Alinéa
ALLÉGORIE
ALLITÉRATION
ANALOGIE
ANAPHORE
ASSONANCE
ASYNDÈTE
CÉSURE
CHANSON
CHUTE
Clausule
Comparaison
Déictiques
Démonstratifs
ELLIPSE
Facule discursive
JEU DE MOTS
HYPALLAGE
HYPERBOLE
HYPOTYPOSE
INCIDENTE
Métaphore
MÉTONYMIE
OXYMORE
PARAGRAPHE
PARALLÉLISME
Parataxe
PARODIE
Pastiche
POÈME EN PROSE
Pointe
Polysyndète
PRÉPOSITION
RIME
RIME CONSONANTIQUE
RYTHME (PROSE)
SONNET
STYLE ORAL
SYNECDOQUE
SYNESTHÉSIE
TIRET
VERS
VERS LIBRE
Verset
ZEUGMA |
MÉTONYMIE/SYNECDOQUE
:
La métonymie et la synecdoque sont des figures par substitution. La rhétorique
distingue divers types de figures :
figures par
substitution (métonymie, synecdoque) ; figures par analogie
(comparaison, métaphore, personnification,...) ; figures par
opposition (oxymore, antithèse, paradoxe, antiphrase...) ; figures
d'atténuation ou d'amplification (euphémisme, litote, hyperbole,
gradation...) ; figures de syntaxe (asyndète, anacoluthe,
hypallage, zeugma...), etc.
La métonymie consiste à substituer au nom
attendu un autre nom, que la logique ou l'expérience empirique permettent
d'associer au précédent. Exemples empruntés au langage courant :
"boire un verre" (désignation du contenu par le contenant) ;
"manquer de tête", "avoir du cœur" (une qualité
morale est désignée par la partie du corps censée en être le siège)
; "acheter un cantal" (on utilise le nom du lieu pour
désigner la chose qu'on y fabrique); "Londres adresse une
protestation" (le nom de la ville pour le gouvernement qui y
siège) ; "contempler un bronze de Rodin", "nettoyer les
cuivres de la maison" (la matière pour l'objet) ; etc.
La synecdoque est une figure de substitution
particulière consistant à utiliser la partie pour le tout (ou le tout
pour la partie) ; le genre pour l'espèce (ou l'espèce pour le genre)etc.
Exemples : "Il découvrit de nouveaux visages" (pour
"des personnes nouvelles") ; "un troupeau de
plusieurs centaines de têtes" (pour "de bêtes") ;
"faire de la voile" (pour "du bateau à
voile") ; "un trois mâts" (pour "un voilier possédant trois
mâts").
"La Synecdoque est
donc une espèce de métonymie, par laquelle on donne une signification
particulière à un mot (qui dans le sens propre a une signification
plus générale ou plus particulière). En un mot, dans la métonymie,
je prends un nom pour un autre, au lieu que dans la synecdoque, je
prends le plus pour le moins, ou le moins pour le plus." C. DU
MARSAIS, Des tropes, II, La synecdoque.
La
synecdoque est un procédé typique de l'hermétisme rimbaldien.
Il suffit pour s'en convaincre d'observer la manière dont le poète
travaille lorsqu'il procède à la réécriture d'un texte-source. Soit
l'exemple du deuxième paragraphe de Métropolitain :
Du désert de bitume fuient droit en déroute avec les nappes de brumes
échelonnées en bandes affreuses au ciel qui se recourbe, se recule et
descend, formé de la plus sinistre fumée noire que puisse faire l'Océan
en deuil, les casques, les roues, les barques, les croupes. — La
bataille !
|
Antoine
Fongaro (op. cit. p.291-294) a
proposé de façon très convaincante une source possible chez Jules
Vallès ("Lettre d'exil" intitulée "Londres",
Pléiade, tome 2, p.71). Le texte évoque la rue de Londres ("Puis
voici la rue") :
Le Up Roar de Londres
! tant de fracas ! les chariots qui s'emmêlent, les chevaux qui
s'abattent, les pompiers qui courent vers les incendies, au grand
trot, les crieurs de journaux et les écorcheurs de complainte,
les coups de fouet, les coups d'épaule, les bœufs qui mugissent
au coin des rues et les femmes saoules qui chantent, et le chemin
de fer qui, là-bas, tire le canon ! Quelle bataille ! |
Rimbaud conserve la structure de paragraphe, mais abandonne les notations
auditives au profit de notations visuelles, ajoute un long développement
hyperbolique, puissamment dynamique, sur le poncif du fog londonien, réduit le nombre des
éléments descriptifs (en favorisant par leur rapprochement un effet
d'assonance /r/ + /k/ : "les casques, les roues, les
barques, les croupes")
et, enfin, réduit ces éléments descriptifs à un détail (la partie pour
le tout) : "chariots" > "roues" ;
"chevaux" > "croupes" ; "pompiers" >
"casques".
Tzvetan Todorov a développé une théorie intéressante (mais selon
nous contestable) au sujet des synecdoques rimbaldiennes :
Bien
des expressions rappellent les synecdoques du type la partie pour le
tout. Rimbaud ne retient, de l'objet, que l'aspect ou la
partie qui est en contact avec le sujet, ou avec un autre objet ; il ne
se soucie pas de nommer les totalités. "J'ai marché, réveillant
les haleines vives et tièdes ... et les ailes se levèrent sans
bruit" ("Aube") : mais à qui appartiennent ces haleines,
ces ailes ? On ne voit pas un être dans "Barbare", mais :
"Et là, les formes, les sueurs, les chevelures et les yeux,
flottant" (et, dans "Fleurs", un tapis d'yeux et de
chevelure"). Et cet Être de beauté dans "Being Beauteous"
: "Ô la face cendrée, l'écusson de crin, les bras de cristal
!" Le désert de bitume est fui par "les casques, les roues,
les barques, les croupes" ("Métropolitain") : mais de
quel être participent-ils ? Et le génie ne sera jamais nommé
autrement que par ses éléments : ses souffles, ses têtes, ses
courses, son corps, sa vue, son pas ... [...] De même pour une autre
espèce de synecdoque, encore plus massivement présente dans ces
textes, celle du genre pour l'espèce, autrement dit l'évocation du
particulier et du concret par des termes abstraits et généraux [...]
Tout au long des Illuminations, Rimbaud préfèrera les noms
abstraits aux autres. Il ne dit pas "monstres", ou
"actions monstrueuses", mais : "Toutes les monstruosités
violent les gestes [atroces d'Hortense]..." Ce n'est pas un enfant qui surveille, mais
on est "sous la surveillance d'une enfance"; et le même texte
parle encore de "solitude", "lassitude",
"mécanique" (nom), "dynamique (nom),
"hygiène", "misère", "moralité",
"action", "passion" ... ("H"). [...] Les
termes génériques ou abstraits produisent le même effet que les
parties du corps qui apparaissent sans que la totalité soit jamais
nommée : on doit bien se rendre compte au bout d'un moment que ce ne
sont pas là des synecdoques mais des parties ou des propriétés qu'il
faut prendre comme telles ; du coup, il n'est plus possible de se
représenter l'être dont on parle et l'on se contente de comprendre les
attributs qui lui sont prédiqués" [...] "Le langage des Illuminations
est essentiellement littéral et n'exige pas, ou même n'admet pas, la
transposition par tropes. Le texte nomme des parties, mais elles ne sont
pas là "pour le tout" ; ce sont plutôt des "parties
sans tout" (op. cit. p.153-155).
Si ces pages de Todorov sur les
synecdoques rimbaldiennes traduisent bien l'impression d'obscurité ressentie par le
lecteur, elles ont selon nous le défaut de plier l'analyse
stylistique à sa théorie de l'illisibilité des Illuminations.
L'auteur exagère intentionnellement l'hermétisme des passages
qu'il cite :
- dans "Aube", par exemple, on rétablit sans peine
derrière la partie "ailes" la totalité
"oiseaux".
- dans "H", le lecteur, certes, peine
à
décider si les "monstruosités" sont les
actions monstrueuses du violeur d'Hortense ou les imaginations monstrueuses du jeune homme qui
a l'Habitude, si les "gestes atroces" sont ceux de la victime
ou ceux du bourreau.
Mais enfin, avec un peu d'ingéniosité... il n'est pas impossible de
deviner qu'Hortense et son bourreau ne font qu'un. Et que, donc, les
"monstruosités" sont à la fois les actions
monstrueuses (violentes, répréhensibles)
et les imaginations monstrueuses (perverses, brutales) du masturbateur.
Enfin, même si l'on admet que, dans la plupart des cas,
l'opacité de la figure soit bien réelle et que la totalité représentée
reste énigmatique... n'est-ce pas justement le propre de
la poésie (et pas seulement celle de Rimbaud) d'échapper en partie à la fonction référentielle du
langage, de donner à deviner plus que de représenter, de laisser
ouvertes des interprétations multiples ?
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Bibliographie
Tzvetan Todorov, "Les Illuminations", dans La Notion de
littérature, Points-Essais, 1987
Antoine
Fongaro, De la lettre à l'esprit, Champion, 2005.
Signalons dans ce dernier ouvrage une intéressante réfutation des
thèses de Todorov, p.15-20.
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