bateau, le ciel rouge du crépuscule est une sorte de mur qu'il doit trouer pour gagner l'infini. Le complément de comparaison « comme un mur / qui porte […] des lichens de soleil » complète probablement le noyau verbal du syntagme « [Moi qui]trouais [le ciel] », le participe « rougeoyant » faisant seulement fonction d’adjectif pour qualifier le mot « ciel ». Autrement dit, le « ciel rougeoyant » du crépuscule se dresse comme un obstacle devant le bateau lancé vers l’Inconnu, comparable en cela à « un mur » parsemé de « lichens de soleil », qui sont des taches de lumière, et de « morves d’azur », qui sont des traînées de ciel bleu, un mur enfin que le bateau doit franchir, percer, « trouer » pour pouvoir poursuivre sa route vers le large. Le cliché se voit ainsi doublement régénéré par l'analogie insolite ciel/mur et par l'ironie. En caractérisant le ciel rouge comme une "confiture exquise aux bons poètes", Rimbaud moque le goût excessif pour les couchers de soleil des poètes romantiques. Lui compris, on peut du moins l’espérer de sa lucidité. Cf. les deux premiers vers du quatrain n°9 du même Bateau ivre :

J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,
Illuminant de longs figements violets,

Le mot "confiture", même, d'après certains critiques, n'impliquerait pas seulement ici l'idée de gourmandise mais pourrait connoter aussi celle de drogue, une drogue peu appétissante ainsi que le suggèrent les métaphores associées de la morve et des lichens. Le haschich, en effet, est « un morceau de pâte ou confiture verdâtre » écrivait Théophile Gautier dans Le Club des hachichins. On voit que le travail poétique sur le stéréotype du "ciel rougeoyant" ne commence pas avec Barbare dans la "carrière" de Rimbaud.
    Dans Barbare, pour y revenir, cette image matricielle du ciel ensanglanté comparé à un "pavillon en viande saignante", tout l'art de Rimbaud aura consisté, après l'avoir posée devant les yeux du lecteur sous une forme prosaïque (par le mot "viande") et cauchemardesque (par son association avec le thème apocalyptique clairement introduit dès l'incipit du poème), à la développer par le biais d'une scénographie fantastique aux dimensions d'une expérience hallucinatoire, éveillant au passage une foule d'associations d'idées (du scénario apocalyptique à la transe érotique, en passant par le souvenir des "anciens assassins" et, en jouant peut-être sur la polysémie du mot "pavillon", celui du drapeau ensanglanté de la Commune), de manière à l'ériger en symbole polysémique, inquiétant et fascinant, de l'Inconnu.

   De façon plus sophistiquée, optant plutôt pour l'idée du drapeau (ou souhaitant combiner cette idée avec la précédente), on pourrait voir dans le "pavillon" un reflet ondoyant du soleil couchant à la surface des flots, que l'ondulation des vagues agiterait comme un drapeau rouge. Il y aurait un précédent chez Rimbaud. Dans le développement initial de Mémoire, une eau vive miroitant au soleil ("eau claire", "courant d'or en marche") appelle une comparaison avec "la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes" :

L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance,
l'assaut au soleil des blancheurs des corps de femmes ;
la soie, en foule et de lys pur, des oriflammes
sous les murs dont quelque pucelle eut la défense ;

l'ébat des anges
[...]

N'avons-nous pas là déjà plusieurs des ingrédients de l'image complexe qui nous occupe : la surface de l'eau comparée à de la soie, l'image du drapeau ("pavillon", "oriflammes"), les fleurs (de rêve : "fleurs arctiques", "lys pur"), les suggestions héroïques (l'oriflamme fleurdelisé de Jeanne d'Arc, le pavillon rouge de la Commune), érotiques et religieuses mêlées.

    Je trouve aussi fort intéressant le rapprochement suggéré par Jean-luc Steinmetz (op. cit. 1994) avec de possibles intertextes "arctiques" chez les écrivains contemporains de Rimbaud. Ce critique suppose que le fameux "pavillon" fut peut-être, au départ, dans l'esprit de Rimbaud, celui que les explorateurs de son temps, au péril de leur vie, tentaient en vain de planter au pôle septentrional de la planète. Rimbaud a pu être frappé, en lisant Michelet et/ou Jules Verne, de la ressemblance entre le destin du poète tel qu'il le définit dans la lettre du voyant et celui de ces conquérants de l'impossible qu'étaient encore, au dix-neuvième siècle, les explorateurs du pôle nord, tels notamment que les évoque Jules Verne à travers son personnage d'Hatteras, dont il décrit longuement la folie polaire, la septentriomanie fatale (voir sur ce sujet la page que nous consacrons aux Aventures du capitaine Hatteras de Jules Verne). Cela expliquerait la récurrence de la référence arctique dans les Illuminations. Il est d'ailleurs significatif de voir Thibaudet, dans un article de 1922, utiliser cette même analogie pour caractériser le projet poétique de Mallarmé :

    "Mallarmé avait mis son idéal à réaliser non pas une œuvre parfaite, aussi vivante, aussi bienfaisante que possible, mais à pousser le plus loin possible dans la direction de l'absolu la poésie française, à atteindre une extrémité. Ainsi un explorateur qui, laissant à d'autres les Amériques et les Eldorados, ne s'attacherait qu'à planter un drapeau dans les glaces sur ce point mathématique qu'est le pôle" (Albert Thibaudet, "Mallarmé et Rimbaud", Réflexions sur la littérature, Gallimard, 2007, p.631).

     Autour de l'image initiale, élevée au rang de symbole (symbole de la conquête, symbole de la souffrance héroïque, symbole, pour le poète, de sa propre passion de l'Absolu), sont probablement venues s'agglomérer, dans l'esprit de Rimbaud, comme autant d'harmoniques autour du timbre dominant, les connotations suggérant par métaphore d'autres domaines de conquête que celui de la géographie. "Il y a dans l'inconnu du Pôle, écrit Michelet, je ne sais quel attrait d'horreur sublime, de souffrance héroïque" (La Mer, III-4, 1860). Le « pavillon en viande saignante... » est-il autre chose que cela : une représentation de l'horreur sublime, une allégorie de l'Inconnu hors d'atteinte et destructeur pour celui qui s'y laisse attirer ? Car, pour passer du pavillon d'étamine rouge dans lequel Hatteras enroule son corps ensanglanté, à la fin du roman de Jules Verne, au drapeau rouge des révolutionnaires, symbole du sang versé par les ouvriers (par les Communeux lors de la Semaine sanglante), et de là au "pavillon en viande saignante", il n'y avait pour un  Rimbaud qu'un léger travail de transposition insolite sur le modèle de métaphores banales ou connues comme "chair à canon" ou "boucherie héroïque". Aussi, l'initiale vision sanglante s'associe, dans la suite du texte, à celle d'une éruption volcanique aux proportions gigantesques qui provoque, chez l'énonciateur, un sentiment mélangé de stupeur et de douce euphorie. Or, le volcan en éruption, ainsi que le déluge et autres visions d'apocalypse, est souvent convoqué par Rimbaud pour figurer l'explosion révolutionnaire ("Qu'est-ce pour nous mon cœur...", "Soir historique").

     Par ailleurs, le "chaos de glace et de nuit du pôle" apparaît dans plusieurs illuminations comme le théâtre de la bataille amoureuse ("Dévotion", "Métropolitain"). Il en va de même dans Barbare, où les allusions érotiques ne manquent pas (notamment à la fin du poème). D'où cette interprétation proposée par Bruno Claisse :

"L'intertexte arctique (Métropolitain, Dévotion) ainsi que le matériel métaphorique propre à la langue érotique contemporaine, répondent d'eux-mêmes, en nous faisant lire « le pavillon en viande saignante » comme un triomphe de la « force » virile ; il suffit de rappeler le sens de deux expressions de la langue érotique contemporaine — « l'étendard d'amour » phallique, dit encore « la viande crue » [cf. Delvau] —, dont le poète a pu librement s'inspirer : de là, qui plus est, une « viande » non pas tant « sanglante » (c'est à dire désignant un état [comme « l'étendard sanglant » de la Marseillaise] ) que « saignante » (donc indiquant un saignement), car cette « viande » est une chair à la fois vivante et à vif, tant la pulsion vers « la voix féminine », malgré son irréalisme, est intense. Quant au pôle, il a lui-même été associé depuis longtemps, par toute une tradition libertine (Charles Sorel, Andréa de Nerciat, etc.), au corps féminin [cf. Louis de Landes, p.288], du fait de l'aimantation que celui-ci exerce sur la « force » virile, dont il est le pôle." (op. cit. 2012 p.70).

Ce sens sexuel, qui peut paraître d'abord aléatoire, est renforcé, sinon clairement validé, à la fin du poème avec l'apparition des « larmes blanches, bouillantes » qui ne sont rien d'autre que le saignement de la « force ». 

     Barbare propose en fin de compte une allégorie polysémique, sujette à interprétations érotiques, politiques ou mystiques tout à la fois : un véritable condensé de mythologie rimbaldienne. Le "pavillon en viande saignante" semble y être l'emblème inquiétant et fascinant de l'Inconnu. C'est-à-dire l'Absolu, ou, mieux, le Bonheur absolu, décliné dans tous les registres de l'espérance humaine : désir d'amour, désir de révolution, désir de salut. Il s'agit là d'un bon exemple de la façon dont souvent, chez Rimbaud, une image se complexifie progressivement à partir d'une analogie de départ assez simple mais qui, d'une part, reste sous-entendue, d'autre part, se ramifie en associations d'idées secondaires, générant des pistes d'interprétations différentes mais finalement non-contradictoires. D'où l'hermétisme du résultat.

 

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5) PERSONNIFICATIONS

  • "Sur l'onde calme et noire où dorment les étoiles " (Ophélie);

  • "C'est un trou de verdure ou chante une rivière" (Le Dormeur du val).

      Dans ces deux exemples, il n'y a aucun terme de comparaison; l'analogie ne porte que sur un seul mot, le verbe ("dorment", "chante"), qui suppose un comparant humain et suggère un sème commun (immobilité du dormeur et du reflet des étoiles dans la rivière; mélodie du chanteur et du courant) : ce sont des métaphores ou, si l'on veut préciser, des personnifications.

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6) MÉTAPHORE FILÉE

  • "− Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course / Des rimes" (Ma Bohême).

     L'analogie suggérée entre "j'" (le poète) et le "Petit-Poucet" resurgit à la fin de la phrase quand les "rimes" composées par le poète vagabond au cours de son errance sont comparées aux cailloux que le héros du conte égrène sur son chemin. C'est une métaphore filée. 

  • " Les gros bureaux bouffis traînent leurs grosses dames
      Auprès desquelles vont, officieux cornacs,
      Celles dont les volants ont des airs de réclames ; " (À la musique)

     C'est une métaphore filée. Rimbaud évoque dans ces vers des couples de bourgeois (bureaux = bureaucrates) accompagnés de leurs filles (périphrase du troisième vers). Deux termes échappent au domaine de sens de la scène décrite : "traînent", "cornacs", et ne s'y rattachent que par métaphore. Le premier tend à présenter les grosses dames comme des boulets qu'on traîne ou des animaux tenus en laisse par leurs maris. Le second reprend l'image et la précise en faisant de ces dames des éléphants pilotés par leurs filles comme par des "cornacs".

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7) UN EXEMPLE COMPLEXE DE PERSONNIFICATION ET DE MÉTAPHORE FILÉE ("MÉMOIRE")

     À parler de façon sèchement rhétorique, "Mémoire" est une longue et ingénieuse métaphore filée. Le texte décrit, sur le mode de la personnification, les aspects successifs d'une rivière, du matin au soir. Les métamorphoses de l'eau selon les variations de la lumière, l'arrivée du soleil puis son départ, fournissent au poète un vocabulaire symbolique pour raconter l'union et la séparation d'un couple. 

     L'esprit de système avec lequel cette analogie est construite et continuée tout au long du poème, peut être montrée en se servant d'un tableau :

    

Dans ce texte, l'objet de la description est à la fois ... 

... une rivière

(champ lexical de la nature, évocation de paysages)

 ... une femme

(champ lexical de la vie humaine : du corps, de l'amour, de la famille ...) 

I - vers 1-8 La rivière est tantôt lumineuse ("l'eau claire", "le courant d'or en marche", l'épiphanie de la blancheur dont parle Alain Badiou à propos de ces strophes), tantôt sombre et froide lorsqu'elle se retrouve dans "l'ombre de la colline et de l'arche". Si la colline fait ombre, c'est peut-être que le soleil est encore bas : c'est le matin. Plusieurs traits de personnification appliqués à la rivière suggèrent que la rivière est femme : "bras" (bras de la rivière / bras humains), "ciel-de-lit" (lit de la rivière, sous le ciel / lit où l'on dort, sous son baldaquin), "appelle" (qui prête à la rivière une volonté, une pudeur toute féminine), "rideaux". Auxquels il faut ajouter les références féminines des métaphores virginales du premier quatrain ("blancheurs des corps de femmes", "dont quelque pucelle eut la défense").
II - vers 9-16 La rivière ("humide carreau", "bouillons limpides", "eau") à midi ("au midi prompt") : le paysage ("les saules", "la sphère rose" du soleil) s'y reflète ; le "terne miroir" de l'eau s'éclaire "d'or pâle". Plusieurs nouveaux éléments de personnification tendent à présenter la rivière comme une femme mariée ("ta foi conjugale, ô l'Épouse !"), mère de famille ("robes vertes et déteintes des fillettes"), éprise du soleil, son époux ("sphère rose et chère"), dont elle "jalouse" et convoite la "chaleur".
III - vers 17-24 Coucher de soleil sur la rivière. La rivière, sur les berges ensoleillées de laquelle se promène une famille, devient soudain "froide et noire" après que le soleil s'est éloigné derrière la montagne ("Hélas, Lui, comme / mille anges blancs qui se séparent sur la route,/ s'éloigne par-delà la montagne !) Ce crépuscule est décrit explicitement comme une séparation entre une dame, mère de famille ("Madame", "fils du travail", "enfants") et son époux ("Elle, toute / froide, et noire, court ! après le départ de l'homme !").
IV - vers 25-32 La rivière est "grise" et s'étale en "nappe", ce qui provoque une impression d'immobilité. Le paysage qu'elle parcourt est sinistre. Sur une "barque immobile", un vieil homme tente de draguer le lit marécageux du cours d'eau. Le texte suggère que cette rivière est à l'image du "saint lit" (lit de la rivière / lit nuptial) de la femme abandonnée par l'homme, qui "pleure" et regrette : "Regret des bras épais et jeunes d'herbe pure" ; [regret] de l'"or des lunes d'avril au cœur du saint lit" (la lune d'avril, dit-on, garantit la fertilité de l'acte sexuel).
V - vers 33-40 Un "je" fait intrusion dans le poème. Son "canot immobile" est comme enlisé dans cette rivière à l'"eau morne" et "couleur de cendre". Penché sur le miroir de l'eau qui lui semble être un œil fixé sur lui, il essaie en vain de saisir de ses "bras trop courts" deux fleurs, l'une jaune, l'autre bleue...     ...qui sont peut-être des symboles du père et de la mère (peut-être, plus généralement, de l'homme et de la femme). On est tenté de voir, dans ce tableau final, le poète lui-même, figé dans l'interrogation de son roman familial. Les regards croisés de l'homme et de l'eau constituent une sorte d'allégorie de la plongée intérieure, de l'introspection.

 

*****

     Ce n'est pas diminuer le génie de Rimbaud que de montrer, ainsi que nous avons essayé de le faire, comment ses plus belles pages ("Mémoire", "Mauvais sang", "Barbare", par exemple) peuvent être efficacement éclairées par le recours à des outils de lecture finalement assez simples : l'intertextualité (Rimbaud a lu Hugo, Baudelaire, Michelet, Jules Verne, et quelques autres) ; l'intertextualité interne (nous avons observé à plusieurs reprises comment Rimbaud puise dans son œuvre même des images qu'il affectionne et qu'il retravaille en les rendant plus elliptiques et plus complexes) ; et puis, tout simplement, la lecture attentive des textes, dans leur littéralité : ceux qui concluent trop vite à l'illisibilité de Rimbaud avouent surtout par là une lecture trop hâtive, voire paresseuse. Nous n'avons pas trouvé beaucoup d'"ipséismes" (pour reprendre le mot de Victor Segalen) au cours de ce petit panorama de l'image rimbaldienne. Au contraire, il en ressort que Rimbaud transforme souvent des matériaux métaphoriques préexistants qu'il a trouvés soit dans la langue, en tant que métaphores lexicalisées (catachrèses), soit dans la littérature à l'état de clichés. Son art consiste alors à réintroduire du mystère dans cette langue lyrique héritée du romantisme, à insuffler une nouvelle vibration poétique à ces images plus ou moins traditionnelles, par des procédés rhétoriques que nous avons essayé de décrire : figures elliptiques, rapprochant sans justification explicite des réalités éloignées, formulations volontairement ambiguës ou polysémiques, mots choisis pour les virtualités associatives multiples qu'ils recèlent, emploi du terme abstrait pour désigner une réalité concrète, du mot trivial ou familier au lieu du terme noble attendu, etc. C'est grâce à ce travail que sa poésie "frissonne de sensibilité", comme dit Segalen, et nous touche, et nous parle, pour peu qu'on prenne la peine de la lire vraiment.

 

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