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Lexique des termes littéraires 

du site Lettres.org

Rimbaud, le poète (accueil)  > Glossaire stylistique

Alinéa
ALLÉGORIE
ALLITÉRATION
ANALOGIE

ANAPHORE
ASSONANCE
ASYNDÈTE
CÉSURE

CHANSON

CHUTE
Clausule
Comparaison
Déictiques
Démonstratifs

ELLIPSE
Facule discursive

JEU DE MOTS

HYPALLAGE

HYPERBOLE
HYPOTYPOSE
INCIDENTE

M
étaphore
MÉTONYMIE

OXYMORE
PARAGRAPHE
PARALLÉLISME
Parataxe
PARODIE
Pastiche
POÈME EN PROSE

Pointe
Polysyndète
PRÉPOSITION

RIME
RIME CONSONANTIQUE
RYTHME (PROSE)
SONNET
STYLE ORAL
SYNECDOQUE
SYNESTHÉSIE
TIRET
VERS
VERS LIBRE
Verset

ZEUGMA

STYLE ORAL : Ensemble des procédés visant à procurer au lecteur une impression d’oralité en façonnant un équivalent littéraire, vivant, naturel, de la langue parlée. 

     Du Recueil de Douai à Une saison en enfer, la recherche d’un style parlé est une constante de l’écriture rimbaldienne. 
     S’exprimant au sujet de la « Saison », André Guyaux cite les principaux moyens rhétoriques de cette recherche : « exclamations, ellipses, syntaxe nominale, antéposition du prédicat (« C’est oracle, ce que je dis »), usage du présent, de la première personne du pluriel, rythmes parlés (« quant au bonheur établi, domestique ou non … non, je ne peux pas »), renchérissement (« tais-toi, mais tais-toi !... »), etc. » (op. cit.  p.20). 
     Danièle Bandelier
a étudié de façon minutieuse cette dimension orale du style de Rimbaud dans son ouvrage Se dire et se taire. L’écriture d’Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud (op. cit.). S’appuyant sur l’opposition classique entre « récit » et « discours », elle montre que l’écriture de la « Saison » tient plus du discours que du récit : usage majoritaire du présent, présence d’un grand nombre de déictiques (adjectifs démonstratifs, articles définis …) renvoyant à une situation extérieure qui échappe au lecteur. L’oralité est suggérée par des ruptures de construction, l’usage fréquent de l’interrogation et de l’exclamation. Des marques de langage familier se mêlent au vocabulaire généralement soutenu utilisé par l’auteur : suppression de la particule négative (« ne »), ellipses, tours populaires. Ce choix de style destiné à donner l’impression d’une réflexion hésitante, d’un dialogue avec soi-même, avec le lecteur, participe de la difficulté de l’interprétation.  
     Jean Voellmy
a consacré une étude particulière à l'interjection (op. cit. p. 127-134). "L'interjection est un terme chatoyant, écrit-il, un condensé, qui traduit sans l'analyser le trop-plein du cœur, la gamme des émotions. L'intuition nous permet d'en saisir le sens et de nous identifier au poète" (p.127). Il ressort surtout (me semble-t-il) des exemples analysés que ce sens n'est pas toujours facile à caractériser : admiration ? enthousiasme ? étonnement ? amertume ? nostalgie ? etc. Conséquence de ce flou sémantique, les diverses interjections sont bien souvent interchangeables (on assiste parfois, d'une version à l'autre d'un même texte, à des substitutions qui tendent à le prouver). Situant ses remarques sur la "Saison" dans le prolongement de celles de Danièle Bandelier, Jean Voellmy écrit : "J'ai compté les interjections d'Une saison en enfer : 25 ô (ou oh), 19 ah, 4 hélas et quelques particules isolées : bah, bon, çà, eh bien." (132). L'utilisation fréquente de ces interjections, permet certes de dramatiser l'expression mais elle contribue aussi à la rendre plus obscure. L'auteur le montre en s'appuyant sur un extrait du brouillon de "Mauvais sang". Rimbaud avait d'abord écrit : "À quoi servent mon abnégation et ma charité ...". Puis, en remplaçant "À quoi servent" par "O" ("Ô mon abnégation, ô ma charité merveilleuse"), "il évite de se fixer" (p.132) : le sens hésite maintenant entre l'amertume, le sentiment de lassitude qui se dégageaient de la première rédaction, et l'incantation admirative suggérée par l'adjectif "merveilleuse".
     Le style oral est donc un moyen d'expressivité qui favorise aussi, chez Rimbaud, la brièveté elliptique, la polysémie, l'hermétisme.

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Bibliographie

Danièle Bandelier, Se dire et se taire. L’écriture d’Une saison en enfer d’Arthur Rimbaud, À la Baconnière, 1988, 252 pages.
André Guyaux, Duplicités de Rimbaud, Champion-Slatkine, 1991.
Jean Voellmy, "Considérations sur l'interjection dans la poésie de Rimbaud", Parade Sauvage : Colloque n°4, 13-15 septembre 2002.