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Alinéa
ALLÉGORIE ALLITÉRATION ANALOGIE ANAPHORE ASSONANCE ASYNDÈTE CÉSURE CHANSON CHUTE Clausule Comparaison Déictiques Démonstratifs ELLIPSE Facule discursive JEU DE MOTS HYPALLAGE HYPERBOLE HYPOTYPOSE INCIDENTE Métaphore MÉTONYMIE PARAGRAPHE PARALLÉLISME Parataxe PARODIE Pastiche POÈME EN PROSE Pointe Polysyndète PRÉPOSITION RIME RIME CONSONANTIQUE RYTHME (PROSE) SONNET STYLE ORAL SYNECDOQUE SYNESTHÉSIE TIRET VERS VERS LIBRE Verset ZEUGMA |
"UN JEU DE MIROIRS ANALOGUE À CELUI DES RIMES"
Dès ses premiers poèmes, Rimbaud manie avec virtuosité le jeu des combinaisons sonores. Louis Aragon dit quelque part qu'il élève la technique des assonances et des allitérations à la hauteur d'un "jeu de miroirs analogue à celui des rimes" (Louis Aragon, Blanche ou l'oubli, 1967, Folio, p.79). Observons par exemple l'effet voluptueux des allitérations en /s/ dans les dernières strophes des Chercheuses de poux :
Ces vers exploitent les allitérations en /s/ pour faire ressortir l'idée de silence, une impression de promiscuité et de douceur, la sensation physique du souffle des jeunes filles dans le cou de l'enfant. D'autres effets sonores se combinent avec le précédent; assonances en (/ã/) : "Il entend leurs cils noirs battant sous les silences"; reprises de la séquence /ir/ : désirs, désir, délirer, mourir, soupir; et de nombreuses harmoniques encore, qu'il serait trop long d'énumérer. Mais le jeu avec les sonorités ne se contente pas de fournir une imitation expressive du sens. Il semble parfois engendrer l'idée elle-même, de sorte que la hiérarchie traditionnellement admise entre forme et signification s'en trouve renversée. Le texte progresse par associations de sonorités autant et plus que par enchaînements d'idées :
Comme exemple significatif, on pourra citer la prose des Illuminations intitulée Antique :
Antoine Raybaud écrit à propos de ce poème : "Ce texte-ci semble annoncer, d'entrée, son objet : "Gracieux fils de Pan !" Mais il tourne, quittant le plan sémantique, pour jouer de sa trame sonore, issue des termes mêmes de l'annonce, et sur laquelle vont se composer les termes de la fable :
Gracieux - tes yeux - précieuses - se creusent
; Trois suites phoniques font chaîne, après avoir fait leur entrée dans le texte en trois temps, dans l'ordre même de l'annonce, elles se déploient ou se composent, et même modulent (précieuses - creusent - luisent) : la thématique musicale (tintement ; cithare), avant toute légitimité de comparaison ou de référence, figure le travail même du texte qui la dit et qu'elle dit, et, de la sorte, ne se comprend que dans le travail de ce texte, qui la rend possible et la présente" (op. cit., p.13-14). À propos de cette même pièce, André Guyaux fait remarquer la valeur structurante de l'allitération en /t/ qui, reliant la deuxième personne du singulier ("tu", "te", "toi" ...) au mot "tintements", contribue à la métamorphose merveilleuse de l'objet du désir en une sorte de corps musical, vibrant au rythme du cœur ("Ton cœur bat dans ce ventre ou dort le double sexe") : "La deuxième personne martèle à coups de "t" l'espace de cette évocation-invocation, elle y résonne comme une allitération qui la dépasse : Autour de ton front [...] Tachées [...] tes joues [...] Tes crocs [...] Ta poitrine [...] des tintements [...] dans tes bras [...] Ton cœur [...] toi [...] On dirait alors que d'autres mots que les possessifs signifient le même appel et que tout le texte fait écho à l'autorité du fantasme" (op. cit. 1985, p.203).
Le lecteur aura noté chez les deux critiques une même méthode
consistant à repérer dans le texte des mots-clés, générateurs d'un
modèle (l'adjectif "gracieux", les pronoms de deuxième
personne, le substantif "tintements"), pour observer ensuite
la dissémination de ce modèle phonétique à travers certaines
chaînes de mots. Comme l'a fort bien expliqué Henri Meschonnic à propos du poème Mémoire, l'allitération n'a plus nécessairement, chez Rimbaud, sa fonction imitative classique. Il s'agit véritablement d'une manière nouvelle dans la recherche des effets auditifs. Ces derniers proviennent essentiellement de « chaînes prosodiques », c'est-à-dire de sons se répétant en chaîne dans une partie de l'énoncé comme, par exemple, les /s/ dans la première strophe : sel-enfance-assaut-soleil-soie-lys-pucelle.
Meschonnic signale aussi l'embrassement syntagmatique /lssl/
dans la suite « l’assaut au soleil » (v. 2), l'inversion à la même
position syllabique superposée « la soie-sous les » /ls-sl/, et « lys
pur-pucelle ». Cette exploitation novatrice de la matière sonore de la langue ne signifie évidemment pas, comme l'a parfois cru la critique structuraliste des années 60-70, que le texte échappe à toute logique discursive ou narrative. Cette thèse insoutenable affleure, par exemple, dans le célèbre essai du critique littéraire allemand Hugo Friedrich Structure de la poésie moderne (1956) :
Malencontreusement pour l'auteur de cette analyse, les extraits qu'il cite à l'appui de sa thèse ne sont nullement dépourvus de sens précis, illogiques ou incompréhensibles, comme il l'affirme péremptoirement (voir les commentaires que nous proposons pour ces divers passages dans notre anthologie commentée). On mesure là les conséquences nocives d'une lecture doctrinaire (et finalement paresseuse) de l'œuvre de Rimbaud. Mais l'auteur souligne à juste titre les difficultés que la pratique rimbaldienne de l'assonance et de l'allitération impose à ses traducteurs. ______ [1] Voici les exemples choisis par un grand critique littéraire du début du XXe siècle, Albert Thibaudet, pour en illustrer le mécanisme : "L'assonance et l'allitération sont pratiquées de façon constante par certains poètes, à l'exclusion des autres. Becq de Fouquières, dans son Traité, appelle l'attention sur leur abondance extraordinaire chez Racine. Victor Hugo en joue avec une ampleur et une sûreté merveilleuses.
Elles
sont, pour la prose, des esprits actifs et tout-puissants de beauté
verbale, et plus fréquentes peut-être dans Chateaubriand que dans
Racine. Flaubert qui disait qu'une assonance doit être évitée,
dût-on y passer huit jours, en place une fort belle à la première
ligne de Salammbô. "C'était à Megara, faubourg de
Carthage, dans les jardins d'Hamilcar." Les a redoublés
des trois noms propres déploient un rideau de pourpre sombre au seuil
du roman barbare. Victor Hugo, faisant gravir aux cuirassiers de
Waterloo "comme un bélier de bronze qui ouvre une brèche,
l'épouvantable pente de boue du Mont Saint-Jean" réalise par
l'allitération des labiales, la perfection de ce qu'on appelait
autrefois l'harmonie imitative."
_______________________________________________ Bibliographie
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